Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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physiologie (suite)

Les aspects négatifs en sont le dogmatisme et la prédominance des idées reçues ou préconçues au détriment des observations et des faits expérimentaux. Les vues de Galien sont assez voisines de celles d’Érasistrate, mais plus élaborées : la nourriture est absorbée au niveau de l’intestin et transférée dans le foie pour y être changée en sang contenant l’« esprit naturel, ou nutritif » ; par les veines, le sang gagne alors les divers tissus, qu’il nourrira ; une partie du sang contenu dans le ventricule droit passe dans le ventricule gauche par des pores (?) localisés dans le septum ; ici, le sang est échauffé et « mélangé à l’air provenant des poumons » pour former l’« esprit vital », nécessaire à la vie, qui est réparti dans le corps par les artères ; la fraction d’esprit vital qui atteint le cerveau y est transformée en « esprit animal », source de l’activité musculaire, et distribuée par les nerfs. La notion aristotélicienne du cœur siège de la pensée (déjà réfutée par Érasistrate) est définitivement abandonnée. Ce schéma, assez cohérent, présentait le mérite d’être compatible avec la pathologie humorale issue d’Hippocrate : la condition d’un bon état de santé est un équilibre rigoureux entre les diverses humeurs. Si la qualité ou la quantité de l’une d’elles devient soit excessive, soit insuffisante, il y a maladie. Un homme pléthorique devra subir une saignée ; un patient alangui par un sang pauvre, trop fluide, se verra administrer une potion présentant les caractéristiques du sang (par exemple du vin chaud).

À côté de cette construction théorique, établie sans pratiquement aucun support expérimental, l’œuvre de Galien fournit de nombreux exemples prouvant qu’il était un bon expérimentateur. En particulier, il démontra la fausseté des assertions d’Aristote concernant la présence d’air dans les artères, à la suite d’un expérience simple, élégante même selon les critères actuels : une portion d’artère mise à nu chez l’animal vivant et isolée entre deux ligatures ne contient que du sang. Il fut le premier à décrire les effets des lésions de la moelle épinière, montrant qu’une section au niveau de la 2e vertèbre supprime complètement la respiration alors qu’une section pratiquée sous la 6e vertèbre, tout en bloquant la respiration thoracique, laisse persister la respiration diaphragmatique. Ce type de recherche ne sera repris que dans la seconde moitié du xviiie s.

Galien a effectué une remarquable synthèse de ses recherches et observations personnelles, et des travaux de ses prédécesseurs ; son œuvre constitue le point culminant des sciences biologiques de l’Antiquité et connaîtra une audience extraordinaire.


La Renaissance

Le fait que l’Église ait promu les conceptions de Galien au rang de dogme officiel n’est certainement pas étranger à l’instauration de l’obscurantisme médiéval et rend compte de la difficulté qu’eurent les savants de la Renaissance à faire entendre leur voix. Léonard* de Vinci, malgré ses exceptionnelles facultés d’observation et d’analyse, malgré sa curiosité d’esprit et ses qualités d’expérimentateur, n’a pas toujours su se dégager entièrement des idées en vigueur à son époque. Néanmoins, il a produit une œuvre remarquable (anatomie, physiologie, physique...) qui, malheureusement, ne semble pas avoir eu, sur ses contemporains, l’influence qu’elle méritait. Par contre, trois hommes eurent une influence incontestable sur le développement de l’anatomie, de la physiologie et plus généralement sur l’évolution de la pensée scientifique : Vésale, Bacon et Harvey. André Vésale (1514-1564), anatomiste bruxellois, démontra la fausseté de nombre des assertions de Galien. Francis Bacon*, contemporain de Galilée, proposa une méthodologie scientifique fondée sur l’expérimentation et sur un raisonnement de type inductif dont la première application importante a probablement été le travail de William Harvey (1578-1657) sur la circulation* du sang.

Harvey concrétise en quelque sorte ce renouveau de la pensée scientifique. Il établit que le sang passe des artères aux veines (une ligature artérielle interrompt la circulation veineuse) ; il s’ensuit que le sang, propulsé par les battements cardiaques, effectue un mouvement circulaire dans le corps.


L’élaboration de la physiologie moderne

À partir du xviie s. et, surtout, au cours des deux siècles suivants, l’acquisition des connaissances physiologiques va s’accélérer au fur et à mesure que se développent la chimie, la physique, les mathématiques et que se perfectionne la méthodologie scientifique.

En 1637 paraît le Discours de la méthode de Descartes : « Méthode de bien conduire sa raison, pour trouver la vérité dans les sciences. » Malpighi (1628-1694) démontre l’existence des capillaires, que, faute de microscope, Harvey n’avait pu que postuler.

Au xviiie s., c’est l’introduction par Albrecht von Haller (1708-1777) du concept de l’irritabilité des tissus, puis par Luigi Galvani (1737-1798) de la notion de la nature électrique de l’activité nerveuse. C’est la découverte par J. Priestley* et Carl Wilhelm Scheel (1742-1786) de l’oxygène, suivie par les travaux de Lavoisier* sur la combustion et la respiration.

La physiologie moderne prend naissance dans la seconde moitié du xixe s., avec Claude Bernard, H. von Helmholtz* et bien d’autres, qui représentent l’aboutissement de cette réforme déclenchée trois siècles plus tôt. Les recherches actuelles sont le prolongement logique des travaux de ces chercheurs et se poursuivent dans les voies qu’ils avaient ouvertes ou pressenties, même si des découvertes récentes ont apporté quelques bouleversements dans les théories et la manière de poser les problèmes.


Physiologie des fonctions

Nous donnons ici quelques exemples aptes à mettre en évidence les méthodes et l’esprit de la physiologie. (V. aussi régulation.)