Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

population (suite)

La population humaine

L’opinion ne s’est jamais autant préoccupée de la population mondiale. Elle commence à s’inquiéter de la vitesse avec laquelle celle-ci se multiplie : les estimations (très imprécises) que l’on peut faire pour le début tic l’ère chrétienne se situent aux alentours de 300 millions ; elles atteignent 550 millions au milieu du xviie s., 725 au milieu du xviiie s., 1 325 au milieu du xixe s., 2 500 en 1950. Le troisième milliard est dépassé en 1960 ; en 1970, on en était à 3 550 millions ; au taux actuel d’accroissement, le sixième milliard serait dépassé en l’an 2000 ; le septième serait atteint en 2010 (doublement en quarante ans) ; le monde compterait cinquante milliards aux alentours de l’an 2100, ce qui donnerait une densité moyenne proche de 400 habitants par kilomètre carré, voisine de celle des Pays-Bas à l’heure actuelle (d’après Coran Ohlin).


Les dénombrements

La curiosité pour les faits démographiques a d’abord été intéressée : pour les besoins du prélèvement des impôts, le prince faisait faire des dénombrements ; la précision de ceux dont on dispose pour la Chine dès l’Antiquité est remarquable. Pour les pays d’Europe occidentale, il y a quelques évaluations sérieuses au cours du Moyen Âge. Il faut cependant attendre l’époque moderne pour voir les recensements se perfectionner. Ils deviennent périodiques au début du xixe s., dans les grands pays d’Europe occidentale, la France et l’Angleterre, ainsi qu’aux États-Unis. Petit à petit, toutes les nations les imitent.

Il ne suffit pas de disposer do dénombrements périodiques pour comprendre et prévoir le mouvement d’une population : il importe de disposer d’un état* civil qui retrace le mouvement des décès et des naissances. Il devient courant aux Temps modernes dans toute la chrétienté, dans la mesure où il apparaît indispensable aux Églises de la Réforme et de la Contre-Réforme. Il faut néanmoins plus de deux siècles pour que la collecte des données devienne régulière et fidèle. Dans beaucoup de pays en cours de développement, l’enregistrement des naissances et des décès laisse encore beaucoup à désirer. On ne connaît pas l’âge des personnes, on ne déclare pas toujours les naissances au moment où elles ont lieu. À quoi bon le faire lorsque la mortalité infantile demeure élevée ?

L’étude de la population est demeurée longtemps fort entachée d’erreurs. Faute de données précises, on est demeuré persuadé, jusqu’à la fin du xviiie s., de la diminution progressive de la population du globe. Les résultats des dénombrements qui se précisent alors font découvrir que la tendance est inverse. Face à l’optimisme de Condorcet* ou de William Godwin, Malthus* exprime l’inquiétude qui témoigne de la prise de conscience de la rapidité de la croissance : les données anglaises révélaient pour le xviiie s. un doublement de la population, et on savait, depuis B. Franklin, qu’elle doublait à toutes les générations dans les jeunes États-Unis.


La répartition par continents

Au fur et à mesure que les connaissances se sont précisées, on a pu affiner l’image que l’on avait de la répartition des hommes sur la Terre. Si on considère ce qui se passe à l’échelle des continents, on constate que l’Asie et l’Europe gardent depuis le xviie s. la prééminence, mais que leur part, après avoir augmenté régulièrement durant deux siècles (elle est passée de 86,7 p. 100 en 1650 à 88,7 p. 100 en 1850), n’a cessé de faiblir depuis. Cela est dû, à la fin du xixe s., à une relative stagnation de la population asiatique. Celle-ci croît de nouveau à un rythme rapide, mais c’est maintenant l’Europe qui perd des points. Elle ne compte plus que 19,8 p. 100 de la population mondiale, contre 18 p. 100 il y a trois siècles, mais 25,5 p. 100 en 1900 (dans tous ces cas, on a inclus dans le compte de l’Europe l’ensemble de la population vivant sur le territoire actuel de l’U. R. S. S.). L’Asie comportait plus des deux tiers de la population mondiale au xviie s. La proportion est devenue inférieure à 60 p. 100.

La part de l’Afrique se situe, au milieu du xviie s. comme de nos jours, aux alentours de 10 p. 100 : mais, jusqu’en 1850, elle ne fait que diminuer, ce qui témoigne de la crise démographique profonde que connaît alors le continent, et qui est liée au déclin de l’islām au nord, et à la traite des esclaves au sud du Sahara. La reprise s’est esquissée depuis 1900, mais elle est surtout nette depuis vingt ans.

Au milieu du xviie s., les continents que venaient de découvrir les navigateurs européens ne regroupaient qu’une infime partie de la population mondiale : le total était voisin de 2,4 p. 100 en 1650. L’Amérique du Sud était alors la partie la plus peuplée, mais les sociétés amérindiennes avaient connu une vague de dépopulation très profonde à la suite de la conquête et de la propagation d’épidémies jusque-là ignorées du nouveau continent. Au milieu du xixe s., avant que ne s’accélèrent les mouvements de migration intercontinentale et que ne se crée un marché mondial qui favorise l’économie des pays neufs, la situation n’a guère changé : on en est aux environs de 2,8 p. 100. Depuis lors, le développement a été foudroyant, en Amérique du Nord d’abord, qui dépasse un temps l’Amérique latine, puis dans l’ensemble des pays neufs. Depuis une dizaine d’années, on observe un certain tassement du taux de croissance en Amérique du Nord, alors que celui de l’Amérique latine demeure exceptionnellement élevé : en 1900, le Nouveau Monde ne regroupe pas encore le dixième de l’humanité. La proportion passe à 13,7 p. 100 en 1950, à 15 p. 100 actuellement. En valeur relative, le poids démographique de l’Amérique et de l’Océanie augmente, mais il s’agit de zones encore vides : elles regroupent à peine le sixième de l’humanité sur un peu plus du tiers des terres émergées, alors que l’Asie en abrite 55 p. 100 sur 28 p. 100 de la superficie, sur beaucoup moins, si on exclut la partie asiatique de l’U. R. S. S. ; plus de la moitié de l’humanité s’entasse ainsi sur moins de 18 p. 100 de la surface des continents.