Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Arctique (océan) (suite)

La banquise permanente (ou Pack)

Elle couvre la plus grande partie d’une vaste calotte (5 millions de kilomètres carrés) légèrement excentrée vers l’Amérique. Elle correspond aux régions les plus froides (moyennes d’été inférieures à 0 °C) et aux précipitations très médiocres : en hiver, les dépressions passent sur une banquise sans évaporation, où parviennent des vents continentaux secs ; en été, l’air plus humide ne peut être affecté d’aucune ascendance, car il est stabilisé à la base par refroidissement. La neige, peu abondante mais faite de petites aiguilles cinglantes, reste sans cohérence sur le sol, où les vents la modèlent en congères : en hiver, les rafales, qui ne dépassent que rarement 50 km/h, n’ont pas la violence des blizzards antarctiques ; en été, saison des calmes, la faiblesse et la variabilité des vents ne parviennent pas à chasser des brouillards épais de 100 à 200 m. Cette banquise (ou Pack), qui ne peut fondre que partiellement, est donc formée d’une glace vieille de plusieurs années, épaisse de 2 à 3 m (en été) et de 3 à 4 m (en hiver). La perte superficielle (surtout par fusion) étant bien supérieure à l’apport neigeux, le Pack connaît un renouvellement lent, à la manière d’un glacier continental : en été, par regel de l’eau de fusion infiltrée par les ouvertures ; en hiver par accrétion basale aux dépens de l’eau de mer superficielle.

À cette masse autochtone viennent se joindre des lambeaux de pack et des îles de glace comme celles que l’aviation américaine découvrit en 1946 en plein cœur du Pack. Le déplacement de ces intrus, comme des bases scientifiques installées sur la banquise par les Soviétiques et les Américains, et des bateaux pris accidentellement (Jeannette) ou volontairement dans les glaces (Fram, Sedov) ont permis de comprendre le mouvement de rotation cyclonique de la banquise (à une vitesse variant entre 1 et 2 km par jour), mue par la dérive des eaux portantes, compliquée par des composantes de vents.

À cause de son âge, le Pack est fait d’une glace solide, affectée cependant de fêlures provoquées par les mouvements différentiels de la dérive : elles sont rares au pôle, où la surface demeure plate, mais très fréquentes sur les bordures, où les collisions et les compressions aux fracas épouvantables engendrent un relief chaotique de crêtes et de murailles (hummocks ou toross), coupées de crevasses où les pionniers de la pénétration vers le pôle connurent un affreux calvaire. Les accumulations de glace les plus importantes sont situées au nord des îles, qui sont de véritables piliers sur lesquels elles viennent se bloquer. C’est dans ces régions que les ouvertures qui aèrent le Pack (polynies ou leads) sont le plus étendues et le plus durables.

Progrès scientifiques dans l’Arctique

C’est pour répondre à des besoins plus économiques ou stratégiques que scientifiques que la connaissance de l’Arctique a connu au cours des vingt dernières années un développement spectaculaire grâce :

• à l’établissement de bases scientifiques (météorologiques et glaciologiques) qui jalonnent les routes commerciales : 100 fonctionnent du Spitzberg aux Aléoutiennes ; plus de 80 sur la côte soviétique sont gérées par la Direction générale de la route maritime du Nord, à laquelle est rattaché l’Institut arctique (Leningrad), dont l’apport scientifique est considérable ;

• aux raids aériens au-dessus de la banquise ; actuellement, les documents transmis par les satellites météorologiques placés sur orbite polaire donnent de plus amples informations sur la géographie des glaces, leur contexture, leur dérive, la dynamique des masses d’air et le bilan thermique ;

• à l’installation de stations dérivantes, nécessitant de véritables opérations aéroportées. Ce sont des laboratoires flottants où tous les phénomènes naturels sont étudiés. Cette méthode a été inaugurée par les Soviétiques avec la série des « Severnyï Polious » de I (1937) à XVII (1968), suivis par les Américains, qui en placèrent sur les floes (« Alpha », 1957 ; « Alpha II » ou « Charlie », 1959 ; puis la série « Arlis » de I à IV) ou des îles de glace (« T1 », « T2 », « T3 », puis « WH 5 »). Résultats : dérive de la banquise, bathymétrie, géophysique sous-marine. On doit notamment aux travaux des SP nos connaissances sur la chaîne Lomonossov, découverte par I. I. Gakkel en 1948. Depuis 1966, les stations américaines ont été évacuées, sauf « T3 » ;

• aux recherches menées à bord des submersibles atomiques et, pour les zones subarctiques, aux brise-glace.

Rôle stratégique et économique de l’Arctique

L’importance stratégique des régions arctiques, déjà apparue, sur le plan maritime, en particulier au cours de la Seconde Guerre mondiale, n’a cessé de croître avec le développement de l’aviation, des missiles, et de la propulsion nucléaire sous-marine.

De 1941 à 1945, la route maritime menant d’Islande ou d’Écosse à Mourmansk et à Arkhangelsk, en contournant le cap Nord, fut utilisée par les Anglo-Saxons pour ravitailler l’U. R. S. S. en matériel de guerre. Au total, 775 navires alliés (dont 78 furent coulés) transportèrent par la route de l’Arctique plus du quart de laide totale alliée à l’U. R. S. S.

Pour l’Arctique soviétique, l’utilisation du passage du Nord-Est est une nécessité vitale, politique et économique, que les conditions naturelles moins défavorables ont rendue possible. La saison s’étend de juillet à septembre (un voyage aller et retour Atlantique-Pacifique) ; la route, longue de 10 000 km (avec un prolongement vers le Spitzberg), a été mise en service en 1932. L’activité y est coordonnée par la Direction générale de la route maritime du Nord, administrée par un état-major d’ingénieurs hydrographes, de météorologistes, d’océanographes, de géologues, d’aviateurs et de navigateurs. Son fonctionnement repose sur des recherches permanentes concernant le temps et les glaces (escadrille spécialement équipée de caméras de télévision), et sur une infrastructure de ravitaillement (ports très mécanisés), de surveillance (radiophares, centrales radio) et d’escorte (hydravions, flottille de brise-glace puissants, dont plusieurs à propulsion nucléaire, capables de briser des banquises de 5 m).

Les États-Unis, en coopération avec le Canada, ont cherché à relier l’Atlantique au Pacifique par le nord du continent américain, tant dans un but stratégique que pour évacuer vers l’est le pétrole de l’Alaska. Le pétrolier géant Manhattan réussit cette liaison en septembre 1969.