Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

pesanteur (suite)

Résultats

Les mesures absolues ont permis de définir un petit nombre de valeurs du g normal, chacune attachée à un site donné, par exemple g0 = 980,943 à Paris (Observatoire) et g0 = 981,274 à Potsdam (exprimés en centimètres par seconde par seconde ou gals), cette dernière valeur étant adoptée comme référence internationale, conventionnelle. Nous avons déjà indiqué les variations générales de g en allant des pôles (983 gals) à l’équateur (978 gals).

Les variations régionales de g (notamment au voisinage des montagnes, sur mer ou au sein des mers) jouent un rôle très important dans l’interprétation des grandes structures terrestres (hypothèse de l’isostasie en particulier). Il en est de même des mesures que l’on a organisées en satellite.


Apesanteur

On désigne ainsi l’état particulier d’un organisme (notamment d’un organisme vivant) non soumis à des actions du type pesanteur. Ne nous occupant, ici, que des conditions strictement physiques conditionnant un tel état, nous remarquerons que l’apesanteur vraie demande que cette absence d’action ait lieu en tout point de l’organisme. Par exemple, les exercices d’immersion en piscine auxquels sont soumis les astronautes ne réalisent qu’une apesanteur globale, utile comme apprentissage d’une gymnastique spéciale des mouvements lents, mais ne réalisant aucunement les conditions physiologiques d’une apesanteur vraie, puisque les forces de « poussée d’Archimède » seront transmises aux organes internes sans supprimer leurs forces de liaison avec les organes voisins.

Deux conditions physiques différentes peuvent assurer une apesanteur vraie quasi parfaite : 1o distance suffisante de tout objet céleste susceptible d’exercer une attraction newtonienne (cas approximatif d’un astronaute en condition de vol balistique dans la région du minimum de l’attraction globale terrestre et lunaire) ; 2o une situation de « chute libre » dans laquelle les forces d’attraction newtoniennes sont exactement équilibrées par les forces d’inertie (cas d’un astronaute tournant autour de la Terre en vol balistique, c’est-à-dire sans usage de fusées). On utilise là le fait que ces forces d’inertie sont appliquées à toute masse, aussi réduite soit-elle, exactement de la même façon que les forces newtoniennes qui les créent. Remarquons encore que si, lors d’une phase propulsive (par fusée), notamment lors de l’accélération au départ du sol, les astronautes ressentent avec force (pesanteur accrue) les effets de leur accélération, c’est que cette dernière leur est, en fait, transmise par leur habitacle par l’intermédiaire de surfaces porteuses externes et ne leur est donc pas appliquée par un effet interne particulaire (comme ce serait le cas — irréalisable mais non théoriquement absurde — où cette accélération énorme leur serait appliquée par une masse gravitationnelle que l’on placerait convenablement à leur voisinage).

E. S.

 J. Coulomb, la Constitution physique de la Terre (A. Michel, 1952). J. Goguel, la Gravimétrie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1963 ; 2e éd., 1972).


Quelques biographies


Gilbert Defforges,

géodésien et général français (Roanne 1852 - Paris 1915). Il a perfectionné les méthodes de mesure du champ de pesanteur, grâce à l’emploi d’un pendule réversible de réglage imparfait, et effectué de nombreuses déterminations.


Fernand Holweck,

physicien français (Paris 1890 - id. 1941). Il établit en 1920 la continuité entre le rayonnement ultraviolet et les rayons X et étudia l’action biologique de ces rayons intermédiaires ; il créa une pompe à vide moléculaire et, avec le P. Lejay, un pendule à lame oscillante pour la mesure du champ de pesanteur. Professeur à la faculté des sciences de Paris, il fut arrêté et mis à mort par les Allemands sous l’Occupation.


Pierre Lejay,

jésuite et physicien français (La Seyne 1898 - en mer 1958), Directeur de l’observatoire de Zikawei (Tseu Ká-wei) en Chine, il est l’auteur d’études des variations de la pesanteur, de l’ozone atmosphérique, de l’ionosphère. Il a établi de nombreuses cartes gravimétriques de France, d’Indochine, des Philippines, des États du Levant, etc. (Acad. des sc., 1946.)


Felix Vening Meinesz,

géophysicien néerlandais. V. gravimétrie.

Pessoa (Fernando António Nogueira)

Poète portugais (Lisbonne 1888 - id. 1935).


Fernando António Nogueira Pessoa est l’un des plus grands, sinon le premier, des poètes portugais de la première moitié du xxe s. et l’une des personnalités les plus riches et les plus complexes de la littérature européenne moderne. Il n’a été presque rien publié de lui de son vivant et son influence ne s’est vraiment affirmée qu’après sa mort.

On a voulu expliquer les singularités de son œuvre par sa vie et son hérédité ; d’où l’importance, parfois trop grande, accordée au sang juif d’une branche de ses ancêtres et à la folie de sa grand-mère paternelle. Fernando a cinq ans lorsque son père meurt de la tuberculose à Lisbonne. Sa mère, originaire des Açores, se remarie deux ans plus tard, et la famille se transporte à Durban, en Afrique du Sud, où le beau-père du futur poète exerce les fonctions de consul du Portugal par intérim. Fernando se révèle un brillant élève à l’école anglaise. Ses études le conduisent ensuite à l’université du Cap (1903-04). Il retrouve Lisbonne à dix-sept ans et s’inscrit à la section de philosophie du cours supérieur de lettres. Malgré un foyer apparent, retrouvé chez ses tantes, il se réfugie de plus en plus dans son univers propre. Il renonce à la faculté pour se mettre à l’étude des philosophes grecs et allemands, des symbolistes français et de la poésie portugaise moderne. D’une constitution fragile, impressionnable, bohême, il ne s’adapte pas au conformisme bourgeois. Il tente la voie du journalisme (revue A águia, 1912-13) et il est ouvert à toutes les aventures de l’esprit. Passant d’une chambre meublée à une autre, toujours plus solitaire, il n’a qu’un cercle très restreint d’amis, dont Mário de Sá-Carneiro, l’autre grand poète du temps, qui devait se suicider à Paris en 1916. Sur le plan matériel, ce qui le sauve, c’est sa connaissance de la langue anglaise. Correspondant de différentes entreprises commerciales, Pessoa pourra vivre médiocrement, mais avec une certaine indépendance. Il fréquente les cafés et mène une existence de solitaire et d’incompris, tout entière tournée vers la littérature. La seule intrigue sentimentale qu’on lui connaisse dure quelques mois à peine. À partir de 1927, Pessoa est pourtant reconnu et salué comme un maître par la jeune équipe de la revue Presença de Coimbra. Un an avant sa mort, il remporte avec sa plaquette Message, présentée curieusement à un concours officiel, un prix de deuxième catégorie. N’ayant réalisé presque aucun de ses projets, il meurt le 30 novembre 1935 : « Étranger en tout lieu, depuis l’Afrique du Sud de son adolescence jusqu’au cadre de son trépas, il s’éteignait sans avoir résolu l’énigme de son identité » (Armand Guibert).