Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Paris (suite)

En raison de leur importance, ces deux directions fondamentales déterminent le plan de la ville de Lutèce, que les Romains reconstruisent dans la première moitié du ier s. apr. J.-C. en la dédoublant, puisqu’ils en transfèrent le centre de l’île de la Cité aux pentes de la montagne Sainte-Geneviève, située à 500 m plus au sud sur la rive gauche de la Seine. Le cardo de Lutèce, qui est marqué par l’actuelle rue Saint-Jacques, incorpore en effet la portion urbaine de la route de Genabum (Orléans), tandis que son decumanus, qui correspond soit à la rue Cujas, soit à la rue des Écoles, est approximativement parallèle à la Seine. À l’intérieur du quadrilatère ainsi défini, une ville typiquement romaine par ses monuments surgit. Le plus significatif est le forum édifié à l’intersection du cardo et du decumanus, sur l’emplacement de l’actuelle rue Soufflot ; entouré de boutiques, il comporte au centre un temple officiel et une basilique civile où est rendue la justice. Cinq autres constructions parachèvent la romanisation de l’agglomération : les trois thermes — ceux du sud, à l’angle des actuelles rues Gay-Lussac et Victor-Cousin, ceux de l’est, sur l’emplacement du Collège de France, et ceux du nord, sur celui du musée de Cluny (100 m sur 60) ; le petit théâtre, bâti là où s’élève aujourd’hui le lycée Saint-Louis ; l’amphithéâtre, construit sur le site de l’actuel square des Arènes et bientôt pourvu d’une scène qui en fait un théâtre-amphithéâtre ; l’aqueduc d’Arcueil, enfin, qui alimente en eau l’agglomération.

Lutèce compte à l’époque du Haut Empire environ 15 000 habitants, dont la survie est conditionnée par l’essor d’un commerce surtout fluvial et entièrement contrôlé par la corporation des nautes (nautae parisiaci). Celle-ci est assez riche pour financer la construction, sur la rive gauche de la Seine, des thermes de Cluny et, dans l’île, d’un monument votif élevé en l’honneur de Jupiter, qui associe les dieux celtes aux dieux romains.

Lutèce

Que ce terme soit dérivé, par contraction, de Loukotekia, employé par Strabon, ou qu’il ait servi à dénommer la montagne Sainte-Geneviève, site de la ville du haut Empire romain, le nom de Lutèce, sous la forme Lutetia, paraît être un toponyme celtique définissant un état palustre.


La crise du Bas Empire : de Lutèce à Paris

Au iiie s., Lutèce est victime des invasions germaniques ; elle se replie dans l’île, transformée en citadelle (castellum) d’une dizaine d’hectares par un rempart édifié avec les pierres des bâtiments de la rive gauche parallèlement aux berges du fleuve, qu’enjambent deux ponts de bois dans l’axe des actuelles rues Saint-Jacques et Saint-Martin. C’est alors que la ville prend le nom de son peuple, Paris, tandis que le castellum, accaparant celui de la civitas, devient la Cité. À l’ouest de l’île se situe le Palais, où Julien réside durant l’hiver 357-58 et où il se fait proclamer Auguste en 360, ainsi qu’en témoignent les découvertes archéologiques réalisées en 1965 sous le parvis de Notre-Dame, qui prouvent notamment que la Cité est alors le siège de l’administration régionale et militaire du nouvel empereur. Le quartier « intra-muros » apparaît donc comme une ville romaine et païenne, par opposition au quartier hors les murs, où s’épanouissent les premières communautés chrétiennes depuis la mission évangélisatrice au iiie s. du Grec Dionysios (saint Denis), à la légende duquel est rattaché tardivement un lieu saint du paganisme : le Mons Mercurii, rebaptisé Mons Martyrii (« Montmartre ») par nécessité cultuelle.

La christianisation de la population parisienne se marque également par la transformation rapide en cimetière chrétien de la nouvelle nécropole de Lutèce ouverte à l’extrême fin du ive s. aux abords du gué de la Bièvre sur la route de Sens et de Rome. Après l’inhumation de saint Marcel, évêque de Paris à la fin du ive s. ou au début du ve, ce cimetière prend le nom du défunt, ainsi que la collégiale qui y est alors édifiée.

Pourtant, la majeure partie de la communauté chrétienne se trouve concentrée dans des quartiers plus densément peuplés, où a dû être édifiée la cathédrale Saint-Étienne, la senior ecclesia mentionnée par Grégoire de Tours ; celle-ci peut être identifiée à Saint-Étienne-des-Grès, située sur la rive gauche à l’emplacement du cardo et en face du forum (hypothèse de Michel Roblin), à moins qu’elle n’ait été construite au plus tôt au début du ive s. dans le quartier alors résidentiel de la Cité à l’emplacement de Notre-Dame (hypothèse de Jacques Dubois), là où a été découvert en 1965 le mur de façade de la cathédrale Saint-Étienne, seule basilique d’époque mérovingienne à cinq nefs dans l’Occident barbare, exception faite de l’Italie. Dès lors, le destin de Paris s’identifie à celui de sa communauté chrétienne, animée notamment au ve s. par l’évêque saint Germain d’Auxerre et par la vierge qu’il a consacrée à Dieu : sainte Geneviève. L’influence de celle-ci permet à la ville de supporter moralement en 451 les affres de l’invasion hunnique et de prévenir les risques alimentaires du blocus auquel Clovis la soumet au lendemain de la bataille de Soissons.


La formation de la ville médiévale


L’époque franque

Paris est la résidence la plus fréquente de Clovis et de ses successeurs, qui en font la capitale de la Gaule franque dès le début du vie s. La ville est neutralisée en 567 lorsque la mort de Charibert entraîne un nouveau partage du regnum Francorum entre ses trois frères, Sigebert, Gontran et Chilpéric. Mais sa situation au cœur de la Neustrie attire d’autant plus vers elle les souverains mérovingiens que ces derniers possèdent dans le pagus parisiensis de nombreux fiscs agricoles et forestiers qui leur permettent à la fois de chasser et de ravitailler leur « palais itinérant » : Palaiseau, Chelles, Gentilly, Rueil, Luzarches, etc. Aussi les rois fondent-ils à Paris de nombreuses abbayes très richement dotées en terres, dont les plus célèbres sont celles de Saint-Denis, de Sainte-Geneviève et de Saint-Germain-des-Prés. Sainte-Geneviève est établie au cœur de la ville romaine du Haut Empire. Saint-Germain-des-Prés, fondée au vie s. par Childebert Ier sous le nom de Saint-Vincent, appartient à cette couronne de monastères qui ceinturent Paris et qui suscitent l’apparition, à proximité de leurs bâtiments, de bourgs, bientôt qualifiés de faubourgs : Saint-Médard, Saint-Marcel, Saint-Victor sur la rive gauche ; Saint-Gervais, Saint-Pierre, Saint-Germain-l’Auxerrois et surtout Saint-Martin-des-Champs sur la rive droite. En même temps apparaissent dans la ville de nombreux lieux de culte : la cathédrale Saint-Étienne, dont l’existence est attestée dès 690 dans l’île de la Cité ; les basiliques situées surtout sur la rive gauche (Saint-Julien-le-Pauvre, Saint-Séverin, Saint-Serge-Saint-Bacche, Saint-Symphorien, Notre-Dame-des-Champs) et aussi sur la rive droite (Saint-Gervais-Saint-Protais).