Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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parapsychologie (suite)

La parapsychologie actuellement

La parapsychologie continue de se heurter à un double problème. Avant celui de l’explication des phénomènes paranormaux, il reste en effet celui de leur authenticité.


Le problème de l’authenticité des phénomènes paranormaux

Il ne s’agit pas seulement de convaincre certains esprits particulièrement tatillons, chagrins ou étroits qui refusent systématiquement leur adhésion à tout ce qui semble dépasser la « raison » et le « normal ». En fait, il y a plus d’une raison sérieuse de douter.

• Le charlatanisme. La première tâche des grands parapsychologues fut de démasquer les imposteurs (tel Richard Hodgson). On a pu dire que 999 médiums sur 1 000 falsifiaient les expériences, et l’histoire ne compte que deux exceptions : Daniel Dunglas Home et Rudi Schneider. Mais le fait que tous les médiums trichent à un moment ou à un autre ne doit pas faire oublier qu’ils sont capables de déclencher des phénomènes réellement inexplicables. On peut se demander même dans quelle mesure il n’y a pas une sorte de continuité entre la production de phénomènes paranormaux et le truquage, plus ou moins conscient d’ailleurs, comme si le médium suppléait momentanément à sa défaillance, et peut-être pas seulement pour tromper son monde... En ce sens, un des exemples les plus caractéristiques est celui de l’Italienne Eusapia Palladino (1854-1918) : elle fut, à partir de 1892, un des plus intéressants sujets d’étude pour les parapsychologues. C’était une paysanne complètement inculte. On constata, lors de presque tous les contrôles sérieux qu’elle eut à subir, qu’elle parvenait à libérer soit une main, soit une jambe ou encore qu’elle déplaçait des objets légers en se servant d’un cheveu qu’elle arrachait de sa tête, comme d’un lasso. Pourtant, des chercheurs fort sérieux affirment qu’Eusapia truquait uniquement lorsqu’elle était dans l’incapacité de produire par d’autres moyens le phénomène attendu.

L’accusation de fraude, certes, plane sur toute la parapsychologie, mais elle ne suffit pas à faire nier l’existence du paranormal ; la parapsychologie apparaît plutôt comme une sorte de prolongement dans un monde qui s’apparente à la magie et où il est parfois peut-être primordial que les phénomènes se produisent, quelle que soit la manière dont ils se produisent...

• Le subjectivisme. La difficulté consiste en ce que les expériences réclament des conditions telles qu’il semble impossible d’y assister en observateur impartial et impassible. Dans l’expérience de table tournante, l’observateur principal, dans la mesure où il intime à la table l’ordre de se soulever, participe activement à l’expérience, et ce non seulement avec sa volonté consciente, mais avec des forces beaucoup plus primaires et inconscientes. Il est certain, par exemple, qu’à cet instant il doit exister une relation affective très forte entre le narrateur et le médium, qui est l’agent déterminant du phénomène de télékinésie. Autrement dit, les expériences parapsychologiques sollicitent les personnes présentes à un niveau fortement affectif et imaginatif.

On pourrait presque soutenir que, même lorsque le médium n’est pas apparemment hypnotiseur, ceux qui assistent à une expérience de cet ordre sont dans un état de quasi-hypnose, c’est-à-dire un état où tout devient possible, parce que, même si on ne le veut pas, on le désire.

Les travaux les plus sérieux de la parapsychologie font tous un effort pour tourner cette difficulté.

• État d’exception mais non êtres d’exception. Un pas décisif a été fait dans le sens de la science et du dépassement de la subjectivité le jour où l’on a admis que les phénomènes paranormaux n’étaient pas le fait de quelques êtres supranaturels (les médiums), mais que tout être humain possédait peu ou prou des pouvoirs paranormaux qui, dans certains états (somnambulisme, folie, etc.), pouvaient s’actualiser. Le médium, dans cette perspective, n’apparaît plus alors que comme un être dont l’état « exceptionnel » (la transe de la pythie) se prolonge ou se renouvelle, soit parce qu’il est spécialement doué (comme d’autres le sont pour courir ou dessiner), soit parce qu’il assume ainsi son rôle social.

• Hasard et paranormal. C’est à l’Américain Joseph Banks Rhine (né en 1895), professeur à l’université de Duke, qu’il revient d’avoir eu l’idée simple, mais lumineuse, d’appliquer les méthodes statistiques à l’étude de la parapsychologie.

Son idée maîtresse était précisément que chaque être humain devait avoir au moins un embryon de clairvoyance, de télépathie, etc. Il chercha une méthode susceptible de le déceler. Voici le principe des tests qu’il mit au point à l’université de Duke, aidé de son épouse Louisa : si l’on présente à un sujet quelconque cinq cartes bien différentes, en lui demandant de désigner laquelle va sortir, il a une chance sur cinq de tomber juste. Si l’expérience est réalisée des milliers de fois, la somme totale des réponses doit comporter en moyenne une réponse correcte pour quatre erreurs. Plus l’expérience est répétée, plus on se rapproche du rapport 1/5, qui obéit docilement aux lois du hasard.

Maintenant, si au lieu du rapport 1/5, c’est le rapport 1,1 ou 1,2/5 que l’on obtient, les règles du hasard sont transgressées timidement, mais formellement (et ce d’autant plus qu’on reproduit l’expérience des milliers de fois). On peut alors se demander quelle puissance bouleverse à ce point le hasard. Rhine appliqua le même principe tantôt à l’étude de la clairvoyance, tantôt à celle de la télépathie ou même à celle de la télékinésie.

L’ambition de Rhine est modeste, certes, lorsqu’il se borne à dire : « Il y a quelque chose [...] » Mais elle a le mérite de satisfaire les logiciens et les mathématiciens les plus rigoureux.

• Vérifications télépathiques. Un phénomène paranormal paraît se prêter davantage au contrôle expérimental : c’est la télépathie. Il est en effet possible de fixer l’heure du message et de vérifier la séparation spatiale des êtres en contact. C’est ce qu’a fait l’ingénieur français René Warcollier, président de l’Institut métapsychique international. En quelques séances, il obtint 30 p. 100 de réussite.