Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

pénicilline

Substance antibiotique dont la découverte a inauguré l’ère des antibiotiques*.


Les pénicillines sont des « substances antibiotiques à fonction acide élaborées dans leur milieu de culture par divers pénicillium, en particulier Penicillium notatum et P. chrysogenum » (Codex).

Si la notion d’antibiose est connue depuis longtemps, c’est A. Fleming qui, en 1928, examinant des cultures de staphylocoques souillées par une moisissure banale, Penicillium notatum, reconnut l’action antibiotique des produits du métabolisme de ce champignon, auxquels il donna le nom de pénicilline. L’application thérapeutique de la pénicilline ne put être réalisée qu’à la suite des travaux de Chain et de ses collaborateurs à Oxford, et des travaux américains qui conduisirent à la préparation industrielle de cet antibiotique.

Les premières pénicillines, dont l’utilisation remonte à la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais qui ne furent commercialisées en France que quelques années plus tard, étaient constituées par un mélange de corps désignés sous le nom de pénicillines F, G, V, K, I, II, III, IV..., de poids atomiques compris entre 312 et 350, thermolabiles. Ces substances sont constituées par un noyau résultant de la condensation de deux polypeptides, les acides pénaldique et pénicilanique ; ce noyau, azoté et soufré, présente d’une part un radical NH—CO, estérifiable par un reste organique, et d’autre part un radical acide COOH—, estérifiable ou salifiable.

La préparation industrielle extractive de la pénicilline dérive directement des méthodes en usage dans les laboratoires de bactériologie et a servi de modèle à la préparation des autres antibiotiques. Toutefois, en raison de la relative simplicité de la structure du noyau de cette substance et de la facilité de substitutions sur ses radicaux extrêmes, on trouve actuellement de nombreuses pénicillines semi-synthétiques ou synthétiques.

La pénicilline la plus couramment employée est constituée par le sel de potassium ou de sodium de la benzylpénicilline, ou pénicilline G. Elle manifeste ses propriétés antibiotiques principalement vis-à-vis des cocci pyogènes (streptocoques), des Neisseria et du tréponème de la syphilis, à la condition que sa concentration sanguine, ou pénicillinémie, obtenue au moyen d’une dose suffisante, soit maintenue élevée par des injections répétées. L’action de la pénicilline est entravée par la présence d’une enzyme, la pénicillinase, sécrétée par de nombreuses bactéries et qui joue un rôle dans le phénomène de résistance des germes à l’antibiotique. Les travaux des chercheurs ont donc pour but d’introduire en thérapeutique des pénicillines dont l’action procure une pénicillinémie à la fois élevée et prolongée dans le temps (pénicillines « retard », dont le type est la pénicilline procaïne), moins sensibles aux pénicillinases (actives par voie buccale) et efficaces sur le staphylocoque (telle l’oxacilline) ou encore actives sur un vaste spectre microbien englobant les germes « Gram négatifs » (telle l’ampicilline).

L’activité des pénicillines se mesure en unités physiologiques, définies par un étalon international ; étant aujourd’hui des substances définies, elles sont souvent prescrites en poids, par prises de 100, de 250 ou de 500 mg, par exemple.

Les pénicillines ne sont pas toxiques, mais peuvent provoquer des phénomènes allergiques, soit précoces, de type anaphylactique, soit tardifs. À côté des pénicillines, il convient de citer les céphalosporines, de structure comparable, présentes dans les métabolites de Cephalosporum acremonium ; deux sont commercialisées, la céphalotine et la céphaloridine. Ces substances ne sont pas sensibles à la pénicillinase et ne provoquent pas de phénomènes allergiques, même chez les malades ayant été traités à la pénicilline ; en outre, leur spectre bactérien est plus étendu que celui de la plupart des pénicillines.

R. D.


Les savants qui découvrirent la pénicilline


Ernst Boris Chain,

biochimiste d’origine allemande, naturalisé anglais (Berlin 1906). Émigré en 1933 en Grande-Bretagne, il travaille à Cambridge, puis à Oxford. Après la Seconde Guerre mondiale, il enseigne à Rome à l’Istituto Superiore di Sanità, dont il dirige le centre de recherches de microbiologie chimique (1950-1961). En 1961, il devient professeur de biochimie au Collège impérial de science et de technologie de Londres. Il est l’auteur des recherches qui ont abouti à l’isolement de la pénicilline à partir de cultures de Penicillium notatum. Il fit en 1941 l’étude pharmacologique et clinique de la pénicilline.


Sir Alexander Fleming,

bactériologiste britannique (Lochfield, Ayrshire [Écosse], 1881 - Londres 1955). Il travailla et enseigna au St. Mary’s Hospital de Londres. Après avoir découvert l’action inhibitrice du lysozyme (contenu dans les larmes) sur le développement des cultures microbiennes, il constata en 1928 l’action analogue d’une moisissure vulgaire, Penicillium notatum, sur les streptocoques. Il en déduisit qu’une substance diffusible, qu’il nomma pénicilline, était issue du champignon microscopique, mais les moyens dont il disposait à l’époque ne lui permirent pas de procéder à l’extraction de l’antibiotique.


Sir Howard Walter Florey,

pathologiste britannique (Adélaïde, Australie, 1898 - Oxford 1968). Professeur de pathologie à Oxford, il mit au point de 1939 à 1942 la fabrication industrielle de la pénicilline, découverte par Fleming et isolée par Chain. La situation de l’Angleterre, en pleine Seconde Guerre mondiale, ne permettait pas d’assurer rapidement cette fabrication, d’intérêt essentiel pour les combattants. Florey se rendit aux États-Unis pour diriger la mise en route des procédés de culture du pénicillium, d’extraction de l’antibiotique, de contrôle d’activité et de conditionnement, et la pénicilline fut prête pour le débarquement en Normandie de juin 1944.
Chain, Fleming et Florey reçurent conjointement le prix Nobel de physiologie et de médecine en 1945 pour leurs travaux.

 H. L. Hirsh et L. E. Putnam, Penicillin (New York, 1958).