Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Palestine (suite)

Si l’histoire de la Palestine se confond dès lors avec celle de la Jordanie et celle d’Israël, il n’en est pas de même de l’histoire des Palestiniens. La plupart d’entre eux s’enfuirent du territoire israélien (il n’en resta que 160 000) pour des causes diverses : crainte de massacres, crainte des péripéties et des conséquences de la guerre. Beaucoup de villageois partis non loin de chez eux se virent bloqués derrière les nouvelles frontières. Leurs terres furent confisquées, en raison de leur absence. Les Palestiniens se partagèrent, en dehors d’Israël, en environ 725 000 réfugiés et 570 000 habitants de la région occidentale de la Jordanie.

Le nombre des réfugiés s’accrut régulièrement du fait d’une forte natalité. Considérés comme Jordaniens en Jordanie, administrés dans la bande de Gaza par un gouverneur militaire égyptien, ces réfugiés ne furent accueillis dans les autres pays arabes qu’avec un nombre variable de restrictions à leurs activités. Certains purent, dans ces pays ou ailleurs, s’intégrer à une existence normale. La plupart furent groupés dans des camps. Ils reçoivent une aide, limitée par des moyens financiers réduits, de l’Office de secours et de travaux des Nations unies (United Nations Relief and Works Agency [UNRWA]), créé le 8 décembre 1949. En juin 1972, 1 506 840 réfugiés étaient immatriculés auprès de l’Office, dont 830 000 recevaient des rations alimentaires et 490 917 autres bénéficiaient des services de santé et d’enseignement.

La guerre de juin 1967 plaça sous administration israélienne toute la Palestine mandataire. Les territoires occupés contenaient une population de plus d’un million d’Arabes palestiniens après la fuite de 450 000 personnes, dont 150 000 anciens réfugiés.

Le nationalisme palestinien entre dans le cadre du nationalisme arabe global. Mais les problèmes particuliers des Palestiniens, face à la colonisation juive et au mandat britannique, ont créé peu à peu un nationalisme spécifique. Les organismes palestiniens du temps du mandat, déchirés par de profondes rivalités, et les réseaux complexes d’influences et d’allégeances recouvraient une base populaire pleurant la patrie perdue, rêvant de retour et de revanche. Les États arabes qui avaient pris en charge leurs revendications utilisaient des groupes palestiniens concurrents. Les rivalités de ceux-ci aboutirent peu à peu à créer des structures à prétention unificatrice. En janvier 1964 fut créée une « entité palestinienne » aux pouvoirs fort réduits avec, à sa tête, Aḥmad Chuqayrī. En mars, un congrès forma l’Organisation de libération de la Palestine (O. L. P.) avec une armée propre, l’A. L. P.

Les dissensions arabes, le contrôle strict des États arabes sur l’O. L. P., l’incohérence et les visées personnelles de Chuqayrī révoltèrent de jeunes Palestiniens, impatients d’entamer une action efficace et indépendante. Une organisation secrète, le Fatḥ, fut créée à Gaza. Elle organisa des raids en territoire israélien (dès 1965, selon elle). Mais elle ne commença à jouer un rôle marquant qu’après 1967. En 1969, son chef, Yāsir ‘Arafāt, devint président du conseil exécutif de l’O. L. P., dont Chuqayrī avait été éliminé en 1968.

Le Fatḥ est l’organisation dominante, mais non la seule de la résistance. C’est un front comportant des tendances politiques différentes, mais des scissions ont détaché de lui des groupements de dimensions inégales, plus portés à l’action terroriste ou plus orientés vers le marxisme.

Un nouveau programme a été adopté, qui ne prévoit plus l’expulsion des Juifs. Il leur propose l’intégration dans une Palestine unitaire, laïque, égalitaire, ne faisant pas de distinction de confession, mais arabe.

Le mouvement de résistance palestinien n’a pu, jusqu’ici, réussir à établir des bases pour une guérilla dans le territoire sous contrôle israélien. Il en résulte que ses bases doivent être dans les États arabes limitrophes. L’idéologie nationaliste arabe et l’hostilité à Israël contraignent ces États à accepter ces bases. Mais les violentes représailles israéliennes les poussent à s’efforcer de contrôler l’action palestinienne, voire à l’empêcher. Certains ont créé des organisations palestiniennes dominées par eux.

La puissance autonome prise par les Palestiniens en Jordanie, empiétant sur l’autorité du roi Ḥusayn, a amené celui-ci à les réprimer violemment en septembre 1970, puis à en éliminer les bases subsistantes en juillet 1971. Cependant, en 1974, Ḥusayn renonce, en faveur de l’O. L. P., à sa souveraineté sur les territoires jordaniens occupés par Israël. Au Liban, après une période de répression, les Palestiniens installent un véritable État dans l’État. Dès 1973, leur présence catalyse, entre maronites et musulmans, un conflit qui débouche sur la guerre civile de 1975-76, à laquelle participent la plupart des organisations palestiniennes. En Syrie, les Palestiniens sont sévèrement canalisés sous le couvert d’une solidarité affichée. L’Égypte, depuis l’avance israélienne de 1967, ne peut plus offrir une base de départ. Cette impuissance a poussé des groupes palestiniens à essayer d’atteindre Israël par des détournements d’avions et des attentats terroristes en Europe ou ailleurs. Mais la forte réprobation de l’opinion publique mondiale a contraint certains des groupes qui avaient d’abord préconisé de telles méthodes à y renoncer.

Les Arabes de l’ancien territoire d’Israël (avant 1967), qui sont citoyens israéliens, semblent avoir vu leurs sentiments revendicatifs revivifiés par leurs contacts avec leurs frères de Cisjordanie.

La Palestine arabe n’existe plus en tant qu’État. Mais le sentiment national palestinien est au contraire de plus en plus profond, cimenté par les épreuves. Il est difficile de penser qu’il ne débouche pas un jour ou l’autre sur une certaine réalisation politique : en octobre 1974, ‘Arafāt a été invité à l’O. N. U., qui a proclamé le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et à l’indépendance. La conciliation avec le sentiment national israélien, non moins fort et attaché au même territoire, paraît alors singulièrement difficile. Mais, depuis, le principe de la création d’un État palestinien indépendant en Cisjordanie et à Gaza a rencontré une vaste adhésion dans le monde et jusque dans certains milieux israéliens. L’assouplissement des positions de l’O. L. P. et la nouvelle orientation de la politique américaine donnée par J. Carter (qui recommande aux Israéliens une attitude moins intransigeante) permettent, à partir de 1977, d’envisager un règlement du problème palestinien.

M. R.