Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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photo-interprétation (suite)

Les émulsions

Les émulsions photographiques sont fabriquées pour être plus particulièrement sensibles à certaines radiations du spectre visible ou du proche infrarouge.

• L’émulsion panchromatique (noir et blanc) est la plus courante ; elle couvre l’étendue du spectre visible et possède une très grande rapidité, ce qui permet son emploi pratiquement en toute saison. Elle sert à tous les travaux d’interprétation planimétrique, de photogrammétrie et de restitution métrique. Son utilisation quasi universelle depuis de nombreuses années a permis aux photo-interprétateurs de se créer une mémoire visuelle très étendue.

• L’émulsion infrarouge (noir et blanc) enregistre les réponses des objets dans une partie invisible du spectre entre 0,7 et 1 μ, correspondant à l’infrarouge proche. Elle apporte des renseignements importants et complémentaires du panchromatique pour les détails de l’hydrographie (absorption du rayonnement par l’eau libre), pour la lecture des faits pédologiques et surtout botaniques, car la réflexion du rayonnement infrarouge est d’autant plus importante que la végétation est plus active et semble posséder une forte évapotranspiration. De plus, associée à des filtres jaunes, orange ou rouges, cette émulsion permet de s’affranchir de la diffusion (voile atmosphérique) et des brumes.

• L’émulsion en couleur naturelle couvre la gamme du spectre visible au moyen de trois émulsions coulées sur le même support, mais sensibles chacune à une partie de ce spectre. La couche jaune est sensible à la partie inférieure du spectre (bleu), la deuxième couche, magenta, à la partie moyenne (vert), et la troisième couche, cyan, à la partie supérieure (rouge). Les procédés chimiques de développement et de tirage permettent de recréer par synthèse soustractive le spectre dans sa totalité (théorie trichromatique de la lumière). Cette émulsion possède l’avantage de fournir une information plus riche et surtout plus lisible que l’émulsion panchromatique. Elle apporte au photo-interprétateur des compléments indispensables, en particulier dans la lecture des faits géologiques : couleur des sols, flore, etc. Cependant, elle est beaucoup moins sensible que les précédentes et se trouve vite saturée par la diffusion atmosphérique.

• L’émulsion en fausse couleur (ektachrome-infrarouge), longtemps réservée à des usages militaires afin de détecter le camouflage, allie sur un même support les qualités de l’émulsion couleur à celles de l’infrarouge. On groupe sur deux couches (jaune et magenta) les radiations du spectre visible et l’on enregistre sur la couche cyan la partie infrarouge proche du spectre, ces trois émulsions étant évidemment situées sur le même support. Au tirage final, il en résulte une série de couleurs différentes de la réalité, mais dont les valeurs synthétisent à la fois les radiations visibles et celles de l’infrarouge. Cette émulsion présente donc un intérêt considérable en hydrologie, en pédologie, en botanique, etc.


Le traitement de l’information

Les divers procédés d’enregistrement par capteurs magnétiques ou chimiques possèdent des réponses diverses et chacun un intérêt particulier. Afin d’améliorer les possibilités d’interprétation, il est possible, soit lors de l’enregistrement, soit lors de travaux en laboratoire, de prendre la totalité ou seulement une partie du message reçu. Ainsi, les capteurs magnétiques, qui enregistrent sur bande la quantité d’énergie reçue ponctuellement, peuvent facilement être décodés et donner lieu à un traitement automatique de l’information. Le filtrage et le mélange de certaines parties du spectre à l’aide de filtres colorés autorise, au moyen des émulsions traditionnelles, des transpositions plus spatiales. Des artifices et des procédés de tirage par équidensités permettent d’obtenir en certains cas une cartographie en couleur automatique à la seule condition de bien maîtriser l’enregistrement.

L’interprétation proprement dite d’une photographie pose a priori la définition de l’objet (pris dans son sens le plus large de « chose qui occupe les sens et l’esprit »), c’est-à-dire la connaissance de ses principaux aspects. On peut d’abord distinguer les aspects appartenant au sujet étudié, c’est-à-dire la forme et la dimension, la position dans l’espace, les conditions d’existence ou d’environnement. Tous ces éléments sont fonction de la nature propre de la recherche et de la connaissance qu’en a l’interprétateur ; ils sont donc complètement indépendants de la photographie. On peut distinguer ensuite les aspects photographiques en rapport avec les conditions spatiales et temporelles de l’enregistrement. Ils se traduisent non seulement par les teintes et les couleurs étudiées, mais surtout par la structure et la texture photographiques de l’objet à une échelle donnée.


La structure photographique de l’objet

Indépendamment de sa forme et de son volume, l’objet, considéré comme unité, collection ou ensemble de faits, possède une certaine structure, c’est-à-dire une organisation propre correspondant à la disposition fondamentale des éléments qui le composent. La perception plus ou moins nette de cette structure est surtout fonction de l’échelle de prise de vue ; c’est le propre d’une bonne prise de vue de la révéler. Le problème essentiel de la photo-interprétation consiste à choisir la bonne échelle de résolution structurale. Compte tenu parfois des faibles dimensions de l’objet, cela peut revenir à un simple problème de pouvoir de résolution de l’objectif ou de l’émulsion.


La texture photographique de l’objet

Souvent à une échelle donnée, la structure photographique n’est pas visible ; l’objet se présente en totalité ou en détail sous l’aspect d’une collection de petits faits indistincts, mélangés, sans organisation. La structure n’est pas révélée, et seul l’aspect superficiel de la couverture, du tissu du manteau est visible : c’est la texture photographique de l’objet, souvent variable avec l’heure de l’enregistrement, la hauteur du Soleil, la saison et le procédé d’enregistrement. En géologie, en géomorphologie, les aspects photographiques se présentent surtout sous forme de structures ; en pédologie, en botanique, du fait de la petitesse relative et de la multiplicité des objets qui les composent, les associations naturelles présentent surtout des aspects de texture. Dans les études humaines et l’occupation du sol, l’homme crée des ensembles essentiellement structurés, qu’il s’agisse de mise en valeur, de culture ou d’habitat. Le photo-interprétateur a pour rôle, d’une part, de déchiffrer au milieu des structures et des textures visibles, naturelles ou humaines, les liens qui les unissent entre elles et leur chronologie, et, d’autre part, de tirer des conclusions sous forme de statistiques ou de cartes thématiques en vue d’une action. Dans ce domaine du choix, le rôle de l’homme est encore prépondérant, et celui de la machine bien modeste, heureusement.

C. C.

➙ Photographie aérienne et spatiale.