Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Poliakoff (Serge) (suite)

En 1945, il expose ses œuvres abstraites de la période 1942-1945 à la galerie « l’Esquisse », avec une préface de François Châtelet, qui insiste sur la richesse de sa pâte. Il possède alors les moyens essentiels de son art et va désormais construire une œuvre d’une homogénéité rare, mais que seul un observateur pressé pourrait croire uniforme. Il prend part en 1946 au Salon de mai et au Salon des surin-dépendants. Redoutant une tendance décorative — Charles Estienne a jugé ses toiles « aussi agréablement bariolées qu’un tapis de Boukhara ou de Samarkand » —, il assombrit momentanément sa palette et se limite souvent à des jeux de camaïeu.

Progressivement, dans les années 1949-1951, il abandonne la ligne et le cerne : seules la matière et la couleur raffinée suscitent l’espace, organisées en une sorte de puzzle aux formes souplement anguleuses. Vers 1952 (année où un contrat avec la galerie Bing lui permet d’abandonner son métier de musicien de cabaret), ses compositions, de moyen format, isolent des motifs en leur centre. En 1958, Poliakoff opte pour de plus grandes surfaces et, dans les années 60, ses formes imbriquées sur elles-mêmes s’élargissent jusqu’au bord de la toile, s’ouvrant à l’espace extérieur. Poliakoff attache une grande importance à la vibration de la matière, notamment depuis qu’il a eu l’occasion de voir, en 1952, le Carré blanc sur fond blanc de Malevitch*. En 1968, pourtant, il s’éloigne de ces effets de matière (touches, superpositions de couleurs, densité) pour élaborer des « formes plates » à la géométrie plus stricte, aux couleurs moins élaborées ; ses toutes dernières œuvres sont marquées par le chromatisme des fresques de Giotto qu’il a admirées dans la chapelle des Scrovegni à Padoue.

La rigueur de la dernière phase de son évolution fait songer à certains aspects de l’abstraction « minimale » (hard-edge), mais Poliakoff en diffère profondément par une sensibilité subtile, par la conception d’un art prenant « appui sur des poussées intérieures en perpétuel déplacement » (selon les termes de Christian Zervos) et finalement par une exigence de mettre dans le tableau, comme il l’écrit dans un de ses cahiers intimes, « plus d’âme que d’intelligence ».

Ses expositions se sont succédé à partir de 1958 dans les musées étrangers et les grandes manifestations internationales. En 1962, une salle du pavillon français lui était consacrée à la Biennale de Venise. Enfin, une importante rétrospective de son œuvre a été organisée en 1970 par le musée national d’Art moderne de Paris.

F. D.

 M. Ragon, Poliakoff (Falaize, 1956). / D. Vallier, Serge Poliakoff (Cahiers d’art, 1959). / J. Cassou, Poliakoff (Fischbacher, 1963) ; Serge Poliakoff, peintures récentes (la Galerie de France, 1965). / Cahier Serge Poliakoff (Erker, 1973).

police

Ensemble des services civils chargés du maintien de l’ordre public sous toutes ses formes.



Organisation


Principes

Tout système de police s’organise autour de trois champs d’action.
1. La police d’ordre ou préventive est plus spécialement chargée de la tranquillité publique, de la commodité de la circulation*, de l’observation des lois de police et des règlements municipaux par les citoyens, du maintien de l’ordre au cours de manifestations*, de réunions* publiques et de cérémonies officielles. Les fonctionnaires chargés de cette mission opèrent en uniforme, ce qui les désigne au public et établit le délit sans discussion en cas de résistance ou de désobéissance. Cette police est une police voyante de protection des personnes et des biens.
2. La police politique ou civique est cantonnée dans le travail d’auscultation permanente de l’opinion publique, du dépistage des complots internes ainsi que du contre-espionnage. Elle est confiée à des agents que rien ne distingue extérieurement des autres citoyens. L’organisation de certaines branches de ce service est couverte comme secret de défense.
3. La police judiciaire ou répressive recherche les crimes et délits contre les personnes, les biens et les mœurs* pour en identifier les auteurs, qu’elle défère ensuite aux magistrats après avoir rassemblé les preuves* de culpabilité. Là aussi, il s’agit de fonctionnaires d’une police non ostensible, mais qui usent de procédés dits de police technique. Celle-ci est la science du constat criminel, de la recherche et de l’interrogatoire du délinquant, associée à la connaissance préalable des mondes criminels et de leurs modes opératoires. Elle se complète par l’appel fréquent aux ressources de la police scientifique (v. criminalistique), ensemble des sciences et des méthodes qui tendent à établir la preuve externe d’une culpabilité à partir de l’exploitation des indices découverts sur les lieux des crimes : ce seront l’identification dactylaire, la photographie, la microscopie, la chromophotographie, l’analyse physique et chimique, etc.

Histoire de la police en France

On voit naître en France en 1302 les commissaires-enquêteurs au Châtelet de Paris, en 1524 la maréchaussée « chargée de connaître des vols, crimes ou sacrilèges commis dans les campagnes », en 1645 des exempts chargés des enquêtes et opérations difficiles. Mais l’aspect définitif de la police française lui est donné par la création, en 1667 à Paris, en 1699 en province, de lieutenants généraux de police chargés de la sûreté publique, des incendies, du nettoiement, de l’approvisionnement, des auberges, des manufactures, des métiers et de l’imprimerie. Dans cette charge se sont illustrés Gabriel Nicolas de La Reynie (1667-1697) et Marc René de Voyer d’Argenson (1697-1718), ce dernier tenant de la première règle de policologie, qui sera reprise par Napoléon Ier : « En matière de police, ignorer ce qu’il vaut mieux ignorer que punir ; ne punir que rarement et utilement. »

Les résultats obtenus en ce siècle par les polices urbaines suggèrent au secrétaire d’État à la Guerre Claude Leblanc (1669-1728) de muer les chevauchées sporadiques de la maréchaussée en établissements fixes toutes les 4 lieues (1720). C’est l’origine, en France, en Espagne, en Italie, des actuelles brigades de gendarmerie, quadrillant le territoire national à partir de points fixes. La Révolution amène un personnel policier d’occasion, ce qui explique en partie le nombre élevé des victimes de la Terreur : 32 000 personnes. Le Directoire y met bon ordre en créant un ministère de la Police générale. Fouché dirige celui-ci onze ans environ. On formule les premières règles d’action : « Connaître par avance ceux qui ont dessein de troubler l’ordre public, utiliser la presse, avoir partout des regards et des bras, centraliser le renseignement. »