Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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planification (suite)

Du côté occidental, le recours à des techniques élaborées a eu lieu pour des raisons sensiblement identiques. Comme dans la planification soviétique, on distingue trois sortes de plans : les plans à long, à moyen et à court terme. Les plans à long terme s’étendent sur une durée de vingt à vingt-cinq ans. Leur rôle consiste à faciliter le choix de l’orientation générale du développement*, compte tenu de l’évolution probable du progrès* technique et des besoins de la population. Pour l’établissement d’un plan à long terme, on cherche d’abord à explorer toute la gamme des avenirs lointains possibles et à en extraire les avenirs souhaitables, en déterminant les moyens nécessaires à cet effet ; puis on s’efforce de projeter les conséquences des choix ainsi opérés sur les avenirs plus rapprochés. Bien entendu, on ne manque pas de formuler des hypothèses sur le progrès technique ; à cet effet, on prête une attention particulière à l’orientation de la recherche*, pour laquelle on emploie la méthode des graphes. Celle-ci permet de relier les opérations unitaires de recherche aux finalités générales de la nation et de procéder ainsi à un choix judicieux entre ces opérations. En ce qui concerne l’évolution à long terme des besoins, on attache une importance croissante aux besoins sociaux et culturels ainsi qu’aux besoins dits « d’environnement* », tels que la protection* de la nature, la lutte contre la pollution* de l’eau et de l’air, etc. L’affectation de ressources rares à ces besoins s’opère à l’aide d’un système d’indicateurs sociaux combiné avec la méthode des choix budgétaires (Planning Programming Budgeting System [PPBS] américain ou « rationalisation des choix budgétaires », selon la terminologie française). Les options du plan à long terme déterminent en principe la structure souhaitée de la demande finale exogène, qui constitue le point de départ des plans à moyen terme (4 à 7 ans). La demande finale exogène comprend la consommation*, la formation du capital* des ménages et des administrations ainsi que la plus grande partie des exportations. On l’établit, sous forme d’une liste de produits, pour une gamme de taux de croissance possibles et l’on en déduit, à l’aide d’un tableau des échanges interindustriels, la production, les importations, la formation de capital et la main-d’œuvre nécessaire à sa réalisation. On choisit le taux de croissance qui répond le mieux aux exigences souvent contradictoires du plein-emploi de la main-d’œuvre et de l’équilibre extérieur. On calcule les prix courants de l’année terminale du plan. On en déduit les revenus* et les dépenses des différents groupes d’agents économiques, et l’on ajuste les instruments budgétaires, fiscaux, financiers et monétaires du plan de façon à faire coïncider les projections en volume et les projections en valeur au niveau du taux de croissance choisi. Toutes ces opérations tendent à être intégrées dans des modèles entièrement formalisés dont le plus ancien est le modèle du Centraal Plan hollandais et le plus étendu à ce jour le modèle français « Fifi » (par abréviation de physico-financier). Grâce à l’emploi d’ordinateurs, ces modèles permettent l’exploration d’un nombre quasiment illimité de variantes, ce qui élargit la gamme des solutions offertes au choix des institutions (gouvernements, Parlements, etc.) appelées à exprimer les préférences collectives de la nation.

• Comme en Union soviétique, le budget de l’État constitue un instrument fondamental d’exécution du plan dans les pays occidentaux. Bien que, dans ces derniers, ce budget concerne une part moindre de l’activité économique totale de la nation qu’en U. R. S. S., il n’en demeure pas moins que son rôle dans la planification est décisif. En effet, l’absence des moyens directs de contrainte fait que la plupart des incitations dont dépend l’exécution du plan sont diffusées par l’intermédiaire du budget. Aussi, une étroite synchronisation entre le budget de l’État et les plans à moyen terme est-elle recherchée. Cette synchronisation est obtenue à l’aide des budgets économiques de la nation, qui, dans les pays occidentaux, tiennent la place des plans annuels soviétiques. Le rôle des budgets économiques consiste à intégrer les prévisions budgétaires dans l’ensemble des activités économiques du pays, en modulant au besoin les recettes et les dépenses du budget de l’État, de façon à maintenir l’économie aussi près que possible du sentier prévu par le plan à moyen terme, sans compromettre pour autant les équilibres fondamentaux de l’emploi*, des prix et des échanges extérieurs.


Convergence des théories

La convergence se manifeste également dans le domaine de la théorie économique, à laquelle se réfèrent implicitement les planificateurs des deux options. À cet égard, Jean Marczewski n’hésite pas à affirmer que « la prise en compte d’une redevance sur le capital dans le prix de revient des entreprises, le recours de plus en plus large au mécanisme du marché, l’importance que l’on commence à reconnaître à la demande, l’emploi d’un taux d’intérêt pour l’actualisation des valeurs futures, et de nombreux autres symptômes encore, montrent que la théorie économique, qui sert effectivement de base à l’action planifiée, est fondamentalement la même à l’Est aussi bien qu’à l’Ouest ». Seul le vocabulaire reste encore partiellement distinct.


Les problèmes de la planification à l’Est

Concrètement, en U. R. S. S., cette référence à une théorie économique proche de celle de l’Europe occidentale se marque par une libéralisation de l’économie : les planificateurs renoncent aux méthodes administratives de la mise en application du plan et les remplacent par des initiatives économiques fondées sur le mécanisme du marché. Cette libéralisation a été exigée avec une force croissante sous l’empire de facteurs nouveaux. Le premier de ces facteurs est lié à l’élévation du niveau* de vie de la population. Le consommateur soviétique dispose actuellement d’un revenu qui lui fait souhaiter une variété et un choix plus grand des biens de consommation qu’il désire. Or, la planification administrative centralisée présente une rigidité beaucoup trop grande pour répondre de façon satisfaisante à l’évolution de la demande.