Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pindare (suite)

L’ode triomphale : Simonide et Bacchylide

Avant Pindare, le meilleur représentant du lyrisme choral est Simonide (Iulis, île de Céos, v. 556 - Syracuse ou Agrigente 467 av. J.-C.), auteur de dithyrambes, d’élégies, d’épigrammes et d’épinicies, dont il ne reste qu’une centaine de fragments. Simonide fait dans ses odes un emploi brillant du mythe, partant de l’actualité, occasion du poème lyrique, pour remonter à la légende.

Son neveu Bacchylide (Céos v. 500 av. J.-C.) est à peu près contemporain de Pindare. Vingt poèmes, soit environ 1 300 vers, comprenant quatorze odes triomphales, sont parvenus jusqu’à nous. Plus pittoresque et plus concret que Pindare par son goût des détails précis, il développe moins longuement le récit mythique. Son expression, qui a de l’éclat et de la grâce, est celle d’un artiste délicat, mais non d’un créateur original. Une épigramme de l’Anthologie palatine (IX, 184) le juge sévèrement : « O Pindare, bouche sacrée des Muses ; ô Bacchylide, sirène babillarde ! »


L’expression

Une somptueuse expression est au service de cette élévation spirituelle. Cette poésie d’une ampleur accomplie — Horace (Odes, IV) compare son art à un fleuve impétueux descendu des montagnes —, dont les thèmes s’entrelacent et jaillissent comme une gerbe, est riche en images brillantes, en métaphores expressives, en alliances de mots neuves et colorées. « L’or [est] étincelant comme une flamme qui s’allume dans la nuit » (Ire Olympique, 1), les nuages, sous les feux du soleil, deviennent les « cheveux d’or de l’air » (Péan VI, 27), l’isthme de Corinthe la « porte de la mer » (IVe Isthmique, 19) ou le « pont jeté sur la mer infatigable » (VIe Néméenne, 39), la race d’Arcésilas a été « plantée » par la main des dieux (IVe Pythique) : innombrables sont les exemples où Pindare façonne la langue à son usage, dans un dialecte dorien mêlé d’éléments ioniens et éoliens. Il aime le mot composé, préfère le terme général au terme particulier. Il attache un grand prix à la sonorité des mots et à leur beauté propre. Dans son souci d’harmonie, il les rehausse par le rythme qu’il leur impose. Chez lui la création poétique l’amène à une hardiesse toujours nouvelle, à une incessante rapidité dans le tour qui exerce une sorte de fascination sur le lecteur sensible à ses dons de visionnaire.


La réputation du poète

Unanimement admiré des Anciens, le lyrisme choral de Pindare ne fit pas école. Après lui, un art nouveau commença, celui du drame, qui succéda au lyrisme pindarique comme celui-ci avait lui-même succédé à l’épopée. La renommée de Pindare, quelque vingt siècles plus tard, fut grande auprès de la Renaissance. Ronsard écrivit des Odes pindariques. Mais les classiques français, à la suite de Malherbe, qui condamnait ce « galimatias », le rejetèrent, visant sans doute des admirateurs qui le servaient si mal. Estimé au xviie s. par les défenseurs des Anciens, et raillé par les partisans des Modernes, tels Perrault et Houdar de La Motte, il fut blâmé par le xviiie presque tout entier (Voltaire parle de l’« inintelligible et boursouflé Thébain »). Il était réservé aux hellénistes du xixe s. de le redécouvrir et de le mettre au niveau des plus grands.

A. M.-B.

 A. Croiset, la Poésie de Pindare et les lois du lyrisme grec (Hachette, 1880). / E. Romagnoli, Pindaro (Florence, 1910). / U. von Wilamowitz-Moellendorff, Pindaros (Berlin, 1922). / K. Fehr, Die Mythen bei Pindar (Zurich, 1936). / G. Norwood, Pindar (Berkeley, 1945). / E. Des Places, Pindare et Platon (Beauchesne, 1949). / J. Irigoin-Guichandut, Histoire du texte de Pindare (Klincksieck, 1952) ; les Scholies métriques de Pindare (Champion, 1959). / J. Duchemin, Pindare, poète et prophète (Les Belles Lettres, 1956). / G. Méautis, Pindare le Dorien (A. Michel, 1962). / C. M. Bowra, Pindar (Oxford, 1964).

Pingouin

Oiseau plongeur des mers froides et tempérées.


On appelle Pingouins deux sortes d’Oiseaux : les vrais Pingouins, de la famille des Alcidés, dont il sera question ici, et, par confusion, les Manchots de l’hémisphère Sud (en anglais, Penguins), qui appartiennent à l’ordre très différent des Sphénisciformes. Éteint depuis 1884, le Grand Pingouin (Alca impennis) est à l’origine de cette confusion. C’était le géant de la famille, mais ses ailes puissantes lui servaient exclusivement de nageoires, et il ne pouvait voler, tout comme ses ancêtres fossiles du Pliocène. Il habitait les îles au large de la Grande-Bretagne, l’Islande, le Groenland et le golfe du Saint-Laurent. En hiver, il se montrait jusqu’en Espagne et en Floride. Bien connu des premiers navigateurs, qui le tuaient pour le manger, il servit de nourriture et de graisse aux pêcheurs de Terre-Neuve. Le dernier couple vivant fut pris en Islande et périt à Copenhague...


La vie des Pingouins

Parents plus proches qu’on ne le croirait des Mouettes et des Courlis, les Alcidés sont une famille d’Oiseaux plongeurs qui utilisent leurs ailes pour la propulsion sous-marine. Ils habitent les mers septentrionales, dont ils exploitent les énormes ressources animales, et fréquentent aussi bien la Baltique que le golfe de Californie. La famille compte une vingtaine d’espèces dont la taille varie entre 20 et 70 cm de long. Ce sont en général des Oiseaux trapus dont le bec peut être fin et pointu ou se compléter par une poche extensible suivant que les espèces se nourrissent de plancton, de Crustacés ou de Poissons. Sous l’eau, les ailes servent de nageoires et ce sont les pattes qui jouent le rôle de gouvernail. Le vol est direct, rapide et vibrant. À terre, la plupart des espèces ont une posture verticale, et les colonies d’Alcidés animent de façon pittoresque les côtes désertes des mers nordiques, où, en compagnie des Mouettes, Goélands, Fous et Pétrels, ils apportent un grouillement de vie dans les falaises sinistres qui plongent dans l’Atlantique Nord. Le vacarme de ces oiseaux habituellement silencieux traduit la période de reproduction, qui réunit quelques mois par an jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’individus. Contrairement à celui de beaucoup d’Oiseaux, le plumage des Pingouins ne varie guère à ce moment-là et reste généralement noir et blanc ; seul, le bec peut se colorer de façon extraordinaire, donnant au Macareux son nom de Perroquet de mer. La ponte est d’un ou de deux œufs selon les espèces : elle a lieu sur la roche nue, dans une crevasse, sous une touffe d’herbe ou dans un terrier (l’ongle du 2e orteil du Macareux est adapté au creusement du trou de 1 à 2 m qui abrite son œuf unique). Quelques espèces conservent l’œuf sur leur tarse pendant l’incubation (comme le font les Manchots de l’Antarctique). Les jeunes Oiseaux sont élevés par les parents ou même le couple voisin, car l’instinct social est extrêmement poussé. Le jeune Pingouin ou le petit Guillemot sautera du haut de la falaise à 15 jours, le jeune Macareux à 6 semaines. Les Alcidés, muant en une seule fois, comme les Canards, gagnent alors la haute mer à la fin de l’été.