Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

architecture (suite)

La diffusion du style international en Europe

La popularité du style international s’exprime par de multiples œuvres plus secondaires, que ce soit celle de Victor Bourgeois à Bruxelles ou celle de Robert Mallet-Stevens (1886-1945) à Paris — celui-ci surtout styliste —, ou par les manifestations du « Gruppo 7 » italien, dont l’œuvre la plus caractéristique reste la Casa del Fascio de Côme (1936) par Giuseppe Terragni (1904-1943). La réputation de ce style s’étend jusqu’en Tchécoslovaquie, avec Bohuslav Fuchs (né en 1895) à Brno, en Suède, avec Gunnar Asplund (1885-1940), en Grèce, où une architecture scolaire remarquable voit le jour entre 1928 et 1936.


Les États-Unis

L’art moderne quittera peu la vieille Europe. Les États-Unis, gravement atteints par le krach de 1929, passent par une période de paupérisme assez frappante. Dès avant, un architecte comme Frank Lloyd Wright avait dû quitter son pays et travailler au Japon, où il réalise l’Imperial Hotel de Tōkyō, l’une de ses œuvres majeures, entre 1916 et 1922. Rentré aux États-Unis, il voit son œuvre passée de mode et ne réalisera à peu près plus rien jusqu’en 1936 : « Taliesin » à Phoenix (Arizona), la Millard House de Pasadena sont des projets privés. Pourtant, une fièvre de construction marque les États-Unis dans cette période : c’est la grande époque du gratte-ciel* new-yorkais.

Dans ces édifices gigantesques, pyramidants, le néo-gothique triomphe. La diffusion du style international dans les années 1925-1927 ne tarde pourtant pas à influencer leur architecture : Raymond Hood (1881-1934) et John Mead Howells se « convertissent » à l’art moderne avec le « Daily News » Building (1930), le McGraw-Hill Building (1931) et la « Radio City » du Rockefeller Center (1932-1940). Les deux architectes new-yorkais seront bientôt rejoints par George Howe (1886-1955) et William Lescaze, auteurs du Savings Fund Society Building de Philadelphie (1932).

Enfin, dans le domaine de l’habitation individuelle, il convient de faire une place à deux architectes américains d’origine autrichienne : Richard Neutra* (1892-1970) et Rudolf Schindler (1887-1953), tous deux anciens collaborateurs de Wright. La Lovell Beach House de Newport Beach par Schindler, en 1926, et la Lovell Health House de Los Angeles par Neutra, en 1927-1929, sont des œuvres majeures, où le vocabulaire international est très habilement exploité pour la mise en valeur du site et l’enrichissement de l’espace intérieur.


L’U. R. S. S.

Il importe de mettre en relief le développement particulier de l’architecture soviétique dans cette période. Ce sont d’une part les clubs ouvriers construits par les frères Leonid A., Viktor A. et Aleksandr A. Vesnine (Club des acteurs de cinéma à Moscou, 1931-1934), par Konstantine K. Melnikov (club Roussakov à Moscou, 1927) ou par Illia A. Golossov (club Zouïev à Moscou, 1928) et d’autre part les nouveaux types de logements collectifs, anticipant sur la « Cité radieuse » de Le Corbusier, dont le groupe du Stroïkom, sous la direction de Moïse I. Guinzbourg, a été l’auteur (immeuble du Narkomfin à Moscou, 1928-1929). Dépassant ces tendances en une série de projets utopiques, l’œuvre d’Ivan Leonidov (1902-1960) représente l’un des aspects les plus avancés de l’architecture moderne en U. R. S. S. avant l’épisode stalinien.


La crise des années 30


L’avènement du néo-classicisme

À partir des années 35, les centres créateurs de l’architecture contemporaine se déplacent en raison inverse des progrès de la politique des dictatures. Les meilleurs architectes allemands quittent leur pays à la prise du pouvoir par Hitler. Les pays asservis connaissent une nouvelle orientation architecturale : le néo-classicisme, qui envahit l’Europe entière, contaminant même les pays démocratiques.


Le Corbusier

En France, Le Corbusier retourne à ses recherches théoriques, les commandes se faisant rares : ce sont principalement des études d’urbanisme pour Alger, Buenos Aires, São Paulo, Montevideo, Barcelone, Paris, et des recherches dans le domaine du gratte-ciel, dont il voudrait tenter l’application à Alger.

Sa seule réalisation concrète après 1932 sera hors de France — mais elle aura des conséquences telles qu’elle reste à ce jour l’une des œuvres fondamentales de l’histoire de l’architecture moderne : il s’agit du ministère de l’Éducation nationale à Rio de Janeiro (1936-1943), en collaboration avec O. Niemeyer et L. Costa. L’utilisation entièrement nouvelle du brise-soleil, dont Le Corbusier avait exprimé l’idée dans son projet pour Alger, se combine avec un recours beaucoup plus franc aux matériaux naturels.


L’école sud-américaine

Le Corbusier, une fois encore, apparaît comme le catalyseur : son voyage au Brésil sera l’occasion de la naissance d’une école sud-américaine, dont les principaux représentants sont, outre Afonso Reidy (1909-1963), Lúcio Costa (né en 1902) et Oscar Niemeyer* (né en 1907). Auteurs du pavillon brésilien à l’Exposition internationale de New York en 1939, les deux hommes se retrouveront plus tard pour l’édification de Brasília*, non sans avoir réalisé chacun, entre-temps, d’autres édifices de réputation internationale.


La Finlande

Un autre foyer de l’art moderne, dans cette période, est l’Europe du Nord. La Finlande reprend le devant de la scène grâce à la personnalité d’Alvar Aalto* (1898-1976) : après le sanatorium de Paimio (1929-1933), l’une des expressions les plus accomplies du style international, Aalto édifie de 1927 à 1935 la bibliothèque de Viipuri (Vyborg), qu’on a pu considérer comme le manifeste d’un « nouvel empirisme ». L’œuvre d’Aalto, en effet, est tout entière tournée, comme celle de Wright, vers une logique organique : infléchissement des courbes, décomposition des plans, animation des matériaux et surtout recherche inlassable de la continuité.


Renaissance de F. L. Wright

Aux États-Unis, le mouvement architectural est en plein progrès : le vieux Wright renaît après quelque vingt ans d’éclipsé et de solitude. En 1936, il construit la « maison sur la cascade » à Bear Run (Pennsylvanie). C’est, dans toute l’architecture contemporaine, la plus belle des intégrations à un site, la plus audacieuse et la plus riche en sentiment d’espace.

La même année, Wright entreprend une autre œuvre tout aussi novatrice : les laboratoires Johnson à Racine (Wisconsin) ; dans la ligne du Larkin Building, ceux-ci sont conçus comme une enveloppe fermée, en brique, dont le vaste espace intérieur est couvert d’une série de piliers champignons en béton.

Les œuvres de Wright, d’Aalto et de Le Corbusier, pour différentes qu’elles puissent paraître et isolées en leur temps, expriment un souci commun du dépassement des premières formules « puristes » ou « fonctionnalistes » de l’art moderne et la recherche d’une plus grande unité formelle.