Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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pharmacie (suite)

Cette autonomie et le monopole des pharmaciens ne furent nettement établis que par la déclaration royale du 25 avril 1777, dans laquelle figurent deux principes fondamentaux qui ont subsisté jusqu’à nos jours, « l’exercice personnel et l’indivisibilité de la propriété et de la gérance de l’officine ». Cette déclaration ne fut d’abord appliquée qu’à Paris et à ses faubourgs, où tous les apothicaires prenaient le nom de maîtres en pharmacie et formaient dorénavant une seule corporation, dénommée « Collège de pharmacie ».

Son existence fut brève, car le décret de mars 1791 supprima toutes les maîtrises. L’exercice de la pharmacie devint libre. Les abus furent tels qu’un mois après le décret du 14 avril 1791 rétablissait l’ancien régime. En 1796 (an IV), le Collège de pharmacie se transforma en Société libre des pharmaciens de Paris.

Avec la loi du 21 germinal an XI (11 avr. 1803) disparut le régime corporatif de la profession pharmaceutique. Les trois premiers titres de la loi concernaient les études et attribuaient à l’État seul le rôle d’enseignement dans des écoles supérieures de pharmacie, dont trois furent aussitôt créées. Les examens, l’attribution du diplôme, le recensement, l’inspection relevaient également de l’État.

Dans le titre IV de la loi, le monopole de l’exercice de la pharmacie était précisé ainsi que ses limites. Si les médicaments ne pouvaient être préparés et vendus en dehors de l’officine, par contre le pharmacien ne pouvait faire « aucun autre commerce ou débit que celui des drogues, préparations médicinales ou officinales », celles-ci devant être effectuées suivant les formules d’un codex, qui ne devait paraître qu’en 1818.

Avec cette loi s’ouvrait l’ère contemporaine de la pharmacie, et son application allait subsister jusqu’à l’instauration d’une nouvelle réglementation par la loi du 11 septembre 1941.

La bibliothèque des apothicaires

Les apothicaires trouvaient les indications et les formules nécessaires à l’exercice de leur profession dans des traductions d’ouvrages anciens tels que : De re medica (830) de Jean Mésué de Damas, Liber servitoris (980) d’Albucasis, Canon (v. 1000) d’Avicenne*.

Les œuvres de Galien*, Paracelse, Rhazès furent également l’objet de commentaires, et les aspirants à la maîtrise devaient en faire lecture et explication. L’évolution de la pharmacie qui tendait à en faire une science exacte rendait nécessaire l’usage d’un ouvrage commun à toutes les officines. L’Antidotaire de Nicolas de Salerne, rédigé en latin vers 1150, qui fut choisi et dont la possession et l’emploi furent rendus obligatoires par un édit de Jean Le Bon en 1353, contenait 142 formules de médicaments et était complété par un Traité des qui pro quo. Son usage se répandit en Europe jusqu’au xvie s. En 1546, le sénat de Nuremberg fit éditer le Dispensatorium de Valerius Cordus, qui devint obligatoire pour les apothicaires allemands.

Au cours des xvie et xviie s., les ouvrages scientifiques se multiplièrent et le besoin d’un code pharmaceutique adapté aux produits nouveaux devenait évident. En 1579, Henri III rendit une ordonnance prescrivant l’établissement d’un « dispensaire », qui ne fut terminé et édité qu’en 1638 sous le nom de Codex medicamentarius seu pharmacopea parisiensis. Il avait été précédé en France par les pharmacopées de Lille (rédigée en 1573), de Lyon (1628), de Blois (1634) et, à l’étranger, par celles de Mantoue (1553), de Bâle (1561), de Londres (1618). Parmi les œuvres pharmaceutiques de valeur qui se succédèrent alors, les plus connues furent la Pharmacopée (1588-1596) de Briçon Bauderon, les Œuvres pharmaceutiques (1626) de Jean Renou, la Pharmacopée royale galénique et chimique (1676) de Moyse Charas, la Pharmacopée universelle (1697) de Nicolas Lemery, les Éléments de pharmacie (1762) d’Antoine Baumé. Au cours de sa longue carrière, le codex parisien fut réédité quatre fois (1645, 1732, 1748, 1758) avant de céder la place au Codex medicamentarius sive pharmacopea gallica de 1818, dont la rédaction fut imposée par l’article 23 de la loi de germinal an XI (1803) et dont la dernière édition, constamment complétée et mise à jour par voie d’arrêtés, date de 1972. La pharmacopée française est l’ensemble de toutes les éditions du codex, y compris la dernière édition.

Il existe également une pharmacopée européenne et une pharmacopée internationale.


L’histoire de l’enseignement pharmaceutique

On trouve sa première manifestation officielle en France dans l’arrêt du parlement du 3 août 1536 qui oblige les apprentis apothicaires à suivre durant une année les cours créés pour eux à la faculté de médecine de Paris.

À Montpellier, au xvie s., les exercices faits par les maîtres apothicaires à l’officine sont complétés par des cours donnés par des médecins. Bernhardin de Ranc, nommé démonstrateur de botanique en 1558, est sans doute le premier apothicaire chargé d’un cours dans l’Université.

En 1604, Henri IV crée à Toulouse une chaire de chirurgie et de pharmacie, transformée cent ans plus tard en chaire de pharmacie, chimie et botanique.

À Paris, durant le xvie s., l’enseignement pharmaceutique officiel a lieu à la faculté de médecine. Ce n’est qu’en 1576 que Nicolas Houël (1524-1587), maître apothicaire parisien, obtient l’autorisation de fonder un établissement destiné à instruire les orphelins dans l’art d’apothicairerie et à préparer les médicaments pour les malades pauvres. Il crée en 1580 le Jardin des simples, faubourg Saint-Marcel, qui deviendra le Jardin des apothicaires de Paris. En 1628, la communauté des apothicaires agrandira le jardin et construira des bâtiments destinés à l’enseignement confié à des apothicaires. À l’étude des drogues d’origine végétale ceux-ci ajoutent très vite celle de la chimie, qui devient prépondérante au cours des xviie et xviiie s. grâce aux travaux de Nicaise Lefebvre (1610-1669), de Moyse Charas (1619-1698), d’Étienne François Geoffroy (1672-1731), de Guillaume François Rouelle (1703-1770) et d’Antoine François de Fourcroy (1755-1809), parmi beaucoup d’autres. Cet enseignement recevra sa consécration officielle par la création du Collège de pharmacie, inauguré en 1780.