Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Arctique (océan) (suite)

Le grand Nord américain

Dans la foulée des grandes expéditions sibériennes, les Russes sont amenés à étudier l’Alaska et les Aléoutiennes dès 1741 avec Georg Wilhelm Steller (1709-1746), un Allemand à leur service. Pendant toute la première moitié du xixe s., ils jouent le rôle essentiel dans la reconnaissance de l’intérieur de cette immense région, qui ne sera rachetée par les États-Unis qu’en 1867 et dont l’exploration méthodique ne sera menée à bien qu’avec la « ruée vers l’or », dans les toutes dernières années du siècle (1896). À l’est des Rocheuses, Alexander Mackenzie (1745-1831) descend le fleuve qui portera son nom en 1789 et atteint les rives de l’océan Arctique. Les côtes qui encadrent l’embouchure de la Coppermine River et celles qui s’allongent à l’ouest du Mackenzie seront explorées par John Franklin (1786-1847) en 1820-21 et en 1825. Mais les régions des confins de l’Alaska et du Canada ne seront vraiment connues que dans la seconde moitié du xixe s.

Quant au Groenland, il n’est traversé qu’en 1888, par Fridtjof Nansen. En 1912, Knud Rasmussen (1879-1933) fait une randonnée de plus de 1 200 km dans la grande île. Le Danois Lauge Koch (1892-1964) s’illustre également par ses explorations de cette région à partir de 1913, et le grand géophysicien allemand Alfred Wegener (1880-1930), qui accompagne ce dernier en 1930, trouve la mort au cœur de l’inlandsis. Enfin, depuis 1948, les expéditions de Paul-Émile Victor ont parcouru sur la calotte glaciaire plusieurs centaines de milliers de kilomètres avec des véhicules à chenilles.


Le passage du Nord-Ouest et l’archipel arctique

L’Anglais Martin Frobisher (1535-1594), le premier, reprend le chemin des Vikings, atteignant le Groenland et le Labrador (1576). Il prétend avoir trouvé le chemin de la Chine, ce qui incite ses compatriotes à monter une grande expédition — comprenant quinze navires — en 1578 ; celle-ci connaît bien des déboires, et c’est avec des moyens beaucoup plus modestes — deux petits bateaux — que John Davis (v. 1550-1605) franchit le détroit auquel sera donné son nom, entre le Groenland et la terre de Baffin (1585) ; en 1587, il dépasse la latitude de 72°. L’infortuné Henry Hudson († 1611), qui sera abandonné par son équipage mutiné, fait une grande découverte, celle de l’immense baie qui limite le Labrador vers l’ouest (1610) ; mais ce n’était pas encore la voie vers l’Orient, comme l’espéraient ses commanditaires. Il faudra la rechercher plus au nord, ce à quoi s’emploient sans succès Robert Bylot et William Baffin (1584-1622), qui parviennent pourtant en 1616 à la latitude du détroit de Lancaster, sans se douter que le passage s’ouvre là. Plus de deux siècles s’écouleront avant qu’un navire s’y engage : en 1818, John Ross (1777-1856) se présente à l’entrée, mais croit que ce n’est qu’un fjord en cul de sac et ne poursuit pas ses recherches. Il sera critiqué par son second, William Edward Parry (1790-1855), qui franchit le long détroit en 1819 et dépasse la longitude de 110° O. Grand pionnier de l’exploration polaire, Parry met aussi au point l’hivernage, organisant les loisirs de la nuit polaire et établissant le régime alimentaire qui permet d’échapper au scorbut. Il ne peut dépasser les parages de l’île Melville et ne progresse guère plus à l’ouest dans son voyage de 1821-1823.

Une nouvelle tentative de John Ross (1829) est encore un échec en ce qui concerne le passage du Nord-Ouest, mais l’extrémité la plus septentrionale du continent américain est découverte avec la péninsule de Boothia. Ces échecs relatifs amènent un arrêt provisoire dans la difficile recherche de l’itinéraire vers l’Orient. Elle reprend avec John Franklin, qui part en 1845 avec l’Erebus et le Terror, emportant cinq années de vivres. Mais on a omis de prévoir des rendez-vous annuels pour donner des nouvelles, et l’on saura simplement, par des baleiniers, que l’expédition s’est bien engagée dans le détroit de Lancaster. Elle devait se diriger vers le sud, en longeant la côte occidentale de la péninsule de Boothia. Aucune nouvelle ne parvient plus à son sujet. Cette disparition mystérieuse engendre un grand nombre d’expéditions de secours, qui vont faire, elles-mêmes, progresser beaucoup la connaissance de l’Arctique. En 1850, sur l’Investigator, Robert McClure (1807-1873), parti de l’océan Pacifique, longe la mer de Beaufort, mais ne peut franchir le détroit séparant la terre Victoria de l’île de Banks. Reparti en juillet 1851, McClure contourne cette dernière et doit encore hiverner sur sa côte nord. En 1852, il effectue un raid vers l’île Melville. En 1853, enfin, une expédition de secours venue de l’est le rejoint. Si l’Investigator doit être abandonné, le passage du Nord-Ouest est reconnu.

Le sort de Franklin n’en restait pas moins obscur. Il faudra attendre 1859 pour que l’expédition de Francis Leopold McClintock (1819-1907) recueille chez les Esquimaux de l’île du Roi-Guillaume quelques objets ayant appartenu à Franklin et un rapport laconique mentionnant la mort du chef de l’expédition en 1847. Pour cinquante années encore, le passage du Nord-Ouest apparaîtra comme à peu près impossible à franchir : enfin, Amundsen*, sur un très petit navire, le Gjøa, réussit à joindre l’Atlantique à la mer de Beaufort, à travers le dédale de l’archipel arctique (1903-1906). En 1944, un navire canadien, le Saint-Roch, franchit le passage en une seule saison. Les possibilités économiques du passage du Nord-Ouest sont enfin révélées en 1969, par l’exploit du gigantesque pétrolier brise-glace Manhattan. Ce navire américain, long de 306 m, a été conçu pour démontrer qu’on pouvait transporter le pétrole des immenses gisements de l’Alaska septentrional vers les grands centres de consommation de l’est de l’Amérique. Recherchant systématiquement les difficultés, il emprunte les détroits de Lancaster, de Melville et du Prince-de-Galles, et joint la Pennsylvanie et la baie de Prudhoe en moins d’un mois.