Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

pancréas (suite)

Les pancréatites aiguës

Redoutable par son pronostic, la pancréatite aiguë aseptique s’est modifiée au cours des dernières années sur le plan du diagnostic clinique (fréquence des formes frustes et polymorphes) et sur le plan du traitement (rôle discuté des inhibiteurs de trypsine, attitude chirurgicale plus ou moins active, plus ou moins précoce).

Si l’on élimine de cette étude les pancréatites aiguës « infectieuses » survenant au cours des oreillons, de la scarlatine, de la typhoïde, on décrit habituellement sous le terme de pancréatite aiguë une maladie grave réalisant une autodigestion de l’organe par mise en liberté des ferments pancréatiques.

Plusieurs théories ont été proposées (théories canaliculaire, allergique, vasculaire, neurovégétative), mais aucune n’est suffisante pour expliquer cette maladie. Il semble que, à l’origine, une issue de suc pancréatique en dehors des voies excrétrices soit nécessaire ; elle est due à une obstruction, à une hyperpression, ou à un phénomène réflexe : la trypsine, activée par des protéases cellulaires, libère de l’amylase, de la lipase et des substances vaso-dilatatrices, telles l’histamine et la kallicréine. Ainsi apparaissent de l’œdème, des hémorragies et des zones de nécrose ; ces lésions ne restent pas limitées au pancréas, mais s’étendent aux organes du voisinage. Ainsi, la pancréatite aiguë est une maladie générale qui réalise une « toxémie enzymatique ».

La forme classique de la maladie correspond à la description du « drame pancréatique » de Dieulafoy, caractérisé par la survenue lors d’un repas copieux de douleurs épigastriques extrêmement vives, continues, avec des vomissements alimentaires. Le malade est angoissé, gêné pour respirer, livide : la tension est basse, le pouls accéléré. Paradoxalement, l’examen clinique est pauvre : l’abdomen est souple, il n’y a pas de contracture, et les touchers pelviens sont normaux. Souvent, on est en présence d’un tableau clinique beaucoup moins évocateur ; douleurs abdominales vagues, diffuses, avec vomissements, mais sans signe de choc, sans angoisse. Certains arguments vont orienter vers le diagnostic de pancréatite œdémateuse : le terrain (homme de la cinquantaine, obèse, gros mangeur), la pauvreté de l’examen clinique et, surtout, les examens de laboratoire — une augmentation de la glycémie, une baisse de la calcémie et surtout une augmentation de l’amylasémie (amylase du sang) et de l’amylasurie (amylase dans les urines). La radiographie de l’abdomen sans préparation, celle du thorax, la ponction-lavage de l’abdomen, l’électrocardiogramme sont utiles pour confirmer le diagnostic.

L’évolution est variable : les cas les plus aigus sont très graves (collapsus irréversible, correspondant à la pancréatite hémorragique et nécrotique de toute la glande).

Les autres cas sont moins graves : grâce au traitement, la pancréatite aiguë peut évoluer vers la guérison. On doit alors rechercher une cause déclenchante, en particulier une lithiase biliaire. L’évolution peut être marquée par une rechute de pancréatite œdémateuse, une aggravation par nécrose partielle de la glande, la survenue de faux kystes, ou de complications septiques et hémorragiques.

• Le traitement, qui est d’abord médical, doit associer : l’aspiration digestive, la correction des pertes hydro-électrolytiques, des analgésiques et des anticholinergiques ; des antibiotiques à large spectre. La correction du choc est fondamentale : on peut attendre d’une bonne réanimation générale une amélioration considérable des résultats. Le rôle des inhibiteurs de la trypsine est par contre actuellement très discuté : aucune preuve formelle n’a été apportée de leur efficacité.

• Le traitement chirurgical s’impose en urgence dans deux circonstances : lorsqu’il y a un doute sur le diagnostic et lorsqu’il existe un syndrome de rétention biliaire. On est souvent amené à intervenir secondairement devant l’absence d’amélioration pour pratiquer l’exérèse de fragments pancréatiques nécrotiques. La chirurgie s’adresse aussi au traitement d’une lésion biliaire, et à celui de certaines complications : fistule, sténose ou hémorragie digestive, hypertension portale, faux kyste surtout.


Les pancréatites chroniques

Elles sont plus fréquentes qu’on ne le soupçonnait il y a quelques dizaines d’années. On distingue des pancréatites chroniques secondaires à d’autres lésions et des pancréatites chroniques primitives, de traitement délicat.

• Pancréatites chroniques secondaires. Ce sont en général des altérations de la glande qui siègent en amont d’un obstacle à l’écoulement normal du suc pancréatique : calcul du bas cholédoque au niveau de l’ampoule de Vater, comprimant ou obstruant le canal de Wirsung ; tumeur du confluent bilio-pancréatique ou de la papille... Dans ces cas, la maladie causale peut avoir ses signes propres, mais souvent la pancréatite chronique est au premier plan, et il faudra soigneusement en rechercher la cause, souvent peu expressive.

• Pancréatites chroniques primitives. Ces pancréatites, de cause inconnue (tout au moins dans l’état de nos connaissances), revêtent deux aspects principaux sans qu’il soit aisé de dire si des formes de passage existent entre eux : les pancréatites calcifiantes, qui touchent volontiers l’homme jeune en l’absence même de toute anomalie du métabolisme phosphocalcique ; et les pancréatites non calcifiantes, d’évolution capricieuse. Ces pancréatites chroniques primitives touchent parfois des sujets sans antécédent particulier. Cependant, elles affectent plus volontiers les éthyliques, sans toutefois s’associer fréquemment avec la cirrhose* du foie. Les pancréatites chroniques peuvent donner trois tableaux cliniques principaux.
1. Ce sont parfois des douleurs qui sont au premier plan : douleurs survenant par crises de quelques jours en plein creux épigastrique, pouvant irradier dans le dos, pliant le malade en deux, souvent atroces et mal calmées par les sédatifs habituels. Des vomissements peuvent s’y associer.
2. Ailleurs, c’est la diarrhée* qui attire l’attention : les selles ne sont pas très fréquentes et liquides, mais il y a deux à trois émissions pâteuses chaque jour, d’abondance inhabituelle.
3. Enfin, ce sont parfois les conséquences de la pancréatite chronique qui sont révélatrices : l’anémie*, les douleurs osseuses, voire un diabète.