Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pologne (suite)

Il s’efforce de renouer le dialogue entre le parti et le pays réel, de rétablir la confiance et recourt aux valeurs sentimentales (reconstruction du château de Varsovie). Augmenter le niveau de vie et parer à la crise économique constituent ses objectifs primordiaux. Une nouvelle politique de cadres, à la recherche de spécialistes, doit assainir la gestion. L’information est plus complète, plus diversifiée, si la censure étatique fonctionne avec vigilance contre les opinions par trop non conformistes. La démocratisation relative de la vie sociopolitique n’affaiblit en rien le rôle dirigeant du parti. La coopération avec l’U. R. S. S. est maintenue, quelque peu équilibrée par une aide soviétique d’urgence (crédits, fournitures massives de blé).

Ainsi, tout en améliorant la technique des relations humaines et des décisions, Gierek conserve les grandes options gomulkistes de 1956. Mais la grande question de l’emploi et des perspectives des jeunes, aggrave les problèmes politiques, sociaux, et culturels de l’héritage de Gomułka.

C. G.


La population

La Pologne est l’État qui a le plus modifié sa démographie depuis 1939 : les destructions et les pertes démographiques ont été considérables et les frontières ont été déplacées vers l’ouest, l’U. R. S. S. occupant le territoire de Wilno, la partie occidentale de l’Ukraine et de la Biélorussie, la Pologne recouvrant le sud de l’ancienne Prusse-Orientale allemande et les contrées les plus orientales (basse Silésie, Mazurie, Kachoubie) de l’Allemagne ; 35 millions d’habitants étaient établis sur les anciens territoires, mais près de 9 millions d’habitants (le quart de la population totale) ont disparu durant la guerre ; la population actuelle est de l’ordre de 34 millions. Certaines villes des nouveaux territoires, telle Wrocław (l’ancienne Breslau), ne retrouvent pas encore la population (env. 600 000 hab.), en grande partie d’origine allemande, de l’avant-guerre. Il est vrai également qu’ont été abandonnées des régions marécageuses ou forestières. Mais les pertes de territoires à l’est, quelle qu’ait été leur importance, ont consisté en des terres médiocres pour l’agriculture, sans grandes villes, sauf Lvov (en pol. Lwów), dont la perte a été ressentie cruellement par la population polonaise et dont l’université a été entièrement transférée à Wrocław. En revanche, la Pologne a gagné les riches terres à lœss de la moyenne et de la basse Silésie, et la partie allemande du bassin houiller de haute Silésie, autour de Bytom. Elle a perdu en définitive plus de 80 000 km2, mais elle présente un territoire plus équilibré et plus riche.

Le bilan de l’évolution démographique est malaisé à préciser. Parmi les 9 millions de pertes, il faut compter les militaires tués pendant la courte offensive allemande de 1939, les militaires « disparus » sous l’occupation soviétique, les défenseurs de Varsovie, les tués par bombardements, la majeure partie de la population israélite (certainement plusieurs millions), qui a péri dans les camps de concentration établis précisément sur des territoires marécageux, à proximité des mines de sel, etc. Il faut enfin soustraire les 2 ou 3 millions d’Allemands qui habitaient surtout la Poméranie et la basse Silésie ; les uns ont été enrôlés et rapatriés sous le régime hitlérien, d’autres ont fui devant l’avance des troupes soviétiques, le reste étant expulsé par le gouvernement polonais.

En revanche et aussitôt après la Libération, la Pologne a gagné 2 millions ou plus de Polonais expulsés ou partis volontairement de l’Ukraine et de la Biélorussie ; ils se sont réfugiés de préférence dans les territoires récupérés de l’Ouest, colonisant villes et villages abandonnés par la population germanique. L’accroissement s’est produit surtout depuis 1955. Il faut ajouter le retour de plusieurs dizaines de milliers d’émigrés en France, en Grande-Bretagne, en Belgique et aux États-Unis, attirés par la propagande faite à l’étranger et assurés d’avantages financiers (il convient de déduire, en revanche, plusieurs dizaines de milliers d’Israélites qui ont reçu l’autorisation de quitter la Pologne en direction d’Israël, de la Suède, des pays occidentaux).

Il faut surtout tenir compte du prodigieux accroissement naturel dans une population jeune ou rajeunie ; près de 30 p. 1 000 de natalité en 1955. Ces chiffres tombent normalement avec la diminution des mariages et des taux de fécondité et encore, malgré l’influence du catholicisme, d’une loi modérément libérale sur l’avortement légal. Mais ce sont les taux de mortalité qui fléchissent ; ils deviennent inférieurs à 10, même à 8 p. 1 000, ce qui témoigne, non seulement de la jeunesse de la population, mais de la mise en place dans les régions rurales d’un très dense réseau sanitaire. Le taux d’excédent naturel annuel ne tombe à moins de 1 p. 100 qu’après 1965. Les premières années 1970 voient peu à peu le « rattrapage » de la population d’avant guerre sur un territoire moindre qu’en 1939 ; la Pologne compte parmi les États les plus peuplés d’Europe.

Le grand problème a consisté dans la recolonisation des territoires de l’Ouest, détruits dans des pourcentages variant de 25 à 30 p. 100 pour les bâtiments ruraux, de 40 p. 100 pour les maisons urbaines, de 70 p. 100 pour l’équipement général, de 90 p. 100 pour le bétail, de 97 p. 100 pour le matériel roulant. Plus du tiers du potentiel industriel était alors détruit. Or, si, en 1933, 44 entreprises seulement comptaient plus de 1 000 salariés, ce chiffre s’élève, dès 1956, à plus de 100. L’examen des pourcentages d’investissements consentis aux territoires de l’Ouest durant les dix premières années, dites « de reconstruction », montre que ceux-ci ont été favorisés. La croissance de la population a été supérieure à celle des villes de l’intérieur. Elle semble due à l’importance de l’excédent naturel dans une population jeune, au repeuplement, peu réussi en ce qui concerne les populations n’ayant subi aucune destruction « à l’intérieur », plus réussi pour les sinistrés, très efficace pour les populations rurales venant de l’est et occupant les fermes abandonnées par les Allemands. Il semble qu’en 1946 on comptait déjà plus de 3 millions de Polonais (une partie de la population polonaise étant d’ailleurs restée sur place) et encore 2 millions d’Allemands, ceux-ci ayant été expulsés pendant l’année 1947. En 1948 déjà, on recensait 5 700 000 habitants, dont seulement 100 000 Allemands. On prévoyait pour 1970 au moins 10 millions d’habitants. Ce chiffre n’a pas été atteint en raison des réticences de la population immigrée (qui parfois a reflué vers l’intérieur) liées à l’incertitude, souvent exprimée officiellement, de l’affectation définitive de ces territoires reconnus seulement de facto. Mais un des signes de réussite de cette colonisation est que la population qui s’est maintenue se sent à l’aise et s’enrichit, et que l’expression officielle de « territoires recouvrés » a fait place à celle des « territoires du nord et de l’ouest » de la Pologne, les divisions administratives ne tenant plus entièrement compte de la division antérieure. La rénovation des bourgs devenus villes comme Opole, la restauration de Wrocław, l’activité étonnante d’un nouveau littoral de plus de 500 km de long, la fusion de la Silésie ex-allemande avec la haute Silésie polonaise sont des signes qui ne trompent pas : on peut affirmer que l’opération, délicate, est désormais réussie. Seules quelques régions comme les croupes baltiques ont perdu leur population paysanne : le gouvernement en a profité pour y encourager le tourisme et surtout pour étendre aux dépens des exploitations des junkers d’avant guerre des exploitations d’État et quelques coopératives, chargées de ravitailler les villes.