Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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personnalité (suite)

Ajoutons, enfin, que l’identité n’est pas seulement un fait ou une donnée dans le fonctionnement de la personnalité, elle est aussi l’objet d’un dynamisme profond. En communication avec un monde de situations et de personnes continuellement changeantes, soumise dans son comportement à des expériences de succès et d’échec, la personnalité a souvent quelque peine à maintenir son identité psychique ainsi que sa conception de soi (self-concept). De même que le « milieu interne » de l’organisme — qui constitue pour ainsi dire son identité et individualité biologiques — tend à se maintenir malgré les conditions externes les plus diverses, grâce à des mécanismes d’autorégularisation, ainsi également la personnalité met en marche des processus qui protègent et maintiennent sa consistance interne et sa conception de soi.

Quant à la relation entre la personnalité et le monde, il faut souligner que la conception de la personnalité en termes de structure interne entre les traits de personnalité (cf. supra) doit être élargie de manière à englober la relation de la personnalité avec le monde. En effet, la personnalité est essentiellement une structure qui déborde l’ensemble de son propre fonctionnement comme tel. Le monde des objets et des autres sujets constitue l’objet intentionnel de ses propres activités psychiques. Ce monde personnel fait partie de la personnalité même : il en constitue le contenu.

L’étude différentielle de la personnalité s’est poursuivie par des voies très différentes. Dans notre civilisation moderne, l’étude plus précise des différences entre les personnalités en matière de performance ou de rendement est devenue une base essentielle de la psychologie appliquée. Le bonheur personnel aussi bien que la valeur objective de la performance supposent une adéquation entre l’activité à exercer et les aptitudes de l’individu. Ces grandes différences psychologiques qui existent entre les personnalités d’une même culture et d’un même milieu, et plus encore entre personnalités de cultures différentes, se développent sur la base d’une interaction entre facteurs du milieu et facteurs héréditaires.

Ce sont les théories et les techniques du psychodiagnostic de la personnalité qui ont pour objet l’étude détaillée de ces différences dans le cadre de la psychologie différentielle.

Dès l’Antiquité grecque, philosophes et médecins s’intéressaient à la découverte de types somatiques et psychologiques ou de conduite.

Les recherches modernes telles que celles de G. Heymans, de Jung, de E. Kretschmer, de W. Sheldon et de beaucoup d’autres ont dévoilé, malgré de multiples différences méthodologiques, certaines convergences que l’on peut considérer comme des constantes de la typologie humaine. Ainsi, la primarité de Heymans, l’extraversion de Jung, la cyclothymie de Kretschmer et la viscérotonie (endomorphie) de Sheldon révèlent plusieurs traits concordants qui font soupçonner une base commune. La même chose peut se dire du type opposé que les auteurs mentionnés décrivent respectivement comme secondarité, introversion, schizothymie et cérébrotonie (ectomorphie).

C’est l’analyse factorielle qui a poursuivi et précisé, avec des méthodes d’élaboration mathématiques, ces études de la structure de la personnalité. Chacune de ces approches typologiques, caractérologiques et factorielles a élaboré également certaines techniques diagnostiques des différences de personnalité.

Alors que la typologie met d’ordinaire l’accent sur le caractère constitutionnel et héréditaire des différences fondamentales entre les personnalités, il existe plusieurs courants qui soulignent le caractère acquis de ces différences. C’est le cas, notamment, d’approches aussi différentes que celle des béhavioristes et celles des anthropologues culturels ou sociaux. Les béhavioristes historiques ne reconnaissaient dans tout trait de personnalité rien d’autre que des habitudes apprises ; mais c’est surtout l’anthropologie culturelle qui, dans les dernières décennies, a accumulé un ensemble de données scientifiques qui montrent, en détail, l’influence de la culture — et plus spécialement des pratiques primaires d’éducation et de socialisation — sur la personnalité de base. On admet que l’ensemble des conduites des adultes à l’égard du nouveau-né — conduites qui se ressemblent à l’intérieur d’une même culture et diffèrent souvent beaucoup d’une culture à une autre — feront naître, chez les enfants d’une même culture, des expériences, des satisfactions et des frustrations similaires, qui seront à la base de traits de personnalité également plus ou moins semblables. Cette configuration de la personnalité qui sera plus ou moins commune aux membres d’une même société, en vertu d’expériences infantiles similaires, est appelée par ces auteurs la personnalité de base (v. art. suiv.). Elle est cette composante fondamentale, ce canevas plus ou moins identique qui sous-tend les formes concrètes plus individualisées de la personnalité. Ces dernières se développent en fonction d’expériences et de facteurs individuellement différents, alors que la personnalité de base dépend des coutumes « primaires » d’une culture (surtout les pratiques de socialisation des jeunes ou méthodes d’éducation et de nursing). Aussi la personnalité de base ne se rapporte-t-elle pas à tous les aspects de la personnalité concrète ; elle sous-tend surtout l’ensemble des attitudes affectives et les systèmes de valeurs qui sont communs aux membres d’une même culture et qui sont essentiels dans la configuration d’une personnalité. C’est cet ensemble d’attitudes et de valeurs que R. Linton et A. Kardiner appellent les systèmes projectifs d’une culture, parce qu’ils constituent les cadres de pensée et d’appréciation que l’on « projette » dans la réalité et dans les événements concrets pour les interpréter et les expliquer. C’est ainsi, par exemple, que certains peuples conçoivent et interprètent la maladie comme punition d’actes défendus, ainsi que le rapportent J. W. M. Whiting et I. L. Child, dans leur ouvrage Child Training and Personality : a Cross Cultural Study (1953).