Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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paléontologie (suite)

Nécessité et limites de la paléontologie

Quelles lumières la paléontologie nous apporte-t-elle sur les mécanismes de l’évolution ? La théorie de l’évolution actuellement la plus admise par les biologistes est le néo-darwinisme : selon cette conception, développée par exemple par Georges Teissier, George Gaylor Simpson et Julian Huxley, la variation résulterait de mutations prenant naissance dans des populations, tandis que l’orientation de l’évolution serait la conséquence de la sélection naturelle. Étant donné que la paléontologie ne nous permet pas de savoir si une variation est due à une mutation concernant le patrimoine héréditaire, ou est liée au développement individuel sans avoir d’actions sur les gènes, on ne voit guère quelles preuves la paléontologie pourrait apporter au néo-darwinisme. Les paléontologistes observent d’ailleurs des phénomènes tels que la convergence et l’évolution parallèle, dont il est difficile de rendre compte dans l’hypothèse néo-darwinienne. L’existence d’une aile anatomiquement différente chez les Ptérosaures, les Oiseaux et les Chauves-Souris témoigne d’une adaptation si profonde au milieu que l’on comprend mal comment, par sélection de petits caractères, on aurait pu aboutir au vol par des méthodes aussi différentes. Quant à l’évolution parallèle, un des exemples les plus connus en est l’existence d’un palais secondaire, plancher formé par des lamelles médiales des maxillaires et des palatins, et séparant les fosses nasales de la cavité buccale (fig. 7) ; ce palais secondaire apparaît dans des groupes très divers (Reptiles mammaliens, Mammifères, Crocodiles, Tortues marines), vivant dans des milieux fort différents. De toute façon, toute hypothèse cherchant à expliquer l’évolution ne sera valable que si ses implications ne sont pas en contradiction avec les résultats de la paléontologie, science historique qui nous permet de reconstituer l’évolution de la vie telle qu’elle a effectivement eu lieu sur la Terre. Cependant, la paléontologie ne nous permet pas de reconstituer l’histoire de la vie dans son intégralité. En effet, d’une part, la fossilisation est, surtout pour les organismes mous, un processus exceptionnel ; d’autre part, les organismes fossilisés les plus anciens ont disparu définitivement par suite de la transformation des roches sédimentaires en roches métamorphiques. Ce n’est qu’à partir du début des temps primaires (Cambrien), c’est-à-dire il y a environ 600 millions d’années, que les fossiles deviennent vraiment abondants, bien que divers fossiles plus anciens soient connus.


Les grandes collections

Les études paléontologiques nécessitent des collections ; il en existe dans le monde d’extrêmement riches, qui sont des archives d’un intérêt incomparable. Elles ont, pour la plupart, été constituées au xixe s. et au début du xxe, à un moment où les carriers travaillaient sans moyen mécanique ; actuellement, les découvertes de fossiles dans les carrières passent inaperçues, notamment à cause de l’emploi de pelles mécaniques ; c’est dire que ces grandes collections sont en fait irremplaçables et font partie du patrimoine commun de l’humanité. On peut citer en particulier : l’institut de paléontologie du Muséum national d’histoire naturelle de Paris (plus d’un million de fossiles) ; le British Museum à Londres ; le Musée royal des sciences naturelles de Bruxelles, célèbre par ses nombreux squelettes d’Iguanodon (23) ; le musée de l’université Humboldt à Berlin-Est ; celui de l’Académie des sciences de Pologne à Varsovie, avec de riches collections de Dinosaures du Gobi ; les musées de Tübingen, et de Francfort-sur-le-Main en Allemagne de l’Ouest ; le musée de l’institut paléozoologique de l’Académie des sciences de l’U. R. S. S. Ce sont actuellement les États-Unis qui ont les musées de paléontologie les mieux présentés (musée américain d’Histoire naturelle à New York, musée de l’université Harvard à Cambridge, près de Boston, musée de la Smithsonian Institution à Washington, musées d’Histoire naturelle de Chicago, de Cleveland, de Berkeley, etc.). Les musées européens contiennent toutefois de très nombreux « types », spécimens d’après lesquels ont été décrits de nombreux genres et espèces nouveaux.

Louis Agassiz

Naturaliste suisse (Motier, canton de Fribourg, 1807 - Cambridge, Massachusetts, 1873).

Son père était pasteur à Motier. Sa famille, française d’origine, avait émigré en Suisse comme bien d’autres huguenots. Dès son jeune âge, Louis Agassiz récolte tout ce qui concerne l’histoire naturelle ; les Poissons l’intéressent principalement ; selon lui, sa chambre était « une petite ménagerie ». À dix-sept ans, il est décidé à se consacrer à l’histoire naturelle. Il passe deux années à Lausanne, où il rencontre le directeur du Muséum, professeur de zoologie, qui exercera une grande influence sur lui ; il lit Lamarck et Cuvier. En 1824, il entreprend à Zurich des études de médecine (selon le souhait de sa famille) et de sciences naturelles ; il veut être naturaliste et le premier de son temps. Ses études le conduiront ensuite à Heidelberg (1826) et à Munich (1827). C. F. von Martius le charge (1826) de la description de 126 espèces de Poissons récoltés au Brésil ; cette étude paraît en 1829 et révèle les grandes qualités du jeune naturaliste (il a vingt-deux ans). Les Poissons fossiles le passionnent également. Agassiz voyage et visite divers musées en Allemagne, en Autriche, en France ; à Paris, au Muséum d’histoire naturelle, il rencontre Cuvier et travaille beaucoup avec lui. Il se lie avec A. von Humboldt. Ses diplômes acquis, il accepte un poste de professeur à Neuchâtel (1832) ; il doit y organiser un musée. Il publie Histoire naturelle des Poissons d’eau douce de l’Europe centrale (1839), Recherches sur les Poissons fossiles (1833-1844), Monographies d’Échinodermes vivants et fossiles (1838-1842), Système glaciaire (1847), faisant suite à une étude des phénomènes glaciaires dans les Alpes et à un volume intitulé Étude sur les glaciers (1840). En 1837, il est correspondant de l’académie des sciences naturelles de Philadelphie. Il commence à correspondre avec quelques naturalistes américains. En 1846, avec son départ pour Boston s’ouvre la période américaine de sa carrière. Il exerce une grande influence et s’efforce de communiquer son amour de la nature par de nombreuses conférences. Il est élu professeur de zoologie et de géologie à Lawrence Scientific School de Harvard. Il publie Twelve Lectures on Comparative Embryology (1849), Contributions to the Natural History of the United States (1857-1862), Lake Superior (1850), Geological Sketches (1866). Sa grande initiative réside dans la création du Museum of Comparative Zoology of Harvard College (1859), financé par des dons privés et par l’État de Massachusetts. Sous son impulsion, les scientifiques américains organisent une National Academy of Sciences (1863). À la fin de sa vie, il crée l’Anderson School of Natural History, sur l’île Penikese de Buzzard’s Bay, comprenant une école d’été et une station de biologie marine. Il exerça un rôle culturel important en formant W. James, D. S. Jordan, A. Agassiz, F. W. Putnam, N. S. Shaler. Il fut, en outre, un voyageur infatigable.

A. T.

J.-P. L.

➙ Buffon / Cuvier / Évolution biologique / Fossiles / Hominiens / Paléobotanique / Palynologie.