Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Papillon (suite)

À ces variations s’ajoutent parfois des phénomènes de mimétisme assez surprenants ; l’exemple le plus spectaculaire est offert par les femelles de Papilio dardanus d’Afrique, dont on connaît quarante formes imitant chacune une espèce de Danaïdés habitant le même endroit, non seulement dans l’aspect et la couleur, mais aussi dans le comportement en vol. D’autres Papillons, comme les Sésies et le Sphinx gazé, ressemblent à s’y méprendre à des Hyménoptères (Guêpes, Bourdons) et tirent sans doute avantage de l’imitation d’un modèle armé d’un aiguillon redouté. Quelques espèces se confondent remarquablement avec les éléments inertes sur lesquels elles se posent : rocher, écorce, rameau (homochromie) ; Kallima, de la région indo-malaise, montre des couleurs vives à la face supérieure de ses ailes, mais relève celles-ci en se posant sur une branche, et leur face inférieure imite une feuille avec une telle perfection qu’il devient pratiquement indiscernable.

Durant la seconde moitié du xixe s. apparurent des mutants sombres, parfois noirs, chez quelques espèces à ailes plutôt claires (Biston betularia, Boarmia, Lymantria monacha) ; ces variétés se sont maintenues et ont peu à peu remplacé les formes normales, mais seulement dans les régions urbaines et industrielles de Grande-Bretagne, puis d’Europe continentale et des États-Unis. On n’a pas encore su donner une explication satisfaisante de ce « mélanisme industriel » ; les races sombres échapperaient-elles mieux à leurs prédateurs que les races claires dans les zones enfumées ?

Les ailes subissent également des variations de forme (ailes profondément échancrées des Ptérophoridés et des Ornéodidés, appendice des ailes postérieures d’Attacidés exotiques) ; les écailles manquent parfois, laissant directement apparaître la membrane (Sésies) ; chez quelques groupes (Psychidés, Hibernia, etc.), les femelles ont des ailes réduites ou sont complètement aptères.

Un dispositif d’accrochage rend solidaires les ailes antérieures et postérieures pendant le vol. Celui-ci n’est pas toujours aussi capricieux et incertain que celui des Piérides et Vanesses, hôtes fréquents des jardins et des prés. Beaucoup de Papillons sont d’excellents voiliers : les Sphinx sont parmi les plus rapides (jusqu’à 50 km/h), tout en se montrant capables de voler sur place, par exemple pour butiner une fleur sans s’y poser ; les ailes battent alors avec une fréquence telle qu’elles en deviennent invisibles.

On connaît environ 200 espèces de Papillons migrateurs, dont une vingtaine en Europe. Le « Gazé » (Aporia crataegi), la Piéride du Chou accomplissent parfois des déplacements groupés. La « Belle-Dame » (Vanessa cardui) se reproduit en Afrique du Nord et se répand régulièrement en Europe (jusqu’en Islande) par bandes nombreuses. Le Sphinx tête-de-mort gagne également l’Europe en traversant la Méditerranée. Les Danais quittent l’Amérique du Nord en automne et hivernent en Amérique du Sud ; puis ils traversent soit l’Atlantique et atteignent les pays méditerranéens, soit le Pacifique jusqu’en Australie et au Japon ; leurs migrations durent plusieurs années.

Quand un Papillon se pose, ses ailes prennent parfois la position qu’on leur donne dans les collections, en s’étalant sur le côté, sans se recouvrir (Saturnia pyri ou « Paon de nuit », Vanessa io ou « Paon de jour », divers Géométridés, etc.). Par contre, beaucoup de Papillons diurnes (Piérides, Machaon, Lycènes, etc.) les relèvent l’une contre l’autre, tandis que les Zygènes, les « Écailles » (Arctia), les Sphinx les rabattent en toit, les antérieures masquant les postérieures. Il arrive même que les ailes s’enroulent autour du corps ou du support (Lithosia, Brephos).


Les pattes

Trop faibles pour permettre la marche, les pattes des Papillons n’assurent guère que le maintien sur un support : elles portent souvent des organes odoriférants et, sur les tarses, des organes gustatifs. Diurne ou nocturne selon les espèces, le repos est pris sur un rocher, sur un tronc ou dans le feuillage, certaines espèces exotiques se groupant à cette occasion (rassemblements de sommeil).


La trompe et l’alimentation

Presque tous les Papillons se nourrissent du nectar des fleurs ; ils le prélèvent avec une trompe formée par les deux mâchoires allongées, en forme de gouttière et appliquées l’une contre l’autre en un tuyau aspirateur ; enroulée sous la tête entre les repas et masquée latéralement par les deux palpes labiaux velus, la trompe étirée atteint une taille suffisante pour plonger dans les corolles les plus profondes ; chez certains Sphinx, elle dépasse alors la longueur du corps. Quelques cas particuliers méritent d’être signalés : plusieurs Papillons sont attirés non par les fleurs, mais par les matières organiques en décomposition (Charaxes, Apatura) ; le Sphinx tête-de-mort (Acherontia atropos) pénètre dans les ruches et y pompe le miel ; avec leur trompe dentelée au bout, les Ophidéridés piquent les oranges pour en extraire le jus ; les Micropteryx, les plus primitifs des Lépidoptères, prélèvent et écrasent le pollen des Renoncules avec leurs pièces buccales broyeuses.

Quelques formes à vie brève (Bombyx du Mûrier, Cossus, divers Saturnidés et Sphingidés) ont une trompe atrophiée et ne semblent pas se nourrir, sauf, éventuellement, pour prendre de l’eau à une flaque.


Reproduction

Le dimorphisme sexuel est souvent bien marqué chez les Papillons : coloration et forme différentes des ailes, taille souvent plus élevée chez les mâles, qui peuvent posséder des écailles odoriférantes spéciales (androconies) ou des antennes plus développées (antennes pectinées des Bombyx, des Attacidés). Les Psychidés offrent un cas extrême de dimorphisme : le mâle est normal, alors que la femelle, aptère, garde un aspect de chenille et continue à vivre dans un fourreau, même lors de l’accouplement. Au niveau cellulaire, les Lépidoptères ont cette particularité, parmi les Insectes, d’avoir des femelles hétérogamétiques, c’est-à-dire produisant deux sortes d’ovules, les uns avec un chromosome W, les autres avec un chromosome Z, tandis que les mâles, avec deux hétérochromosomes Z, ne donnent qu’une seule sorte de spermatozoïdes.

Lymantria dispar, espèce à dimorphisme sexuel bien accusé, offre un exemple classique d’intersexualité : en croisant un mâle de race japonaise avec une femelle de race européenne, Goldschmidt obtint, à côté de mâles normaux, des femelles à aspect intermédiaire entre les deux sexes et dont les ovaires se transforment en testicules.