Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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particules élémentaires (suite)

On peut y associer l’étrangeté, bien que non conservée dans les interactions faibles. La nécessité de ce nombre quantique s’est imposée à M. Gell-Mann pour expliquer les paradoxes soulevés par la production intense de nombreuses « particules étranges » : qu’il s’agisse de fermions, les « hypérons », ou de bosons, les « mésons étranges », ces particules ne sont jamais produites isolément, mais deux ou plusieurs à la fois — c’est le processus de la « production associée » —, et, si l’intensité de leur production montre bien que ce sont des hadrons, elles ne se désintègrent pourtant jamais par interaction forte, mais, comme le prouvent leurs vies moyennes relativement longues (10–8 à 10–10 s), toujours par interaction faible (sauf le cas de Σ0 → Λ + γ, qui est une désintégration par interaction électromagnétique), soit que les produits de la désintégration soient tous des hadrons, par exemple Σ+ → p + π0, soit qu’on y trouve aussi des leptons, comme dans Il faut donc qu’une loi de conservation, violée seulement par les interactions faibles, interdise la désintégration des particules étranges : c’est la conservation de l’étrangeté S, souvent présentée sous l’aspect de l’hypercharge Y = B + S. On établit une correspondance entre les multiplets de charges des particules étranges et non étranges en reliant le formalisme du spin isotopique à celui de l’étrangeté.


Le spin isotopique

Les symétries SU (2) et SU (3). On sait que, pour rendre compte du principe de l’indépendance de charge dans les forces nucléaires, on introduit un opérateur vectoriel, le spin isotopique, ou isospin, I, dont la troisième composante Iz caractérise l’état de charge électrique de la particule. La conservation de ce nombre quantique est assurée par la symétrie du spin isotopique, qui est celle du groupe SU (2). La relation de Gell-Mann et Nishijima permet d’établir la correspondance entre les multiplets de particules. Si, de plus, on considère les supermultiplets associés aux diverses valeurs de S, pour une valeur de B, on est amené, avec Gell-Mann, à un modèle d’octet pour les hadrons, traduisant l’application aux interactions fortes du groupe de symétrie SU (3). Le tableau I dresse la liste des principaux hadrons groupés dans un octet et un décuplet de baryons et dans un octet de mésons.

La conservation du spin isotopique et de l’étrangeté dans les interactions fortes (S et Iz sont aussi conservés dans les interactions électromagnétiques) permet de comprendre pourquoi sont interdites des réactions comme :
alors que sont permises les réactions :

Certaines désintégrations de particules étranges sont, de plus, interdites par la règle de sélection ΔS = ΔQ, posée par R. P. Feynman et Gell-Mann pour les hadrons, telle

alors que

est autorisée.

La classification selon SU (3) admet aussi, parmi beaucoup d’autres, l’existence d’une famille de mésons ayant les mêmes nombres quantiques que le photon 1 : les mésons vecteurs, qui jouent un rôle important dans les interactions électromagnétiques. Prédits dès 1957 par Y. Nambu à partir des propriétés de la diffusion électron-proton, ces mésons furent observés pour la première fois en 1961. Leur production est un processus capital dans les interactions observées dans les anneaux de collision e – e+. Les trois principaux sont le méson ρ (masse 760 MeV), le méson ω et le méson φ. Récemment, on a mis en évidence un méson ρ′ de masse voisine de 1,6 GeV, se désintégrant en 10–24 s.


Structure des particules

La diffusion de particules-projectiles sur une particule-cible s’est constamment révélée comme le moyen de faire apparaître des structures internes à la cible. Il y a une progression régulière dans notre connaissance de la structure interne de la matière en partant de l’expérience de J. Franck et G. Hertz, où des électrons de 120 eV étaient diffusés sur des molécules d’hélium ou d’hydrogène, en passant par l’expérience de Rutherford de diffusion des particules alpha sur les atomes (permettant de déceler les noyaux) jusqu’à l’expérience de « diffusion inélastique profonde » sur l’hydrogène, où des faisceaux d’électrons d’énergie allant jusqu’à 20 GeV produits à l’accélérateur linéaire du centre de Stanford ont permis en 1970 de mettre en évidence la « structure granulaire » du proton.


Les quarks

En fait, la théorie prédisait cette structure, car, selon les propriétés de SU (3), il existe une représentation fondamentale constituée de trois particules à partir de laquelle on peut constituer toutes les autres. Gell-Mann a donné en 1964 à ces trois particules le nom de quarks (emprunté à James Joyce) ; ce sont des fermions de spin 1/2, avec des nombres quantiques fractionnaires, notamment la charge électrique, ce qui constitue leur grande originalité. Ces nombres quantiques, relatifs aux trois quarks notés p, n, λ, sont rassemblés dans le tableau II.

Les mésons sont formés d’un quark et d’un antiquark, couplés entre eux avec un moment angulaire l. Ainsi, le méson π et le méson ρ correspondent au couplage S (l = 0) : l’état 1 S donne l’octet 0, et l’état 3 S (spins parallèles) l’octet 1.

Les baryons sont formés de trois quarks dont les couplages les plus simples redonnent notamment l’octet 1/2+ et de décuplet 3/2+.

On a essayé de mettre en évidence les quarks, reconnaissables à leurs charges électriques fractionnaires. Toutes les tentatives ont, jusqu’à présent, échoué. On a cherché en vain dans le spectre ultraviolet du soleil des raies attribuables à des transitions survenant dans des atomes dont les noyaux contiendraient des quarks. On a établi des limites supérieures du flux de quarks arrivant dans le rayonnement cosmique. On a recherché les quarks dans l’eau de mer et dans des échantillons de roches, où ils auraient pu s’accumuler si un flux de quarks atteignait régulièrement la surface du globe : il y en a moins de 10–24 par nucléon dans l’eau de mer, moins de 5.10–27 par nucléon dans l’air. C’est évidemment auprès des accélérateurs de plus haute énergie que leur recherche a été le plus poussée. Aux anneaux de collision à protons du Cern, la limite supérieure de la section efficace de production de quarks de charge 1/3 a été évaluée à 10–34 cm2 pour une masse des quarks ne dépassant pas 22 GeV.