Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Portugal (suite)

Dans les campagnes minhotes, il existe en effet une tradition industrielle qui s’explique autant par la présence de cours d’eau bien alimentes dont la force motrice a été précocement mise à profit que par une main-d’œuvre abondante et bon marché. D’innombrables petits ateliers animent les vallées : tissages et filatures de coton dominent ; mais on y trouve aussi des fabriques de tapis, des scieries, des ateliers de petite métallurgie. Guimarães (31 300 hab.) est le type de ces petits centres qui, au textile, joignent la mégisserie et la coutellerie. De même autour de la serra da Estrela de nombreuses bourgades possèdent de petits ateliers textiles dont les plus importants sont à Covilhã (23 600 hab.). La vie industrielle moderne se concentre au contraire sur le littoral : chantiers navals à Viana do Caslelo, industries mécaniques et chimiques ainsi que papeteries à Aveiro (24 000 hab.) et tout près de là céramique, à Vista Alegre. Mais le principal centre industriel est Porto*, agglomération de 500 000 habitants dont la fortune est née de sa position au débouché du Douro et de ses relations maritimes avec l’Europe du Nord-Ouest. Elle est la capitale du Nord et a totalement éclipsé Braga (48 800 hab.), qui reste une cité religieuse prestigieuse. Coimbra (56 500 hab.), au contraire, échappe à l’aire d’influence de Porto et doit sa renommée avant tout à sa célèbre université.


Le Sud

À la diversité des paysages du Nord s’oppose la monotonie de ceux du Sud. Ici se déroulent à l’infini des campagnes solitaires où de grosses fermes isolées, les montes, se dispersent de loin en loin dans l’intervalle de rares gros villages aux maisons pressées les unes contre les autres. L’emprise de l’homme sur le milieu reste faible, particulièrement dans le paysage de montado qui est très répandu dans l’ouest et le nord de l’Alentejo et déborde sur le Ribatejo méridional. Il s’agit d’une forêt claire de chênes verts ou de chênes-lièges dont le sous-bois a été défriché et sert de pâturage à des troupeaux de porcs noirs. De temps en temps, on le laboure pour y cultiver une céréale (orge ou avoine) destinée à fournir, avec les glands de chêne, un complément de nourriture au bétail en été. L’exploitation du liège procure un appoint de ressources. Dans le centre et le sud de l’Alentejo et sur les terrasses de la rive sud du Tage en Ribatejo, ce paysage fait le plus souvent place à une campagne dénudée, le campo, consacrée à une monoculture céréalière associée à l’élevage du mouton sur les jachères. Ces dernières couvrent de vastes surfaces puisque la terre, après une année de blé et une année d’avoine ou d’orge, est laissée au repos de deux à cinq ans suivant sa fertilité, à quoi s’ajoute une année de jachère labourée avant d’ensemencer le blé. Rares sont les sols de meilleure qualité sur lesquels la jachère peut être réduite à un an, voire supprimée grâce à l’emploi d’engrais et la jachère labourée remplacée par une culture de fèves ou de pois. Enfin, dans l’Alentejo oriental et sur les collines de rive droite du Tage, les champs de céréales sont souvent complantés d’oliviers ; ce type d’exploitation est généralement développé sur des sols riches en calcium où la jachère ne dure qu’un an et sert de pâture aux moutons ; les rendements restent cependant médiocres.

Ces systèmes agricoles, où la culture est au service de l’élevage, relèvent d’une exploitation très extensive du sol. Ils sont étroitement liés à une structure sociale radicalement opposée à celle du Nord : ici dominent la grande propriété et la grande exploitation. L’origine des grands domaines remonte à la Reconquista : le roi a distribué à quelques grands seigneurs et aux ordres militaires de vastes terres d’un seul tenant taillées dans des espaces laissés incultes aussi bien par les Romains que par les Arabes à l’exclusion de quelques bons terroirs (Beja). De plus, l’expropriation et la vente des biens du clergé par la royauté portugaise au milieu du xixe s. ont encore renforcé l’emprise de la grande propriété dans la mesure où la riche bourgeoisie des villes a accaparé ces terres qu’elle était seule capable d’acheter. La grande exploitation est en revanche un phénomène beaucoup plus récent : longtemps la noblesse et le clergé distribuaient des lots de terres à de petits paysans en échange de modiques redevances et leur accordaient des droits divers sur leurs domaines (pâturage, litière, charbon de bois...). Après la vente des biens du clergé, les nouveaux propriétaires se montrèrent bien souvent moins libéraux. Mais surtout l’adoption en 1889 d’une loi protégeant la culture du blé contre la concurrence étrangère provoqua une fièvre de défrichement d’une grande ampleur. Sur les grands domaines restés jusque-là incultes en grande partie, le maquis (charneca) fit place au campo et au montado, et les tenanciers en furent chassés. Devenus salariés agricoles de ces grandes exploitations exigeant peu de travail, ils devinrent victimes d’un chômage chronique. Leur situation n’a fait qu’empirer avec l’accroissement démographique et plus récemment avec la mécanisation de la culture, sans que d’autres possibilités d’emploi apparaissent : les villes, Beja (18 000 hab.) et Évora (34 000 hab.) notamment, n’ont qu’une fonction administrative et commerciale, et l’exploitation des mines de cuivre d’Aljustrel et de São Domingos n’a suscité aucune implantation industrielle.

L’aménagement des basses vallées du Tage et du Sado a encore renforcé la grande exploitation. Le cas de la Compagnie des terres submersibles du Tage et du Sado est exemplaire : à la liquidation de la maison de l’infant en 1836, elle acquit 50 000 ha de terres dont 10 000 ont été mis en irrigation et consacrés à la culture du riz, 10 000 ha plantés en pins, eucalyptus et chênes-lièges ; le reste est partagé entre des plantations d’oliviers, un vaste vignoble et des prairies inondables pâturées par des taureaux de combat. Quant aux travaux d’irrigation accomplis avec l’aide de l’État dans la vallée du Sado dans le dessein d’y implanter une polyculture sur de petites propriétés, ils ont eu pour résultat d’étendre encore la monoculture du riz...