Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Palestine (suite)

Cependant, les Juifs restèrent nombreux, mais en minorité, détenant la majorité seulement en Galilée et dans la haute vallée du Jourdain. C’était une population surtout agricole. Les Pharisiens, seul parti que les désastres n’avaient pas déconsidéré, réorganisèrent la communauté autour de l’observance stricte d’une loi religieuse, qu’ils entreprirent de codifier (d’où la Mishna). Ils établirent une cour suprême, succédant à l’ancien sanhédrin, dont le président, le patriarche, reconnu par l’État, jouissait d’importantes prérogatives. Les savants en sciences religieuses, tendant à former peu à peu une caste héréditaire, régentaient la masse des paysans. Un « modus vivendi » fut atteint entre les anciens rebelles et l’État romain, surtout à partir des Sévères, vers 200. Les Juifs purent jouir de l’égalité avec les autres citoyens et de leurs anciens privilèges, mais le prosélytisme leur était interdit, ainsi que l’accès au district de Jérusalem.

Les vieilles villes grecques de la côte et de l’intérieur, dotées d’un régime municipal, s’étaient accrues, notamment par des colonies de vétérans romains. L’émigration, lente mais constante, des Juifs était contrebalancée par une immigration en provenance d’autres provinces de l’Empire, particulièrement de Syrie. Les Arabes du désert continuaient leur infiltration permanente et se sédentarisaient. Les Samaritains étaient nombreux. Une certaine culture grecque était le bien commun de la population urbaine, mais la campagne parlait araméen. La « modernisation » romaine développa de magnifiques et confortables cités.

Le christianisme, né en Palestine, y progressa très lentement, surtout dans quelques villes : au iiie s., on ne trouvait encore de chrétiens que dans dix-huit localités. Mais plusieurs grands intellectuels l’illustrèrent.

La crise de l’Empire au iiie s. affecta aussi la Palestine, qui vit se dérouler quelques péripéties des nombreuses guerres civiles. L’appauvrissement général, les impôts et corvées, l’inflation, la dépopulation causèrent le déclin de la population urbaine, précipitant sans doute l’araméisation des éléments d’origine étrangère au pays.


L’Empire chrétien (325-640)

La conversion de Constantin au christianisme fit de la Palestine la Terre sainte, non plus seulement pour un peuple dispersé ou soumis, mais pour les fidèles innombrables de la foi dominante d’un immense empire.

On fit un effort intense pour convertir la Palestine à la religion dont elle avait été le berceau. On trouvait des chrétiens dans trente-six localités, au ive s. et dans cinquante-huit au ve. Mais l’effort missionnaire des moines égyptiens et syriens se développa à partir du rayonnement d’Hilarion, disciple de saint Paul, ermite installé près de Gaza à partir de 330. Les pèlerinages chrétiens commencèrent dès le iiie s., mais se développèrent immensément. On rechercha partout les souvenirs et les reliques des grandes figures de l’Ancien et du Nouveau Testament. Bien des chrétiens d’Occident, affectés par les troubles, les invasions et le déclin économique, allèrent chercher la paix près des Lieux saints. La Terre sainte fut, d’ailleurs, souvent dégrevée d’impôts. De multiples églises et monuments sacrés s’y élevèrent. Les monastères s’y multiplièrent. La prospérité y revint, et des centres intellectuels et artistiques s’y développèrent. Justinien (527-565) appliquera un programme de grandes et splendides constructions. Mais la campagne surtout souffrait du poids de la fiscalité, et, en 388, on appliqua à la Palestine, pour faciliter les recouvrements, la loi sur le colonat, qui attachait les tenanciers à la glèbe.

Dans les luttes entre partis théologiques chrétiens, la Palestine fut en majorité orthodoxe alors que l’Égypte et la Syrie étaient monophysites. L’ambitieux évêque de Jérusalem Juvénal, louvoyant entre les tendances, obtint au concile de Chalcédoine (451) que son siège fût élevé au rang de patriarcat.

La défense contre les razzias sarrasines joua un rôle important. En 358, on divisa la province (où deux légions furent casernées) en Palestine proprement dite et en « Palestine salutaire », c’est-à-dire servant à la défense : c’est la région du Néguev. Vers 399, cette Palestine salutaire devint la IIIe Palestine, la Palestine propre étant partagée en Palestine première et en Palestine seconde.

Le peuplement juif diminua relativement du fait des émigrations et des conversions, mais il resta important surtout en Galilée. L’activité intellectuelle des Juifs fut intense. La compilation du Talmud palestinien, dit « de Jérusalem », fut achevée vers 425. Les mesures de discrimination contre le judaïsme suscitèrent des révoltes, l’une déjà, sans doute, sous Constantin vers 330, une autre en tout cas, sous le césar Gallus en 351. Les autorités juives ne suivirent pas les extrémistes. Elles accueillirent avec réserve les avances de Julien « l’Apostat », qui, en 362, voulait restaurer le Temple et ramener des émigrés juifs en Palestine. Mais, bien plus tard, le patriarcat juif, assez déconsidéré, fut supprimé (425), et la Palestine cessa d’être le centre mondial du judaïsme.

Les Samaritains, affectés aussi par les lois chrétiennes, se rebellèrent durement par deux fois, en 485 et en 529.

Les Arabes du désert razziaient souvent la zone cultivée, en Palestine comme dans la province dite « d’Arabie » (nord de la Transjordanie et sud de la Syrie actuelle), et souvent aussi s’y sédentarisaient. Beaucoup devinrent chrétiens, et certains prirent parti dans les luttes entre sectes chrétiennes qui firent rage à l’époque. Byzance nomma des chefs arabes « phylarques » sous sa suzeraineté et les utilisa dans la lutte contre d’autres Arabes vassaux des Perses.

La Palestine fut conquise en 614 par les Perses sassanides, et le monde chrétien apprit avec terreur la perte de Jérusalem et la destruction de beaucoup d’églises. Les Juifs et les Samaritains aidèrent les conquérants, qui d’abord se servirent d’eux, puis cherchèrent plutôt à gagner la majorité chrétienne.