Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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pêche maritime (suite)

La géographie des installations et des mouvements créés par la pêche sort complètement modifiée des mutations techniques de ce dernier siècle. La productivité du travail a si prodigieusement augmenté que le nombre des pêcheurs a généralement décru. Les littoraux à genre de vie marin se reconvertissent vers les activités touristiques, ou se vident. La pêche est le fait de ports importants, bien équipés et qui reçoivent, expédient ou conservent des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de tonnes de poisson tous les ans. Si le nombre de marins a diminué, la pêche demande plus de services qu’autrefois : il faut un personnel scientifique pour améliorer les techniques, un système commercial pour écouler les prises, un équipement industriel pour construire et pour entretenir les bateaux. Les côtes d’Europe, d’Amérique du Nord, du Japon voient donc la pêche se concentrer dans un petit nombre de centres. Le monde sous-développé évolue à son tour : des flottes modernes se créent ici ou là, et la concentration s’esquisse.

La géographie de la pêche présente donc des traits tout à fait particuliers : c’est une activité de cueillette, mais une cueillette industrialisée, si bien qu’on y voit se renforcer les déséquilibres et les polarisations qui marquent toujours l’avènement des productions de masse.

P. C.

 F. Doumenge, le Japon et l’exploitation de la mer, numéro spécial du Bulletin de la Société languedocienne de géographie (1961) ; Géographie des mers (P. U. F., coll. « Magellan », 1965). / J. Besançon, « Géographie de la pêche » dans Géographie générale (Gallimard, « Encycl. de la Pléiade », 1966). / A. Boyer, les Pêches maritimes (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1967). / The Ocean, numéro spécial de Scientific American (1969).

péché

Pour un croyant, transgression de la loi divine. Le même mal ou malheur peut être vécu par celui qui en est responsable de façon très différente suivant qu’il le perçoit comme sentiment instinctif de culpabilité, comme infraction à ce qui est défendu, comme transgression à la Loi, comme faute morale ou comme péché.



La notion de péché

L’impression spontanée de désaccord, de désharmonie peut fort bien rester subconsciente : elle n’en provoque pas moins un malaise, une angoisse obscurément ressentie. Freud explique ce « sentiment de culpabilité » par l’« état de tension qui existe entre le moi et le moi idéal ; il est l’expression d’une condamnation du moi par le sur-moi ». Aujourd’hui, la sociologie ajoute que cette impression peut naître aussi du simple fait que l’on s’écarte des « conduites du groupe ».

Que cette réaction encore instinctive émerge dans la conscience, elle pourra être critiquée par la raison et reprise en charge librement. On se trouvera devant une faute dont la gravité peut être délimitée, le degré de culpabilité précisé (du moins dans la mesure de notre lucidité critique), et la responsabilité assumée. C’est le mea culpa, suivi du « ferme propos de réparer le mal commis ».

La notion du permis et du défendu, et de son infraction, serait, à en croire les psychologues de l’enfance, la toute première étape, encore instinctive, de la formation de la conscience morale. Au contraire, il faut avoir saisi l’autorité de la Loi (qu’elle s’impose comme l’expression des « lois » de la nature ou comme la volonté d’un pouvoir législatif, suivant l’occasion auguste et sage ou tyrannique et contestable) pour la transgresser sciemment et délibérément. Peut-être d’ailleurs à bon droit, comme il arrive à Antigone.

De même qu’il n’y a de faute morale que devant une conscience, et de transgression que devant une loi reconnue pour telle, il n’y a de péché qu’au regard d’un croyant et, par conséquent, différemment suivant la religion qui est la sienne.

Ainsi pour un chrétien, du fait de Jésus-Christ, les relations de l’homme avec Dieu et avec ses frères sont devenues si intimes et universelles que toutes ses actions, bonnes ou mauvaises, prennent une portée nouvelle, incommensurable. Tout ce qui va contre cette « communion » pèche contre la charité. Tout ce qui infirme ou contredit les clauses de cette « Alliance » est péché d’infidélité, « adultère » dénoncé comme tel par les prophètes d’Israël.

Mais de même que la foi ne détruit pas la raison — pas plus que la charité ne remplacerait la conscience morale, et pas plus que l’âge adulte n’exclut les réactions infantiles —, de même le chrétien peut fort bien conjuguer, dans l’appréciation de ses actes, leurs aspects de péché, de transgression, de faute morale, voire y joindre des sentiments inconscients de culpabilité. Non seulement les conjuguer, mais les confondre, et prendre par exemple une angoisse morbide et envahissante comme le scrupule pour sens authentique du péché. D’autant que la conscience morale peut encore aggraver la situation. La « mauvaise conscience » est en effet si difficile à supporter que l’on usera de tous les subterfuges pour se procurer un certificat d’innocence. C’est l’origine psychologique du « pharisaïsme », dans ce qu’il a d’universel.


L’attitude chrétienne face au péché

Le chrétien ne s’étonne pas de ces perversions du sens du péché. Il trouve définie dans l’Évangile la véritable sagesse.

• Cette perversion n’est que trop prévisible : « Quiconque fait le mal fuit la lumière et s’aveugle lui-même. » C’est bien pour quoi nous avons besoin de « prophètes » qui viennent, comme Nathan fit à David adultère et meurtrier d’Uri, nous révéler notre péché, pour nous inciter à la pénitence* (II Samuel, xi-xii).

• Ne pas minimiser le mal, ni le péché (Isaïe, v, 20). Il peut être grave et même « mortel » (I Corinthiens, vi, 9-10 ; Galates, v, 21 ; I Jean, v, 16). Le nier d’ailleurs serait refuser que nous ayons la liberté de décider notre destinée pour ou contre Dieu. Aujourd’hui, on ne détermine plus le péché seulement comme un acte ponctuel contraire à la loi de Dieu ou de notre nature, mesuré par la seule importance du mal et par le degré de conscience et de consentement de celui qui l’a commis (bref, par ce qui permet de juger de la gravité de la faute au point de vue moral). On doit tenir compte aussi du rôle de cet acte dans l’orientation même de notre existence. Tant que notre « projet fondamental » reste tourné vers Dieu, l’Alliance et la charité, comment un écart, si imposant et volontaire soit-il, pourrait-il causer cette mutation de notre éternelle destinée, que serait par définition tout péché véritablement « mortel » ?