Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pétrarque (suite)

Par ailleurs, l’entreprise la plus ambitieuse de Pétrarque en langue vulgaire est le poème allégorique des Trionfi, entrepris vers 1354 et poursuivi presque jusqu’à la fin de sa vie, écrit en « terzine » (l’unité métrique de la Divine Comédie) et dans lequel Pétrarque ordonne son autobiographie spirituelle en une succession de cycles symboliques culminant dans le triomphe, tour à tour, du Désir, de la Chasteté, de la Mort, de la Gloire, du Temps et de l’Eternité.

L’œuvre latine de Pétraque comprend :
— les neuf livres de l’Africa (inachevés, malgré plusieurs rédactions postérieures à celle de 1341), exaltant la gloire de Rome à travers la grande figure de Scipion l’Africain, non sans remonter à la fois jusqu’aux origines de l’Urbs et jusqu’à l’époque contemporaine par l’artifice d’un rêve prémonitoire du héros ;
— le De viris illustribus, dont le projet primitif prévoyait une série de biographies allant de Romulus à Titus (interrompu à Caton le Censeur, le cycle est ensuite élargi à tous les héros de l’humanité, d’Adam aux Temps modernes, puis de nouveau abandonné ; dans la dernière rédaction, les vies de Scipion et de César se signalent par leur ampleur et leur qualité historique) ;
— les quatre livres de Rerum memorandarum (commencés en 1344), recueil thématique d’« exempla », d’anecdotes et d’épisodes historiques ;
— le Secretum (1342-43 et 1353-1358), dialogue, de structure cicéronienne et d’inspiration religieuse, entre Pétrarque et saint Augustin, qui, inspiré par la Vérité (témoin muet de leur entretien), s’efforce de surmonter les conflits intérieurs du poète (à chacun des trois livres correspond une journée du dialogue) ;
— les traités De vita solitaria et De otio religioso (1346-47 tous deux remaniés par la suite), éloges de la retraite et de l’étude, selon l’idéal classique et la règle monastique ;
— les Psalmi penitentiales (v. 1347), où le poète implore la rémission divine ;
— le De remediis utriusque fortunae, traité entrepris vers 1354, divisé en deux séries de 122 et de 132 brefs dialogues entre la Raison et la Joie et l’Espérance, et entre la Raison et la Douleur et la Crainte, selon une casuistique érudite qui emprunte à toute la réflexion morale médiévale ;
— les quatre livres de l’Invective contra medicum (1352-1355) et le De sui ipsius et multorum ignorantia (1367-1370), où Pétraque défend la dignité et l’utilité des études littéraires contre l’encyclopédisme, l’abstraction, le formalisme et la vaine subtilité de la philosophie et de la science contemporaines ;
— l’Invectiva contra eum qui maledixit Italiae (dite aussi Apologia contra Gallum, 1373), réfutation de la thèse favorable au maintien du siège pontifical à Avignon ;
— quatre recueils d’épîtres en prose (24 livres de Familiari, 17 de Senili, 3 de Varie et 4 de Sine nomine [ou Sine titulo]) ;
— un recueil, en trois livres, de soixante-quatre épîtres en vers composées pour la plupart avant 1350, les Epistolae metricae, qui s’apparentent, par leur inspiration autobiographique, aux églogues du Bucolicum Carmen (composées vers 1346 et revues en 1357).

J.-M. G.

 P. de Nolhac, Pétrarque et l’humanisme (Champion, 1892 ; nouv. éd., 1907, 2 vol.). / H. Hauvette, les Poésies lyriques de Pétrarque (Malfère, 1932). / C. Calcaterra, Nella selva del Petrarca (Bologne, 1942). / G. De Robertis, Studi (Florence, 1944). / U. Bosco, Francesco Petrarca (Turin, 1946 ; 2e éd., Bari, 1961). / E. Bigi, Dal Petrarca al Leopardi (Milan et Naples, 1954). / E. Carra, Studi petrarcheschi ed altri scritti (Turin, 1959). / R. Bacchelli, Saggi critici (Milan, 1962). / A. Noferi, L’Esperienza poetica del Petrarca (Florence, 1962). / B. Curato, Introduzione a Petrarca (Crémone, 1963). E. H. Witkins, Vita del Petrarca e la formazione del « Canzoniere » (Milan, 1964). / N. Sapegno, « Francesco Petrarca », dans Storia della letteratura italiana, t. II (Milan, 1965). E. Raimondi, Metafora e storia. Studi su Dante e Petrarca (Milan, 1970). / G. Contini, Varianti e altra linguistica (Milan, 1971). / A. Michel, Pétrarque et la pensée latine (Aubanel, 1975).

Petrassi (Goffredo)

Compositeur italien (Zagarolo, près de Rome, 1904).


Dès 1913, il est admis à la Schola cantorum de San Salvatore in Lauro, puis il poursuit ses études musicales auprès d’Alessandro Bustini et de Vincenzo Di Donato, les complétant à partir de 1928 au conservatoire Sainte-Cécile de Rome avec Bustini (composition) et plus tard Fernando Germani (orgue). Pour l’essentiel, toute sa longue et féconde carrière se déroule également à Rome.

Après divers essais de jeunesse, demeurés en majorité inédits, c’est la Partita pour orchestre qui attire pour la première fois l’attention de la critique internationale sur le jeune compositeur, lorsqu’elle est exécutée avec grand succès au festival de la S. I. M. C. (Société internationale pour la musique contemporaine) à Amsterdam en 1933. La position de Petrassi s’affirme ensuite avec quelques partitions décisives s’échelonnant jusqu’à la guerre : premier concerto pour orchestre, Psaume IX, Magnificat, concerto pour piano, enfin Coro di Morti, qui demeure peut-être son œuvre la plus jouée. Petrassi assure brièvement la direction du théâtre La Fenice à Venise (1937-1940), et prend la tête d’une classe de composition au conservatoire Sainte-Cécile de Rome (1939). Directeur artistique de l’Accademia filarmonica romana (1947-1950), président de la S. I. M. C. (1954-1956), titulaire de nombreuses distinctions internationales, il donne depuis 1958 un cours de perfectionnement en composition à l’académie Sainte-Cécile, et la qualité exceptionnelle de cet enseignement lui attire un grand nombre de disciples, tant italiens qu’étrangers.

De pair avec Luigi Dallapiccola*, son aîné de quelques mois, Petrassi est la personnalité dominante parmi les compositeurs italiens de sa génération. Mais, tandis que Dallapiccola est essentiellement un créateur lyrique attiré par l’art vocal, Petrassi, sans négliger le théâtre, les chœurs ou la voix seule, a consacré la majeure partie de son activité créatrice à la musique instrumentale. Ses premiers ouvrages s’inscrivent dans la lignée du néo-classicisme diatonique et modal de l’école de Casella (1883-1947), mais modifié par l’influence du chant grégorien et celle de Paul Hindemith*, cette dernière passagèrement très forte (premier Concerto). D’autres influences sont venues ensuite enrichir la palette de Petrassi ; le hiératisme grandiose de la Symphonie de psaumes de Stravinski se profile derrière les magistraux Cori di Morti, cependant qu’à partir de 1950 environ le compositeur a intégré à son style le chromatisme atonal de l’école viennoise : la splendide cantate Noche oscura, d’après saint Jean de la Croix, égalant sans peine les plus belles réussites de Dallapiccola, constitue le premier jalon essentiel sur cette voie, qu’approfondira la série des concertos pour orchestre jusqu’au sixième. Les œuvres de musique de chambre de 1958-59 (Quartetto, Serenata, Trio) ouvrent la phase la plus récente de la création pétrassienne, totalement affranchie des vestiges de pensée tonale et des cadres formels classiques. Dépouillées, audacieuses, toujours riches de musique et de pensée originale, les œuvres récentes témoignent de la puissance créatrice intacte de l’une des figures les plus attachantes de la musique européenne d’aujourd’hui. Si le théâtre n’a attiré Petrassi que de manière épisodique, de 1942 à 1950, la série imposante de ses huit Concertos pour orchestre, couvrant toute son évolution, doit être considérée comme la manifestation la plus importante du symphonisme italien au xxe s.