Pitt (William) (suite)
À l’époque, il est physiquement à bout de force. Pourtant, c’est plein d’énergie qu’il aborde son dernier combat. Il a beaucoup médité pendant sa retraite forcée : il a compris qu’une victoire navale ne suffit pas pour vaincre la France. Au moment où, du camp de Boulogne, l’Angleterre paraît seule menacée, Pitt comprend qu’il ne faut surtout pas se concentrer sur la défense de l’île. Il a l’audace de concevoir un vaste plan : les puissances continentales devront d’abord attirer les troupes françaises vers l’est. Pendant ce temps, la flotte britannique regagnera le contrôle de la haute mer, et, maîtresse de la Méditerranée, permettra par un débarquement en Italie de prendre les Français à revers. Le plan est bon, mais prématuré : seules l’Autriche et la Russie osent se dresser contre Napoléon* ; et leurs généraux n’ont pas encore compris la leçon napoléonienne. Si la victoire de Trafalgar offre à Pitt l’une des plus grandes joies de sa vie, la plus amère déception survient bientôt avec la nouvelle d’Austerlitz. Épuisé, déçu, il meurt peu après.
La stratégie européenne de Pitt a incontestablement échoué. Pourtant, Trafalgar écarte définitivement d’Angleterre la menace napoléonienne. Cette victoire permet aussi la réussite de la politique de Blocus* continental, décisive dans l’échec final de Napoléon. Mais le plus grand mérite du Second Pitt fut sans doute d’avoir, par son souci d’une bonne administration, son habileté financière, son immense honnêteté et son solide bon sens, permis à l’Angleterre d’aborder la lutte décisive contre l’Empire dans les meilleures conditions possibles. Le Second Pitt ne fut pas un génie éblouissant et déroutant comme son père (on a dit qu’il était plus Grenville que Pitt !). Il n’eut pas moins d’influence sur le destin de sa patrie.
J.-P. G.
➙ Directoire / Empire (Premier) / Grande-Bretagne.
D. G. Barnes, George III and William Pitt, 1783-1806. A New Interpretation based upon a Study of Their Unpublished Correspondance (Stanford, Calif., 1939). / J. W. Derry, William Pitt (Londres 1962). / J. Ehrman, The Younger Pitt (Londres, 1969).