Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

armement (suite)

L’organisation se perfectionne au cours du xviiie s. Une inspection des manufactures est créée en 1716, mais c’est à Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval (1715-1789) que revient l’immense mérite de la conception d’un véritable système d’artillerie ; celui-ci est fondé sur l’interchangeabilité des éléments du matériel et sur la recherche d’une précision, facilitée par l’adoption d’une mesure commune (le pied du roi) et de lunettes pour contrôler le diamètre des boulets. Une direction générale des forges est instituée en 1771 : ses officiers contrôlent désormais la qualité du métal et l’uniformité des fabrications, tandis que les essais du matériel nouveau sont confiés aux écoles d’artillerie, qui s’installent à proximité des fonderies.

La fabrication de la poudre est fonction de la collecte du salpêtre (droit régalien du xive au xviiie s.), qui est confiée en 1665 à une ferme générale, devenue régie royale en 1775. Les découvertes de Lavoisier facilitent son approvisionnement par l’invention des nitrières artificielles.

La Révolution et l’Empire poursuivront et amplifieront cette organisation de base à la mesure des besoins considérables de leurs armées. Sous l’impulsion de Lazare Carnot est créé en 1794 l’atelier de précision de la place Saint-Thomas-d’Aquin, qui demeure l’ancêtre du laboratoire central d’armement. À la mort de Gribeauval, l’Inspection de l’artillerie est remplacée par un Comité de l’artillerie, qui jouera jusqu’à la Première Guerre mondiale un rôle essentiel dans la fabrication des armements français. Pour accroître la production de la poudre, on crée des ateliers de raffinage à Paris, dans l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, aux Ternes et à Grenelle. Grâce à la découverte de Jean-Marie Joseph Coutelle (1748-1835), permettant de produire de l’hydrogène par réaction de la vapeur d’eau sur du fer rouge, des ballons purent être gonflés en campagne, notamment à Maubeuge et à Fleurus, mais aucun autre matériel d’un type nouveau ne devait voir le jour sous l’Empire, si ce n’est quelques fusées de guerre du type Congreve, dont la fabrication fut réalisée à Toulon et à Hambourg.


xixe siècle : progrès décisifs de la technique

Après les guerres napoléoniennes, l’armement connaît en Europe une révolution technique qui, en cinquante ans, aboutit notamment au canon rayé, à l’obus oblong, à la construction des bouches à feu en acier, au chargement par la culasse, etc. Ainsi, la fabrication des armes se trouve de plus en plus tributaire des progrès de la métallurgie ; le retard pris par la France dans ce secteur privera son armée d’un armement moderne en 1870. Les machines-outils sont importées d’Angleterre et d’Amérique, et on crée l’atelier de construction de Puteaux, chargé de fournir aux arsenaux les machines qui leur sont nécessaires. Pour des raisons de sécurité, les manufactures sont éloignées des frontières. L’École centrale de pyrotechnie de Metz se replie à Bourges et devient en même temps un atelier de munitions au voisinage d’une fonderie de canons et d’un champ de tir destiné aux essais. Au lendemain de la défaite, des commissions d’expériences se multiplient : à celle de Gavres, pour les canons de marine, s’ajouteront celles de Bourges, de Calais et de Tarbes, pour les matériels terrestres.

Bien que laissé dans l’ombre à l’époque, l’événement le plus marquant est le lancement en série de la fabrication du canon de 75 modèle 1897 — premier matériel à éléments rigoureusement interchangeables — grâce à l’emploi des broches-étalons du colonel Hartmann. Les manufactures d’armes rachetées par l’État en 1820 resteront d’abord sous le régime de l’Entreprise, puis seront nationalisées en 1895, tandis que tous les arsenaux seront dirigés par le tout-puissant Service de l’artillerie, créé en 1882. Les constructions* navales, profondément transformées elles aussi, évoluent vers la réalisation de navires d’un tonnage et d’un prix qui posent des problèmes entièrement nouveaux. Dans le domaine aérien, si l’étude du plus léger que l’air (ballon, dirigeable) est du ressort du génie militaire au centre de Chalais-Meudon, l’aviation, tout comme l’automobile, fait ses premiers pas sans aucun appui militaire. C’est seulement en 1911 qu’à la suite d’expériences favorables une première commande d’avions est passée par l’armée. Comme ces deux « entreprises » nouvelles ont des débouchés civils, l’armée se contente de travailler en collaboration avec elles : en 1914, aucune industrie d’armement n’est créée, ni pour le matériel auto, ni pour l’aéronautique, ni pour le matériel de transmission (télégraphe et téléphone).


Guerres mondiales et production massive d’armements

En août 1914 éclate la Première Guerre mondiale : le mythe de la guerre courte devra, en trois mois, céder le pas à l’impérieuse nécessité d’alimenter en armes autant qu’en hommes d’immenses fronts continus. Bien vite, il faut remettre en route les usines d’armement, puis en créer d’autres. L’organisation d’un ministère de l’Armement, dirigé par Albert Thomas, puis par Louis Loucheur, les efforts de la Direction de l’artillerie, qui a la haute main sur la fabrication des armes aussi bien dans ses arsenaux que dans le secteur privé, permettent à la France de réaliser une production d’armement sans précédent. (v. Guerre mondiale [Première].)

La guerre terminée, il reste des stocks d’armement considérables. Études et fabrications sont mises au ralenti, et il faut attendre 1938 pour qu’une loi sur l’Organisation de la nation en temps de guerre consacre les résultats acquis par l’expérience de ce conflit. Cependant, les progrès de l’industrie automobile et de la radio-électricité, comme le développement spectaculaire de l’aviation, conduisent les états-majors à prendre appui davantage sur l’industrie privée, les établissements d’État se maintenant dans leurs activités classiques. La nationalisation des industries de guerre en 1936 entraîne bien la création d’un arsenal de chars à Issy-les-Moulineaux, mais, en fait, châssis et moteurs de blindés seront toujours fabriqués dans l’industrie privée, comme tout le matériel radio et toute l’aviation. C’est seulement en 1933 qu’apparaît une Direction des fabrications d’armement et en 1935 qu’est créé un corps d’ingénieurs militaires, qui se substitue au Service de l’artillerie pour toutes les études et fabrications de matériels terrestres.