Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pierre Ier le Grand (suite)

L’établissement de l’autocratie

Après Poltava, Pierre le Grand prend en main les rênes de l’État. Siège du gouvernement dès 1713, Saint-Pétersbourg est dotée d’une fonderie de canons, d’une manufacture d’armes, d’une académie des Sciences.

Une flotte de guerre importante est lancée sur la Baltique, mais elle coûte cher et présente encore de nombreux défauts. L’armée russe, par contre, devient la plus importante d’Europe après la française, passant de 100 000 hommes en 1709 à 200 000 en 1725, à la fin du règne. Si le haut commandement est allemand, les officiers sont russes.

Mais l’absence d’un système d’éducation oblige Pierre à recourir à des étrangers, surtout à des Allemands, ce qui heurte ses sujets. Quelques écoles d’enseignement général et quelques écoles spéciales seront bien créées, mais en trop petit nombre. D’autre part, le tsar ne réussit pas à établir un système de gouvernement centralisé et cohérent, l’état social et moral de la Russie à cette époque ne le permettant pas. Il en résulte un manque de coordination entre les diverses institutions et une anarchie dans la fiscalité ; les fonctionnaires, médiocres, sont trop peu nombreux ou corrompus.

Tout repose en définitive sur le tsar, auquel tout aboutit. Ce régime autocratique qui mate toutes les rébellions (émeutes d’Astrakhan, soulèvement des cosaques du Don et du Kouban en 1707-08, intrigue des boyards groupés autour du tsarévitch Alexis), domestique la noblesse et le clergé, dépend trop de la personnalité du souverain.


Le développement économique

En Russie, tout progrès commercial ou industriel était entravé par le système du monopole d’État. Dans ce domaine encore, Pierre le Grand s’efforce d’adapter des institutions modernes à des structures féodales.

Après son second voyage en Europe (1716-17), conseillé par un Silésien, le baron Luberas, il autorise les particuliers à créer des fabriques et rend libre tout le commerce intérieur (1719). Il encourage l’industrie privée en accordant les privilèges nobiliaires aux fabricants (1721), en leur imposant la main-d’œuvre des prisonniers (1719), en créant des « conseils de commerce » dans les ports et les centres urbains de l’empire, des agences commerciales en Europe et jusqu’en Extrême-Orient. Mais la faiblesse de la main-d’œuvre libre et de l’instruction professionnelle limite les résultats.

Néanmoins, l’industrie enregistre de nombreuses réussites ; la guerre suscite l’établissement d’une zone métallurgique dans la région de l’Oural, riche en mines de fer et en forêts. Le tsar y crée une fonderie et une fabrique de canons et une douzaine d’usines qui sont pour moitié propriété de l’État. Les industries du bois sont prospères ainsi que les pêcheries d’esturgeons, de sterlets, de harengs, etc.

Un commerce actif se développe, notamment à Saint-Pétersbourg et à Astrakhan. Aux foires de Moscou, d’Irbit ou d’Astrakhan, où se pressent Européens et Orientaux, les Russes vendent des bois de construction, des cuirs, des céréales, du lin, du bétail et achètent des produits manufacturés. Les échanges s’intensifient principalement avec la Perse et avec la Chine par la Sibérie.

La Russie reste pourtant un pays essentiellement agricole. La colonisation progresse lentement vers les steppes du Sud et du Sud-Est, mais les guerres freinent cette expansion et favorisent la désertion des serfs et des paysans libres. Aussi les grands propriétaires se plaignent-ils du manque de main-d’œuvre et, pour y remédier, transforment-ils de plus en plus des paysans libres en serfs attachés à la glèbe. L’aggravation du régime du servage, plaie de la Russie moderne, date de cette époque.

Ces bouleversements ne vont pas sans troubler profondément la vieille société russe. Pierre le Grand, en véritable autocrate, brise toute opposition par la force ; un moment, la résistance se groupe autour de l’héritier du trône, Alexis (1690-1718) ; le tsar n’hésite pas à le faire périr sous les tortures (juin 1718). Lorsque Pierre le Grand meurt en pleine activité, le 28 janvier 1725, c’est son épouse, Catherine, qui lui succède.

P. P. et P. R.

➙ Charles XII / Cosaques / Leningrad / Romanov / Russie.

 V. O. Klutchevski, Pierre le Grand et son œuvre (Payot, 1930 ; nouv. éd., 1953). / K. Kersten, Peter der Grosse (Amsterdam, 1935 ; trad. fr. Pierre le Grand, A. Michel, 1939). / C. de Grünwald, la Russie de Pierre le Grand (Hachette, 1953). / L. Réau, Pierre le Grand (Hachette, 1960). / R. Portal, Pierre le Grand (Club fr. du livre, 1962). / S. Blanc, Pierre le Grand (P. U. F., 1974).

piétisme

Mouvement religieux protestant.



Dans le sillage de P. J. Spener

Le mouvement piétisme, parfois appelé « nouvelle réformation », est né en Europe, au sein du protestantisme*, à la fin du xviie et au début du xviiie s. Au niveau premier de l’analyse, il apparaît comme une réaction spirituelle contre le dogmatisme et l’« institutionnalisme » des « grandes Églises », qui, après la période des audaces créatrices et des luttes pour l’authenticité de la foi, s’engluent dans l’orthodoxie. Un examen plus poussé montre à l’évidence que la plongée piétiste dans l’intériorité correspond exactement à l’effondrement des espoirs de voir les grands États passer sous l’emprise de la Réforme*.

En 1648, les traités de Westphalie, terminant la guerre de Trente Ans, fixent pour longtemps le statut confessionnel des pays allemands en laissant chacun camper sur ses positions ; en 1685, la révocation de l’édit de Nantes, en France, marque le triomphe du catholicisme politique. Or, c’est en 1675 que paraissent les Pia Desideria de l’Alsacien Philippe Jakob Spener (1635-1705), considéré à juste titre comme le père du piétisme.

Faute de pouvoir transformer la société civile, Spener prône la renaissance de l’Église. Celle-ci se préparera et se réalisera déjà dans la nouvelle naissance des pasteurs, appelés à devenir les modèles du troupeau, les chrétiens par excellence, ce qui va donner à leur formation, les études de théologie, un caractère alors fort peu répandu, de veillée d’armes, d’exercices spirituels, d’entraînement à la vie intérieure autant que de formation culturelle et d’équipement intellectuel. À la limite, l’accentuation sur des points en général négligés prend une allure polémique : la théologie est considérée comme une menace pour la foi et l’apostolat et, s’il y a des sectes, c’est bien que la vie authentique s’en est allée des institutions sclérosées. Le piétisme se veut donc d’abord comme un mouvement à l’intérieur des Églises, le meilleur remède, en somme, contre les éclatements provoqués par les spiritualistes de toute sorte.