Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Petőfi (Sándor) (suite)

Dès ses premiers vers, Petőfi a le mérite de s’engager à son tour dans la voie ouverte naguère par Károly Kisfaludy (1788-1830) et de s’inspirer des sources vives de la poésie populaire. Sans doute ses dons l’inclineront-ils toujours à verser dans la facilité, mais, avec lui, la muse se met à l’aise ; le corset de la métrique gréco-latine, les oripeaux de la rhétorique savante sont remisés pour longtemps au magasin des accessoires. Les poèmes souvent rehaussés d’humour qu’il compose alors n’ont rien perdu, aujourd’hui encore, de leur fraîcheur juvénile. Ces qualités sont particulièrement sensibles dans Jean le Preux (János Vitéz, 1845), conte merveilleux, naïf et coloré comme une image d’Épinal. Petőfi y use avec bonheur de vers de douze syllabes, comparable à notre alexandrin, de la vieille poésie narrative hongroise.

À partir de 1845, il vit de sa plume. Dans une prose aisée et primesautière, il rédige ses Notes de voyage (Úti jegysetek), intéressant document sur la Hongrie de l’époque. Poète déjà reconnu et fêté, il se plaint dans ses vers de sa solitude et dit sa nostalgie d’un grand amour. Cette crise morale trouve un écho dans la crise politique que traverse alors la Hongrie. Avec plus de générosité que de discernement, Petőfi subit l’influence des écrivains et des utopistes romantiques français ; son grand modèle restera Béranger. Il compose ses premiers grands poèmes-programmes : Rossignols et alouettes, Une pensée me hante..., les Poètes du xixe siècle, la Sentence, Si tu es un homme, sois un homme..., le Peuple. Le 8 septembre 1846, se rendant en Transylvanie, il fait la connaissance de Júlia Szendrey (1828-1868), qui devient sa femme un an plus tard.

Une nouvelle phase s’ouvre alors dans sa vie et son œuvre. Les poèmes que lui dictent cet amour restent parmi les plus sincères et les plus émouvants de la langue hongroise (Le buisson tremble, Fin septembre, Comment t’appeler ?...). En juin 1847, Petőfi rend visite à János Arany*, avec qui ses relations épistolaires se sont transformées en une solide amitié. Dans les lettres et dans les poèmes qu’ils échangent, ils s’efforcent, chacun selon son tempérament, d’élaborer une doctrine littéraire dont la notion centrale est celle de populisme, entendons par là la prise en charge par la poésie livresque des traditions de la poésie populaire paysanne, dépositaire de l’authenticité nationale.

Parallèlement, les préoccupations politiques et patriotiques de Petőfi n’ont cessé de s’élargir. La révolution* de 1848 mûrit dans ses poèmes tout comme elle mûrit dans la nation. Petőfi exalte les anciens champions de l’indépendance, surtout Ferenc Rákóczi (1676-1735) ; il évoque dans son célèbre Au nom du peuple les grands libertaires du passé : Máté Csák (v. 1260-1321) et György Dózsa, le chef de la jacquerie de 1514 ; il exprime ses idées et ses idéaux dans des allégories dont le manichéisme n’est pas sans rapport avec celui de Hugo (Glaives et chaînes, la Chanson des chiens, la Chanson des loups) ; il salue dans Italie le soulèvement qui éclate à Messine.

Au début de mars 1848, la nouvelle de la révolution parisienne parvient à la diète de Pozsony, où Kossuth* s’est fait le champion des revendications hongroises. Le 13, Vienne se soulève. Le 15, Petőfi fait partie des jeunes gens qui déclenchent la révolution à Pest ; il déclame en plusieurs points de la ville son Chant national, véritable Marseillaise sans musique, composé deux jours plus tôt.

Il n’ignore pas, au début de 1849, que l’évolution de la situation internationale rend fort précaire la position des nationaux hongrois. Mais il s’exalte à la pensée que ces derniers sont les seuls à poursuivre le combat au nom de la révolution (L’Europe est tranquille...) ; il proclame ses convictions républicaines (République) et demande à ses compatriotes de lutter jusqu’à la mort. Le 31 juillet, une bataille décisive oppose l’armée commandée par le général Bem (1794-1850) aux troupes envoyées par le tsar au secours de son cousin de Vienne. Petőfi, que József Bem, conscient de la gravité de la situation, a appelé auprès de lui pour lui éviter, semble-t-il, de tomber entre les mains des Autrichiens, prend part à la bataille, en civil et quasiment sans armes. Entre 5 et 6 heures de l’après-midi, on perd sa trace ; sans doute Petőfi fut-il sabré par la cavalerie russe. Longtemps l’opinion publique refusera d’admettre sa mort. On croira que le poète se cache en attendant des jours meilleurs. On le supposera déporté en Sibérie. Dès lors, Petőfi appartient à la légende.

J.-L. M.

 G. Illyès, Petőfi (Budapest, 1936, nouv. éd., 1963 ; trad. fr. la Vie de Petőfi, Gallimard, 1962). / P. A. Loffler, la Vie d’Alexandre Petőfi (Subervie, Rodez, 1953). / Révolté ou révolutionnaire ? Sandor Petőfi (Corvina, Budapest, 1973).

Pétrarque

En ital. Francesco Petrarca, poète et humaniste italien (Arezzo 1304 - Arqua, prov. de Padoue, 1374).


Premier des grands humanistes de la Renaissance, Pétrarque est passé à la postérité pour la perfection de sa poésie en langue vulgaire, devenue au cours des siècles, en alternative au réalisme dantesque, le modèle de tous les classicismes occidentaux.

La vie de Pétrarque a été aussi studieuse que mouvementée. S’il est initié au culte de Virgile et surtout à celui de Cicéron par son père Pietro, notaire florentin originaire d’Incisa in Valdarno, c’est à l’exil politique (1304) de celui-ci qu’il doit de naître à Arezzo. Dédaignant l’amnistie promulguée en 1309, Pietro rejoint à Pise, en 1311, son épouse, Eletta Canigiani, qui avait élevé seule à Incisa Francesco et son jeune frère Gherardo, de trois ans son cadet, et il conduit sa famille à Avignon (1312), transformée en capitale par le récent transfert du siège pontifical. Faute de pouvoir y trouver un logement pour les siens, il les établit dans la voisine Carpentras ; là, Francesco reçoit l’enseignement du trivium. Son père l’envoie en 1316 à Montpellier entreprendre des études de droit, poursuivies sans grande inclination, en compagnie de Gherardo, à l’université de Bologne à partir de 1320. Francesco les abandonnera définitivement en 1326 à la mort de son père, ce qui le ramène à Avignon, où l’effervescence de la cour pontificale sert à merveille sa soif de plaisirs (qui lui valut deux enfants naturels Giovanni et Francesca, nés respectivement en 1337 et en 1342) ainsi que ses ambitions mondaines, littéraires et politiques. Dans l’intervalle de ses fréquentes missions diplomatiques, assorties de recherches érudites, il séjournera en Provence jusqu’en 1353.