Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pinter (Harold) (suite)

 J. R. Brown (sous la dir. de), Modern British Dramatists (Englewood Cliffs, N. J., 1968). / R. Hayman, Harold Pinter (Londres, 1968). / D. Salem, Harold Pinter ou le Dramaturge de l’ambiguïté (Denoël, 1968). / M.-C. Pasquier, N. Rougier et B. Brugière, le Nouveau Théâtre anglais (A. Colin, coll. « U 2 » 1969). / M. Esslin, The Peopled Wound : the Work of Harold Pinter (Londres, 1970 ; trad. fr. Harold Pinter ou le Double jeu du langage, Buchet-Chastel, 1972).

pipe

Tuyau terminé par un petit fourneau dans lequel brûle une substance dont on aspire la fumée.


Cette substance est à peu près exclusivement de nos jours le tabac chez les peuples de civilisation occidentale. Ailleurs, la pipe peut recevoir du haschisch (chanvre indien) ou une boulette d’opium de pavot. Avant que le tabac ait été introduit d’Amérique — son pays d’origine — en Europe, la pipe avait servi dans l’Ancien Monde, notamment chez les Gaulois, les Scythes, puis les Romains, à brûler d’autres végétaux, surtout le chanvre. Si la France devança en 1561 l’Angleterre pour l’usage du tabac sous forme de poudre à priser, elle attendit les premières années du xviie s. pour le consommer en pipe après que l’Angleterre s’y fut mise dès les dernières années du xvie s., à l’exemple de sir Walter Ralegh*, ayant pris goût au calumet indien que celui-ci avait connu en Virginie.

Entre le fourneau et l’embouchure, la Turquie et des pays voisins intercalent un vase contenant de l’eau où la fumée s’épure en barbotant : c’est le narguilé. Ailleurs, la liaison est directe. Tige et fourneau peuvent même ne faire qu’un. Dans de nombreux pays, les premières pipes étaient des tubes creux en métal cuivreux, en général tronconiques pour avoir plus de contenance du côté que l’on remplissait. Les pipes en pierre primitives et celles en terre cuite du modèle le plus courant étaient aussi d’un seul tenant, mais avec le fourneau à angle approximativement droit par rapport au tuyau. La grande majorité des pipes plus modernes sont en deux parties, soit à tuyau pénétrant à la base du fourneau, soit à foyer prolongé par un embryon de tuyau dans lequel est sertie une embouchure qui le complète. La confection en deux parties a l’avantage de faciliter le nettoyage interne. L’idée en est ancienne, puisque déjà les Algonquins en Ohio et en Virginie ainsi que des tribus indiennes du Brésil l’avaient eue avant l’arrivée des Européens.

Bien d’autres matières que le cuivre, l’argent ou la terre cuite ont été et sont encore utilisées pour le fourneau, ou foyer, et le tuyau, ou embouchure. Le métal qu’avaient employé les Peaux-Rouges des bords de l’Hudson, la pierre dont on a découvert l’emploi dans des tumulus millénaires de l’ouest des États-Unis ont disparu, sauf le cuivre en de rares régions d’Afrique. En principe, la partie recevant le tabac en ignition doit être incombustible. On peut cependant user de matières ligneuses de combustion particulièrement difficile et devenant extrêmement lente à peu de profondeur. Le bois carbonisé s’imprègne de gommes résineuses du tabac à demi décomposées, qui le protègent et, par surcroît, contribuent à améliorer la qualité de la pipe, dite alors « culottée ». De fait, le constituant le plus en vogue maintenant pour le fourneau assorti d’un embryon de tuyau est la racine de bruyère. On emploie aussi, mais moins communément, le merisier, le buis, le poirier et le palissandre. Le tuyau de ces pipes est complété par un embout qui fut longtemps en ambre jaune, en corne ou en ivoire, et qui maintenant est plus souvent moulé en matière synthétique imitant ces substances. Un plus noble matériau pour le fourneau est l’écume de mer, minéral composé de silicate et de carbonate de magnésium dont les gisements abondent en Turquie d’Asie, mais que l’on sait maintenant produire par synthèse. Comme la terre cuite, laissée poreuse ou non, la porcelaine vernissée peut être employée. Pour ralentir la combustion, certaines pipes en porcelaine sont munies d’un couvercle très légèrement perforé.

À son caractère fonctionnel, la pipe peut associer une recherche esthétique dans son galbe et surtout dans la décoration de son fourneau. En Inde, celui-ci est une colonne assez haute en métal ciselé. En Europe, il fut longtemps à la mode de lui donner la forme d’une tête de personnage célèbre ou typique. Les fourneaux en porcelaine étaient souvent ornés d’une fine miniature.

La fabrication des pipes est l’objet d’une industrie assez importante qui s’est particulièrement développée en France et en Allemagne. La fabrication des pipes en terre naquit à Givet dans la seconde moitié du xviiie s. Elle fut florissante jusqu’au début du xxe s., qui vit décliner leur vogue en même temps que grandissait celle des pipes à fourneau en racine de bruyère. Leur industrie est très prospère dans le Jura, à Saint-Claude, que l’on considère comme la capitale internationale de la pipe.

L’usage de la pipe pour aspirer la fumée du tabac ou d’autres végétaux en combustion et les motifs qui l’aident à se perpétuer sont assez difficiles à expliquer. Sa fumée, comme celle de l’encens, semble avoir eu d’abord un sens mystique, être un hommage religieux. Mais il y eut aussi l’agrément de sentir le goût et l’arôme de la fumée de certaines plantes, dont le tabac est le plus susceptible de procurer le désir fréquent avec le moins d’inconvénients pour la santé. Si la fumée du chanvre enivrait dangereusement les Scythes et les Celtes, celle du tabac avait surtout, en Amérique, pour effet plus bienfaisant de calmer quelque peu la faim dans les temps de grande famine que certains pays connaissent malheureusement encore, mais dont bien d’autres ont souffert jadis.

N’ayant plus ce motif, les amateurs contemporains de la pipe expliquent leur goût, voire leur passion pour elle, par tout un ensemble d’avantages en matière de sensations, plus ou moins conscientes. Pour eux, tenir et manipuler sa pipe amoureusement culottée est déjà un plaisir, la bourrer, l’allumer sont des rites apaisants, lénifiants, comme les lents tirages espacés qui maintiennent les nerfs dans un calme serein. Tirer sur une pipe, c’est peut-être apaiser la nostalgie du stade infantile qui sommeille dans le cœur tout au long de l’existence, puisque c’est une succion analogue à la tétée du nourrisson. Si l’hypnose par le tabac reste incomplète, bien légère à côté de celle que donne la combustion de stupéfiants plus redoutables, elle fait s’évader l’esprit vers d’aimables rêveries. Le plaisir de fumer la pipe n’isole pas égoïstement l’homme de ses semblables. Il existe des sociétés ou clubs de fumeurs de pipe, dont la plus anciennement célèbre avait été fondée et présidée par le roi de Prusse Frédéric-Guillaume Ier, le « Roi-Sergent ». Il s’est créé des confréries d’amateurs de pipe dont la plus importante a son siège à Saint-Claude. Enfin, la pipe est l’objet de concours et de tournois, notamment pour la recherche de la durée la plus grande mise à consommer dans son fourneau, sans extinction avant la dernière brindille, une quantité déterminée d’un même tabac.

M. L.

 A. Dunhill, The Pipe Book (Londres, 1924). / J. Demeys, Célébration de la pipe (R. Morel, 1966). / M. Belloncle, les Objets du fumeur (Gründ, 1971). / P. Sabbagh, Guide de la pipe (Stock, 1973).