Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Paris (suite)

C’est cette étroitesse d’esprit qui a présidé au lancement de modestes réalisations. Une voie transversale aux rues Saint-Denis et Saint-Martin et joignant le Marais aux Halles s’était avérée depuis longtemps indispensable. On perce donc la rue Rambuteau, mais en limitant sa largeur à 13 mètres. L’Hôtel de Ville s’agrandit, il est dégagé à son chevet, du côté de Saint-Gervais. D’affreuses ruelles (du Tourniquet-Saint-Jean, de la Levrette, du Martroi) disparaissent dans la rue de Lobau. Plus loin, on applique consciencieusement une suggestion du plan des Artistes en ouvrant la rue du Pont-Louis-Philippe, qui va joindre désormais la rue Saint-Antoine, branche orientale de la croisée de Paris, aux quais et aux îles. Mais la façade du Boccador s’ouvre toujours sur les taudis cernant la place de Grève, et, dans la Cité, l’assainissement s’est limité à l’ouverture des rues d’Arcole et de Constantine. Les gares se multiplient : embarcadère de Saint-Germain (1837), de l’Ouest (1839), d’Orléans (1843), de Strasbourg (1845), du Nord (1846). Celui de Lyon sera achevé après 1848.

Or, aucune grande voie ne les dessert, et leurs dégagements sont inexistants : la rue du Havre n’est qu’un tronçon, et la gare de l’Est butte contre des pâtés d’immeubles. En matière de circulation, le préfet ne consent d’efforts que pour aménager les voies qui ne nécessitent ni expropriations coûteuses ni audaces budgétaires. Ainsi, les quais sont prolongés et les boulevards nivelés, voire précautionneusement élargis. On achève les monuments commencés sous les régimes précédents : Notre-Dame-de-Lorette en 1836, la Madeleine en 1842, Saint-Vincent-de-Paul en 1844 et surtout l’arc de l’Étoile, qui reçoit sa décoration. L’apport de Rambuteau aux embellissements de la capitale se limitera modestement aux fontaines publiques, discrètes et peu coûteuses. C’est seulement dans les dernières années de la monarchie de Juillet que, sous la pression des faits, on se décide à réaliser les travaux les plus urgents. Le préfet fait voter au conseil municipal le principe d’un emprunt de 25 millions destinés à réaliser l’élargissement des grands axes nord-sud (rue Saint-Denis, rue de la Harpe), le prolongement de la rue de Rivoli et l’aménagement sur place des Halles centrales, suivant un projet de V. Ballard et F. E. Callet. On a trop attendu, la révolution éclate.

Claude Philibert Barthelot, comte de Rambuteau

Préfet de la Seine de 1833 à 1848 (Mâcon 1781 - Champgrenon, près de Charnay-lès-Mâcon, 1869).

D’une famille de gentilshommes bourguignons, il est préfet du Simplon (1811), puis de la Loire (1814) et administre pendant les Cent-Jours les départements de l’Aude et de l’Allier. Député de Saône-et-Loire en 1827, il signe en 1830 le manifeste des 221. Il se retire de la vie publique après février 1848.

Victor Baltard

(Paris 1805-id. 1874). Fils de l’architecte-graveur Louis Pierre Baltard (1764-1846), qui avait été l’auteur d’un plan d’agrandissement des Halles en 1808. Prix de Rome en 1833. Inspecteur des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Les hautes protections dont il bénéficia constamment (Gabriel Delessert, le préfet de police de la monarchie de Juillet, puis Louis Napoléon) lui permirent d’écarter de nombreux concurrents, en particulier Hector Horeau, un des pionniers de l’architecture moderne. Ce dernier prévoyait sous les Halles une gare souterraine. Mais Baltard réussit à imposer ses projets, qui, tantôt classiques, tantôt novateurs, avaient surtout l’avantage de répondre en tous points aux désirs des maîtres de l’heure. On lui doit également l’église Saint-Augustin, élevée à partir de 1860.


La IIe République

L’insurrection victorieuse de février 1848 comme l’insurrection vaincue de juin renouent avec la tradition : l’Hôtel de Ville retrouve son rôle de centre du pouvoir populaire et révolutionnaire, que les combattants se fixent comme objectif dès les premières heures du soulèvement. La topographie politique se détache encore plus nettement qu’auparavant. À l’ouest de la rue Saint-Denis et de la rue Saint-Jacques, l’ordre ; à l’est, la révolution. Tandis que les institutions monarchiques sont balayées, la Maison commune est le siège du Gouvernement provisoire jusqu’au 11 mai. Le 24 février 1848, L. A. Garnier-Pagès devient maire de Paris. Il le reste jusqu’au 11 mars, date de son remplacement par Marrast. En fait, « cette dictature dans la dictature » (A. Merruau), qui rappelle l’épopée de la commune jacobine, sera éphémère. La mairie de Paris est supprimée le 19 juillet, la préfecture rétablie. La république — éphémère elle aussi — n’apportera pas à la capitale le statut libérateur auquel certains aspiraient, pas plus que les allégements fiscaux, en particulier la suppression de l’octroi, qu’exigeaient les classes populaires. La crise financière interdit d’appliquer le décret du 3 mai sur l’achèvement du Louvre et de la rue de Rivoli. Paris va retomber rapidement sous la tutelle du gouvernement central.

Déjà, le 3 juillet 1848, la ville avait reçu un statut provisoire. Le chef du pouvoir exécutif, en l’occurrence L. E. Cavaignac, nommerait une commission municipale dont les membres étaient désignés. Le 20 décembre, dès son entrée en fonction, Louis Napoléon Bonaparte, président de la République, choisit le nouveau préfet de la Seine, Jean-Jacques Berger. Cet ancien maire du 2e arrondissement, avocat et député du Puy-de-Dôme, est entièrement acquis aux prudentes traditions de ses prédécesseurs en matière d’urbanisme, que semble justifier une situation financière peu brillante. Des mesures d’urgence s’imposent pourtant, rendues nécessaires par les événements de juin 1848 et le retour du choléra en 1849. Après d’âpres discussions commencent en 1850 les travaux de dégagement de la place de Grève et de la gare de Lyon. Le projet Baltard qui prévoyait 9 pavillons entre la Halle au blé et le marché des Innocents est adopté, et Louis Napoléon inaugure le 15 septembre 1851 le premier de la série, lourde et disgracieuse bâtisse en pierre installée à la pointe Saint-Eustache et qui sera bientôt abattue.