Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pākistān oriental, auj. Bangladesh (suite)

Cette situation des Bihāris est l’illustration la plus tragique du caractère communautaire de la société bengalie. En dépit de l’islamisation, le peuple du Bangladesh a conservé une structure sociale de type indien, avec ses castes supérieures (tels les khāns, propriétaires fonciers, et les kandkars, classe sacerdotale monopolisant les activités religieuses), ses castes inférieures à spécialisations professionnelles (commerçants, cultivateurs, pêcheurs, tisserands, potiers, etc.), ses castes impures et intouchables. Certes, les survivances de la société hindoue sont atténuées : on contracte plus facilement des mariages entre personnes de castes différentes ; l’évolution économique et la vie urbaine ont développé une nouvelle classe moyenne, fondée sur l’instruction et le revenu, tandis que les castes supérieures traditionnelles sont en déclin. Mais c’est surtout dans les villes que se réalise la fusion du peuple bengali ; la société des campagnes reste plus cloisonnée.

La population, qui était de 42 062 000 habitants en 1951, de 50 840 000 en 1961, est évaluée à 76 millions. En 1960, le taux de natalité était estimé à 49,5 p. 1 000 et le taux de mortalité à 18 p. 1 000. Le taux de croissance annuel serait supérieur à 3 p. 100. Cette croissance rapide est redoutable dans les conditions de surpeuplement du Bangladesh, où la densité moyenne dépasse déjà 500 habitants au kilomètre carré.

La pyramide des âges en 1960 indiquait la distribution suivante : 53,8 p. 100 de moins de 20 ans, 27,3 p. 100 de 20 à 39 ans, 13,7 p. 100 de 40 à 59 ans, 5,2 p. 100 de 60 ans et plus. La jeunesse de la population contrarie le freinage de la natalité et les progrès de la scolarisation. Le taux général d’alphabétisation était de 17,6 p. 100 en 1961 (26 p. 100 pour les hommes et 8,6 p. 100 pour les femmes). Cependant, les effets de l’effort récent de scolarisation peuvent se mesurer dans le taux d’alphabétisation des groupes d’adolescents : 27,7 p. 100 pour le groupe 15-19 ans (39,8 p. 100 chez les garçons et 15,9 p. 100 chez les filles), 32,8 p. 100 pour le groupe 10-14 ans (40,5 p. 100 chez les garçons et 23 p. 100 chez les filles).

Le Bangladesh est avant tout un pays rural : 94 p. 100 des habitants vivent dans des villages, c’est-à-dire des agglomérations ne dépassant pas 5 000 habitants. Le village bengali, formé de huttes en terre, rectangulaires, couvertes de chaume, est établi généralement sur une éminence, d’où il peut dominer l’inondation. Pendant des mois, il a l’aspect d’une île frangée d’arbres et n’assure ses communications que par des barques à rames ou à voiles. L’indigence de la vie urbaine s’explique en partie par la partition de 1947, qui a donné Calcutta, métropole du pays, à l’Inde. Mais aussi les conditions économiques ont peu favorisé le développement urbain depuis 1947. En dehors de la capitale, Chittagong (Chāttagām, 889 000 hab. en 1974) est la seule ville importante, magnifique port naturel près de l’estuaire de la Karnāphulī, ville industrielle, port exportateur du jute et du thé. Les autres villes notables sont : Khulnā (452 000 hab.), centre industriel (allumettes, réparations navales) à proximité de la forêt des Sundarbans, au point de contact de la navigation à vapeur et de la navigation intérieure ; Barisāl (98 200 hab.), centre de transit maritime entre les bouches du Gange et du Brahmapoutre et le port de Chittagong ; Rājshāhī (132 900 hab.), sur le Gange ; Comilla (86 500 hab.), sur la rivière Gumti (Gomatī) ; Maimansingh (ou Mymen-Singh, 182 200 hab.), sur un ancien chenal du Brahmapoutre ; Sylhet (37 000 hab.), dans la vallée de la Surma. La station climatique de Cox’s Bāzār (8 000 hab.) possède une des plus belles plages marines du monde à quelque 120 km au sud de Chittagong.

Dacca

La partition de 1947 a entraîné, pour remplacer Calcutta, le développement d’une métropole du Bengale oriental : l’agglomération de Dacca-Narāyanganj, conurbation de près de 2 millions d’habitants. Dacca (Dhāka) est une vieille cité, devenue capitale du Bengale en 1608. Sa prospérité à l’époque de l’Empire moghol provenait du commerce et de ses artisanats, notamment de ses célèbres mousselines. Mais l’époque coloniale ruina cette prospérité au profit de Calcutta, et Dacca ne recommença à se développer qu’après le premier partage du Bengale (1905). Construite sur une terrasse pléistocène à la limite sud de la jungle de Madhūpūr, elle domine la plaine alluviale du Bengale et se trouve presque entièrement au-dessus du niveau de l’inondation annuelle. L’ancienne cité, habitée par les classes les plus pauvres, est une ville indienne typique, avec des rues au tracé irrégulier se terminant souvent en impasse, des mosquées et des temples hindous qui ont moins de cent ans, le fort de Lāl Bāgh, un grand bazar (chauk). Un centre moderne s’est développé, pourvu de larges artères, autour de Victoria Park. L’extension de la ville reflète les contrastes sociaux, opposant des quartiers résidentiels aisés (Azimpur), le quartier de l’Université et des édifices publics (Rāmna), et des quartiers industriels (Tejgāon, Hazārībāgh, Postagola, Narāyanganj). L’agglomération est limitée au sud par la rivière Burhī Ganga (Vieux Gange), centre d’un important système de navigation intérieure. Les voies de communication ont permis le développement de multiples industries. Narāyanganj, important port fluvial, est devenu le plus grand faubourg industriel (270 700 hab. en 1974), centre de l’industrie du jute et des constructions navales.


L’économie

En 1969-70, le revenu individuel moyen était estimé à 71 dollars. Ce chiffre exprime le fait que le Bangladesh est un des pays les plus pauvres du monde.


L’agriculture

Environ 60 p. 100 du revenu national proviennent de l’agriculture (surtout une agriculture de subsistance), qui nourrit 80 p. 100 de la population.

Dans une petite partie du pays, les collines de Chittagong, des tribus pratiquent l’agriculture itinérante (appelée jhum), que l’on retrouve dans les montagnes voisines de l’Assam et de Birmanie. Dans une autre région, celle de Sylhet, sur des éperons des collines de Tripura, s’est développée l’agriculture moderne des plantations de thé. Tout le reste du pays est le domaine d’une agriculture de type bengali, qui peut obtenir trois récoltes successives dans l’année grâce à la longueur de la saison humide : culture d’hiver (rabi), surtout dans les aires deltaïques les plus basses, où des marécages et des étangs persistent en saison sèche (on y cultive notamment le riz « boro », aux rendements très bas) ; culture de printemps (bhadoi), profitant des « petites pluies » et développées surtout sur les terroirs élevés non inondables, principalement dans le nord du pays (soit le jute, soit le riz « aus », qui n’est pas inondé) ; culture d’été (kharīf), de mai-juin à octobre-novembre, qui se pratique sur les trois quarts du territoire en utilisant l’inondation naturelle (c’est le riz « aman », culture vivrière fondamentale). La pression démographique explique l’extrême morcellement de la terre cultivée, qui ne fait que s’aggraver : 80 p. 100 des familles rurales cultivent des exploitations inférieures à 1,2 ha ; les notables de villages possèdent de 3 à 5 ha, tandis qu’un million et demi de ruraux sont complètement dépourvus de terre. Ces conditions rendent difficile la lutte contre l’arriération technique. Le Bangladesh pourrait être beaucoup mieux cultivé si l’on réalisait d’immenses travaux d’irrigation. Il faut, toutefois, remarquer que la « révolution verte » y a peu d’effet, parce que les nouvelles variétés de riz à haut rendement, qui sont à tiges courtes, ne sont pas adaptées aux terroirs d’inondation, où l’on ne peut faire que du riz flottant à longues tiges.