Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Painlevé (Paul) (suite)

L’homme politique

Consulté en 1910 par le Parlement, Painlevé obtient le premier vote de crédits pour l’aviation. La même année, il est élu député de la Seine, département qu’il représentera jusqu’en 1928 ; à cette date, il deviendra député de l’Ain. Il s’inscrit à la Chambre au groupe républicain socialiste et montre, à la tribune, ses qualités de savant : puissance de travail et assimilation. Dès octobre 1915, son ami Briand*, formant son cinquième cabinet, l’appelle à l’Instruction publique, ministère qui comporte alors les « inventions concernant la défense nationale » ; pendant quatorze mois (chute de Briand, 12 déc. 1916), Painlevé organise une véritable mobilisation des savants et des laboratoires ; grâce à lui, les fabrications de guerre bénéficient de l’apport d’inventions multiples. Alexandre Ribot, en mars 1917, l’appelle au ministère de la Guerre. Painlevé n’a pas confiance en l’offensive de Nivelle ; il le dit ! Cependant, certains, plus tard, lui reprocheront de l’avoir « couverte » ; il se défendra en précisant que ce fut lui qui remit à Foch et à Pétain les rênes du commandement. Ribot tombé (7 sept. 1917), Painlevé le remplace à la présidence du Conseil tout en gardant le portefeuille de la Guerre ; mais l’autorité de son gouvernement est trop faible pour triompher de la grave crise que traverse alors la France ; dès le 16 novembre, Clemenceau* remplace Painlevé. Celui-ci contribue activement, en 1924, au triomphe du Cartel* des gauches, dont il est, avec Édouard Herriot*, le chef. Cette action lui vaut même d’être élu président de la Chambre (juin 1924 - avr. 1925), mais le Congrès lui préfère Gaston Doumergue lors de l’élection à la présidence de la République (13 juin 1924).

Le 17 avril 1925, Painlevé revient au pouvoir. On compte beaucoup, au lendemain de la chute d’Herriot, sur ce deuxième cabinet Painlevé : le président du Conseil est connu pour sa hardiesse ; il en donne une nouvelle preuve en appelant Joseph Caillaux* aux Finances ; mais le « miracle Caillaux » n’a pas lieu, et Painlevé démissionne le 27 octobre 1925. Il se succède à lui-même (29 oct.), troquant le portefeuille de la Guerre contre celui des Finances ; un mois après, il passe le pouvoir à Briand, qui, en matière financière, va, lui aussi, en être réduit aux expédients. Dans ce huitième cabinet Briand (nov. 1925 - mars 1926), Painlevé assume encore la Guerre, comme dans les neuvième et dixième cabinets Briand (9 mars - 15 juin 1926 et 23 juin - 17 juill. 1926), le deuxième cabinet Herriot (19-21 juill. 1926), le « grand » ministère Poincaré — celui des « présidents » — (23 juill. 1926 - 6 nov. 1928), le cinquième cabinet Poincaré (11 nov. 1928 - 27 juill. 1929) et le onzième cabinet Briand (29 juill. - 22 oct. 1929).

Ce long séjour rue Saint-Dominique lui permet d’accomplir plusieurs réformes importantes dans l’armée française ; en 1928, le service militaire est réduit à un an. En mars 1927, sous l’égide de Painlevé, est votée la loi Paul-Boncour, sur l’organisation de la nation en temps de guerre, loi qui restera dix ans en instance devant le Sénat. Ministre de l’Air dans le cabinet Steeg (déc. 1930 - janv. 1931), Painlevé l’est de nouveau dans le troisième cabinet Herriot (3 juin - 14 déc. 1932) et le cabinet Paul-Boncour (18 déc. 1932 - 28 janv. 1933). À la chute de ce dernier ministère, l’état de santé de Painlevé le contraint à se retirer complètement des affaires publiques ; il préside alors l’Institut international de coopération intellectuelle. Le 4 novembre 1933, Painlevé aura des obsèques nationales, qui seront suivies de son inhumation au Panthéon.

P. P.

Pajou (Augustin)

Sculpteur français (Paris 1730 - id. 1809).


Son maître fut Jean-Baptiste Lemoyne*, dont il fit un buste très vivant en témoignage de reconnaissance. Le premier grand prix de sculpture, remporté en 1748, lui ouvrit les portes de l’Académie de France à Rome pour un séjour fructueux, de 1752 à 1756. De retour dans la capitale, il accumula honneurs académiques et charges officielles : l’Académie royale lui ouvrit ses portes en 1760 sur un petit groupe de Platon enchaînant Cerbère, aujourd’hui au Louvre. Il annonce un style facile, un peu superficiel et qui n’a pas oublié la grâce souveraine de la grande génération du milieu du siècle.

Pajou pâtit quelque peu aujourd’hui d’avoir trop produit pour satisfaire aux commandes. S’il garde de son maître Lemoyne une attirance pour le portrait, il reste moins intuitif, moins inspiré que son contemporain Houdon*. Il apparaît comme le sculpteur attitré de Mme du Barry, dont il exécuta plusieurs bustes et dont il décora le pavillon de Louveciennes.

Un des grands chantiers que lui confia la monarchie fut la décoration de l’Opéra, qui termine la grande entreprise du château de Versailles. Il est le maître d’œuvre d’une équipe qui, tant à la façade que dans la salle, travaillant la pierre et le bois, anime un monde d’allégories aimables que le retour à l’antique n’a pas encore, ou si peu, touché. Et cela avec une rapidité exemplaire — mais quelque peu dangereuse — en deux ans, de 1768 à 1770. Un autre grand ensemble a disparu : le décor du château de Bellevue, qui date de 1773-74. Pajou travailla aussi à la façade de la cathédrale d’Orléans et à Saint-Louis de Versailles. Il fit des groupes et des bas-reliefs pour la façade du Palais-Royal. Le règne de Louis XVI confirma sa fonction prépondérante ; ses portraits du nouveau roi ne sont pas sans mérite. En 1777, il obtint la charge de garde des Antiques. Il reçut la plus grosse part de la grande commande du comte d’Angiviller, directeur des Bâtiments, destinée à commémorer les grands hommes : statues assises, portraits rétrospectifs et souvent assez ennuyeux ; de lui sont Buffon, Descartes, Bossuet, Turenne et Pascal. La Révolution et l’âge ralentirent son activité, mais il mourut comblé d’honneurs.

Presque jusqu’à la fin, Pajou fut rebelle à l’art refroidi du néo-classicisme : il perpétue le souci de grâce et de charme de la génération précédente, même quand il adopte une défroque antiquisante. Il ne faut pas chercher chez lui trop de profondeur, mais son beau métier parvient parfois au chef-d’œuvre, ainsi avec la Psyché abandonnée (1785-1790, Louvre), qui, mieux que par l’expression psychologique, vaut par l’extraordinaire vibration qu’il a su donner à cette chair palpitante et affaissée dans le chagrin. L’œuvre rejoint presque l’hallucinante Vérité du Bernin ; sa sensualité si évidente choqua le curé de Saint-Germain-l’Auxerrois et la fit chasser du Salon ! La Marie Leszczyńska en Bienfaisance (1769) rappelle les statues-portraits allégoriques d’Antoine Coysevox et des Coustou*. Pajou s’essaya aussi au genre anacréontique à la mode, mais sa Bacchante du Louvre (1774) ne vaut pas Clodion*. Ses bustes, surtout ceux de femmes, ont de la sensibilité et de la présence, et parfois on a attribué à Houdon des œuvres de Pajou, comme le Buffon du musée de Dijon. Il sait caractériser socialement ses personnages, par exemple l’altière Mme de Wailly, Mme Vigée-Lebrun, qui unit le charme à l’intelligence avec une allure « artiste », la bourgeoise Mme Sedaine. Il s’est montré chaleureux en modelant les portraits de ses amis, le poète Sedaine, le peintre Hubert Robert, l’acteur Carlo Bertinazzi (1763, à la Comédie-Française). On lui commanda aussi des monuments funéraires (dont il ne reste à peu près rien), genre où il ne brilla pas par l’originalité. C’est assurément comme poète de la femme, dont il rendait si bien la grâce fragile, fière ou sensuelle, qu’il mérite le mieux de survivre.

F. S.

 H. Stein, Augustin Pajou (Lévy, 1912).