Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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population (suite)

La réduction de la natalité et celle de la mortalité entraînent une transformation radicale de la pyramide des âges. Dans les sociétés traditionnelles, les moins de vingt ans représentaient souvent la moitié de la population totale, et les personnes de plus de soixante ans ne comptaient souvent que pour 4 ou 5 p. 100. La proportion des adultes excède maintenant 50 p. 100, celle des enfants tend à passer au-dessous de 35, voire de 30 p. 100. Les personnes âgées de plus de soixante ans constituent 18 p. 100 des effectifs en France ou en Grande-Bretagne, et cette proportion ne peut que croître avec les progrès de la médecine. On n’insiste généralement pas assez sur les implications psychologiques de cette transformation : nos sociétés tendent à être dominées par des personnes âgées, au moment où les jeunes, coupés du monde des adultes par les transformations du système éducatif, prennent conscience de leurs problèmes, de leurs inquiétudes et de leurs révoltes.

Dans les pays d’Europe occidentale, en Amérique du Nord, au Japon, puis dans l’Europe de l’Est, la phase de transition s’est partout traduite par les mêmes transformations : diminution de la mortalité, diminution de la natalité, vieillissement. En dehors de la France, il y a toujours une accélération de la croissance démographique, suivie d’un ralentissement, d’une stabilisation. Toutes ces transformations sont liées à la création d’une infrastructure industrielle, à la multiplication des services.


L’explosion démographique du tiers monde

Depuis un demi-siècle, et plus particulièrement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, on voit surgir un nouveau problème. Dans les pays dont la structure économique demeure traditionnelle, les progrès de la médecine entraînent une baisse considérable de la mortalité, l’ébranlement de la société provoqué par l’occidentalisation supprime les freins qui limitaient la natalité. L’explosion démographique qui caractérise la première phase de la transition débute avant même que le pays n’entreprenne la modernisation de ses infrastructures et la construction d’une économie efficace et mécanisée. On peut se demander si on n’est pas en présence d’un phénomène nouveau, d’une explosion incontrôlable et que ne viendra pas limiter, comme en Europe et en Amérique du Nord, la baisse de la fécondité : de là vient l’inquiétude actuelle vis-à-vis du problème de population. Elle est avivée par l’hypothèque qui pèse de plus en plus sur l’environnement de l’homme moderne : si l’humanité entière jouissait d’un niveau de vie à l’américaine, les ressources seraient sans doute vite épuisées. Que se passera-t-il si la natalité ne baisse pas ?

Les cris d’alarme des naturalistes, de tous ceux qui étudient les ressources et leur conservation sont salutaires, mais le pessimisme de certains est exagéré. Il semble déjà que les nouveaux moyens de contraception soient efficaces pour limiter la natalité des pays en voie de développement, ils ont fait leurs preuves dans les pays industrialisés, où on leur attribue la baisse profonde de la fécondité observée partout depuis 1950. Toutefois, il faut longtemps pour que l’augmentation de population se fasse à un rythme plus lent ; les effectifs de femmes en âge de procréer augmentent rapidement dans tous les pays du tiers monde, si bien que le nombre des naissances s’élève encore lorsque la fécondité diminue. Un peu partout, on commence à voir celle-ci baisser : cela laisse présager un ralentissement notable du taux d’expansion démographique à l’échelle du globe à partir des années 1985-1990. Ce ralentissement est d’autant plus indispensable qu’au rythme actuel la population mondiale s’accroît annuellement de près de 80 millions d’individus, quotidiennement de plus de 200 000 unités. Un pays comme l’Inde compte, chaque mois, au moins un million d’habitants en plus.

Malgré ce freinage vraisemblable, le poids du tiers monde, celui de l’Amérique et dans une moindre mesure celui de l’Asie (où les taux de croissance sont déjà moins soutenus) s’accroîtra d’ici la fin du siècle : cela pose évidemment un problème majeur à l’humanité blanche, qui a jusqu’ici, et depuis la Renaissance, dominé l’histoire universelle. La géographie de la population modèle et conditionne les problèmes politiques du monde d’aujourd’hui et du monde de demain.

P. C.

➙ Agglomération urbaine / Contraception / Démographie / Épidémie / Mortalité / Natalité et fécondité / Santé / Urbanisation / Vieillissement de la population.

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