Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

architecture (suite)

C’est ainsi qu’il convient de faire une place particulière à l’œuvre tardive de F. L. Wright : le Guggenheim Museum de New York (1943-1959) est une démonstration saisissante de la continuité d’un espace intérieur, obtenue par le déroulement d’une spirale ouverte autour d’un puits. Parallèlement, le « nouvel empirisme » finlandais donnait tous ses fruits dans l’œuvre d’Aalto.

Il faut encore citer Le Corbusier, avec notamment l’église de Ronchamp (1950-1955) et l’ensemble considérable de la capitale du Pendjab, Chandigarh* (à partir de 1950). Ici, Le Corbusier affirmait avec force la qualité sculpturale de ses édifices, traitant le béton avec la plus grande liberté. En ajoutant aux propriétés du matériau lui-même des effets d’épiderme (béton brut, inscriptions gravées), en recourant à la couleur ainsi qu’à des remplissages naturels, l’architecte reniait l’esthétique de l’objet industriel au profit d’une grande sensibilité plastique. La même tendance, dans un vocabulaire peut-être moins franc et avec un goût marqué pour les formes souples, rendues possibles par l’utilisation des voûtes en béton, s’exprime dans toute l’architecture sud-américaine, alors en plein développement, et notamment dans son expression majeure, Brasília* (Niemeyer et Costa, à partir de 1960).

D’une façon très différente, l’architecture japonaise a pris, depuis la Seconde Guerre mondiale, une place de premier plan sur la scène internationale : c’est en interprétant le vocabulaire de Le Corbusier, en relation avec une tradition architecturale proprement japonaise, celle de la construction en charpente, que s’est constituée une école entièrement originale, dont l’un des meilleurs représentants, avec Maekawa Kunio (né en 1905), reste à ce jour Tange* Kenzō (né en 1913) [préfecture de Kagawa, 1958].


L’architecture actuelle


Un tournant diffus

Les années 1955-1960 marquent une évolution diffuse dans l’esprit de l’architecture contemporaine. Un indice significatif de ce changement est l’évolution personnelle d’Eero Saarinen, qui dessine en 1956 le projet pour le TWA Terminal de l’aéroport Idlewild (Kennedy) de New York dans un style très différent de son œuvre première : ici, l’emploi d’une couverture en voile mince de béton, affectant la forme d’une selle de cheval, s’accompagne d’un traitement libre de l’espace selon un système de courbes et d’arêtes opposé à toute orthogonalité. Le Dulles International Airport de Washington (1958-1962) et les collèges de Yale confirmeront cette tendance, où la liberté du traitement formel manifeste une sensibilité maniériste qui se tourne ou bien vers la technique employée (voiles minces) ou bien vers l’atmosphère environnante (édifices néo-gothiques à Yale).

Cette tendance nouvelle va se trouver confirmée en 1957 par l’étonnant projet de l’Opéra de Sydney, dont les salles sont coiffées par d’immenses coques de béton (architecte Jørn Utzon, né en 1918 ; ingénieur Ove Arup). Il faut encore citer les œuvres de Paul Rudolph (né en 1918) et de Louis Kahn* (1901-1974) [capitole de Dacca, 1965-1972], deux architectes américains dont le style élégant n’est dépourvu ni de maniérisme ni même de réminiscences historiques.

Une formule empreinte d’une non moins grande virtuosité est celle de Hans Scharoun* (1883-1972), qui, après une longue éclipse, sera l’auteur, à Berlin, de la nouvelle Philharmonie (1956-1963). L’emploi d’un plan polygonal combiné avec le recours systématique aux obliques donne une puissance et un mouvement extraordinaires à l’espace intérieur.


Renaissance du néo-classicisme

Mais, à côté de ces œuvres d’une réelle qualité, la production moyenne est généralement décevante : aux États-Unis, le gratte-ciel s’est transformé sous la pression des techniques nouvelles du béton (« Schockbeton ») ; le mur-rideau cède désormais le pas à des résilles d’éléments en béton soigneusement usinés — les travaux de Gordon Bunshaft (né en 1909) pour Skidmore, Owings and Merrill en sont un exemple (Banque Lambert à Bruxelles, 1958-1962).

Le caractère monumental de ces nouveaux édifices va de pair avec une certaine renaissance de l’esprit néoclassique, du moins aux États-Unis : les œuvres tardives de Gropius (le Panam Building de New York [1960] et surtout l’ambassade américaine d’Athènes [1961]) y ont largement contribué. De même, les constructions de Mies, par leur froideur et leur perfection technique, ont pu ouvrir la voie à l’œuvre néo-classique de certains de leurs élèves : en particulier Philip Johnson (Sheldon Art Gallery de l’université de Lincoln [Nebraska], 1960-1963) et Minoru Yamasaki (né en 1912) [N. W. National Life Insurance Offices de Minneapolis, 1964-65].


Le « brutalisme » européen

Les tendances européennes de l’architecture actuelle apparaissent plus étroitement liées à l’œuvre tardive de Le Corbusier — et notamment la maison Jaoul, à Neuilly-sur-Seine (1954-1956). Brutalisme est un terme qui désigne les travaux d’un groupe d’architectes anglais — principalement Alison (née en 1928) et Peter Smithson (né en 1923), dont le projet de concours pour l’université de Sheffield, en 1953, est apparu comme un manifeste. La dissociation des ossatures porteuses et des habitacles, celle des parties de circulation et des parties fonctionnelles étaient poussées jusqu’au bout. D’autres œuvres ont pu ensuite être rapprochées de cette expérience : notamment le South Bank Art Centre de Londres (Hubert Bennett, 1968).

En Italie, le brutalisme s’incarne principalement dans l’œuvre de Vittoriano Vigano (né en 1919) [Institut Marchiondi à Milan, 1957-1961], mais il a aussi quelques contacts avec le mouvement « neo-liberty » de Milan et les œuvres qui en sont issues (torre Velasca, par Gian Luigi Banfi, Ludovico Barbiano di Belgioioso, Enrico Peressutti et Ernesto Rogers).

Au-delà des étiquettes et des définitions d’école, c’est tout un esprit qui est révélé par l’architecture actuelle en Europe : la volonté d’individualité se combine avec une grande dextérité et l’utilisation fréquente de formes éclectiques, soit historiques (allusions formelles), soit contemporaines (reprises d’éléments connus par les revues d’architecture). La préoccupation la plus vive reste l’intégration des œuvres à leur site, ainsi qu’en témoignent avec beaucoup de talent l’œuvre de l’architecte Gottfried Böhm, de Cologne (hôtel de ville de Bensberg, 1967) et celle du Suisse Walter Förderer (école à Aesch, Bâle, 1964).