Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Paris (suite)

Dans l’art religieux, le répertoire des formes italianisantes s’est adapté sans peine aux structures du gothique flamboyant. Ce compromis est illustré avec éclat par la grande église Saint-Eustache, commencée en 1532 sur un plan inspiré de Notre-Dame. Le jubé hardi et léger de Saint-Étienne-du-Mont et le portail latéral de Saint-Nicolas-des-Champs sont les témoins d’un style plus avancé, comme l’était aussi le beau cloître des Célestins. La sculpture religieuse est l’un des titres de gloire de la Renaissance parisienne. P. Lescot et J. Goujon avaient collaboré au jubé de Saint-Germain-l’Auxerrois, dont le musée du Louvre conserve les bas-reliefs. Germain Pilon* est le grand nom de la sculpture funéraire, grâce à la statue de bronze du cardinal de Birague et au monument du cœur d’Henri II (1561), provenant du couvent des Célestins (Louvre). Enfin, Saint-Gervais, Saint-Germain-l’Auxerrois, Saint-Étienne-du-Mont conservent des vitraux éclatants de la même période.


De l’avènement d’Henri IV à la mort de Mazarin

Après les désordres des guerres de Religion, le règne d’Henri IV offre le spectacle d’une vive activité. Les travaux de l’Hôtel de Ville et du Pont-Neuf furent menés à terme. Le roi, grand bâtisseur, apporta ses soins au Louvre (construction de la Grande Galerie) et aux Tuileries. L’accroissement des palais royaux continuait l’œuvre de la Renaissance ; d’autres grands chantiers ouverts par Henri IV commencèrent à modeler le Paris moderne. En 1607 était entrepris le vaste quadrilatère de l’hôpital Saint-Louis. Des opérations d’urbanisme apportèrent un ordre qu’ignorait la topographie confuse de la ville médiévale. On leur doit principalement les deux ensembles réguliers de la place Dauphine, triangle s’ouvrant à la pointe de la Cité sur le Pont-Neuf, et de la place Royale (auj. place des Vosges), l’une et l’autre bordées d’habitations uniformes. La seconde, la mieux conservée, dessine un grand carré avec une galerie régnant au bas de ses pavillons aux toits discontinus. Elle fut terminée au début du règne de Louis XIII et reçut en son centre la statue équestre de ce roi (remplacée au xixe s.). Le succès de la place Royale devait profiter au Marais. Ces ensembles consacraient la vogue de la construction en brique et pierre, adoptée aussi au palais abbatial de Saint-Germain-des-Prés.

Devenue régente, Marie de Médicis fit établir par Salomon de Brosse (v. 1571-1626) les plans de son palais dit « du Luxembourg », dont la cour rectangulaire est fermée sur le devant par une aile basse au milieu de laquelle un pavillon à dôme abrite l’entrée. Pour l’une des galeries latérales, Rubens* peignit, à partir de 1622, la suite fameuse des tableaux célébrant la vie de Marie de Médicis (auj. au Louvre).

Pour Louis XIII, Jacques Lemercier (v. 1585-1654) entreprit en 1624 le quadruplement de l’ancienne cour Carrée du Louvre. Au nord et dans l’alignement de l’aile François Ier, il éleva une aile d’ordonnance analogue et, pour les relier l’une à l’autre, le pavillon dit « de l’Horloge ». À peu de distance du Louvre, le même architecte édifia pour Richelieu, de 1633 à 1639, le vaste édifice appelé alors Palais-Cardinal (plus tard Palais-Royal). Il n’en reste, dans les bâtiments actuels, que la galerie dite « des Proues ». Philippe de Champaigne* avait travaillé à la décoration intérieure.

Cette époque a connu un grand essor de la construction privée. L’hôtel parisien a généralement son corps principal entre cour et jardin, la cour étant fermée sur les côtés par des ailes, sur le devant par un mur plus bas au milieu duquel s’ouvre le portail. Les pièces sont encore mal différenciées, à l’exception des galeries, dont la vogue est grande ; mais leurs lambris, leurs plafonds peints, sculptés et dorés composent souvent un décor somptueux. Beaucoup d’hôtels furent élevés dans le voisinage du Louvre et du Palais-Royal. S’il ne reste rien des hôtels de Rambouillet, de Chevreuse, rien de l’hôtel de Bullion, où Simon Vouet* s’était mesuré avec Jacques Blanchard, l’hôtel de Chevry ou Tubeuf, élevé en 1633 par Pierre Le Muet (1591-1669), subsiste avec l’aile que Mazarin fit ajouter en 1645 par François Mansart* et qui contient deux galeries superposées, peintes par Giovan Francesco Grimaldi et Gian Francesco Romanelli (auj. Bibliothèque nationale). Mais deux quartiers restent particulièrement riches en demeures de cette époque : le Marais et l’île Saint-Louis. Dans le Marais, il faut citer : l’hôtel de Sully, élevé à partir de 1624 par Jean Ier Androuet Du Cerceau (1585-1649), avec une opulente décoration de bas-reliefs ; l’hôtel d’Avaux (1640), œuvre de Pierre Le Muet ; l’hôtel Carnavalet, tel que le remania vers 1655 F. Mansart, qui bâtit en même temps l’hôtel de Guénégaud et acheva l’hôtel d’Aumont, commencé par Le Vau* ; l’hôtel Aubert de Fontenay (1656), au magnifique escalier ; l’hôtel Amelot de Bisseuil (v. 1657), dont la galerie est peinte par Michel II ou Jean-Baptiste Corneille. Œuvre d’Antoine Lepautre*, l’hôtel de Beauvais (1655) fait exception par son corps de logis sur rue et la forme mouvementée de sa cour. Dans l’île Saint-Louis, aménagée par l’entrepreneur Jean-Christophe Marie à partir de 1614, on déplore la disparition de l’hôtel de Bretonvilliers, dont la galerie était peinte par Sébastien Bourdon* ; mais deux hôtels bâtis par Le Vau à partir de 1640 sont à remarquer : l’hôtel Lambert, de plan original, avec son jardin en terrasse le long de la galerie où des stucs de Gérard Van Obstal accompagnent les peintures de Le Brun* ; l’hôtel Lauzun, avec ses somptueux lambris dorés et polychromes.

L’art de cette époque traduit aussi un grand élan religieux. Il y eut beaucoup de fondations d’églises, de couvents, d’hôpitaux. L’architecture hésite entre la grandeur du baroque romain, l’opulence du style flamand et une sévérité plus particulièrement française. Saint-Étienne-du-Mont s’achève entre 1610 et 1626 par une façade mouvementée et pittoresque, tandis que celle de Saint-Gervais, élevée de 1616 à 1621, superpose les trois ordres dans un esprit de pureté classique. On retrouve le même parti, sous une ornementation plus généreuse, à la façade des Jésuites (auj. Saint-Paul-Saint-Louis). L’austérité, par contre, caractérise Sainte-Élisabeth, Notre-Dame-des-Victoires, Saint-Jacques-du-Haut-Pas, Saint-Nicolas-du-Chardonnet, églises commencées à cette époque. Lemercier, auteur des plans de l’Oratoire et de Saint-Roch, reconstruit pour Richelieu l’église de la Sorbonne (1635), dont la coupole est habilement intégrée au dessin de la façade et qui abrite depuis 1694 le tombeau du cardinal par Girardon. Promoteur du style classique, F. Mansart dessine en 1632 le beau volume arrondi de la Visitation (auj. temple Sainte-Marie), au Marais. Il commence en 1645 l’église du vaste monastère du Val-de-Grâce, fondation d’Anne d’Autriche : avec plus d’élancement et plus d’opulence à la fois, c’est un nouvel exemple d’intégration de la coupole à la façade. Divers architectes collaboreront à Saint-Sulpice, construite à partir de 1646 dans un genre sobre et grandiose. Enfin, Lepautre élève en 1648 le monastère parisien de Port-Royal.