symétrie

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec sun (préposition), « associé », « identique », et metron, « mesure ».

Mathématiques, Physique

1. En géométrie : correspondance ordonnée des parties d'une figure ; collection des transformations qui laissent une figure inchangée. 2. Plus généralement, dans un ensemble doté d'une relation d'équivalence : collection des transformations qui laissent les classes d'équivalences invariantes, c'est-à-dire qui changent chaque élément de l'ensemble (point, objet ou état) en un autre élément équivalent au premier.

Une telle collection de transformations est dotée d'une structure de groupe par l'opération de composition. On peut en effet montrer que l'identité appartient à la collection, que l'inverse d'une transformation est une autre transformation de la même collection, que l'opération de composition des transformations est associative, et que la composée de deux transformations est une autre transformation de la même collection. On qualifie alors la collection de transformations de groupe de symétrie.

La physique utilise largement les symétries comme guide pour l'élaboration théorique, selon deux modalités : (1) transitive et (2) active (voire constitutive).

L'usage transitif s'appuie sur les symétries de certains phénomènes pour les étendre à d'autres phénomènes qui leur sont causalement liés. Il est sous-tendu par le « principe de Curie » selon lequel les éléments de symétrie de la cause doivent se retrouver dans les effets. Le principe de Curie ne doit cependant pas être survalorisé. Il n'est qu'un guide de l'investigation, qui pousse à chercher l'explication d'une asymétrie constatée dans une asymétrie des conditions initiales. Il conduit par exemple à chercher à expliquer l'asymétrie des probabilités d'événements par l'asymétrie des processus aboutissant à ces événements. Rien n'empêche qu'il s'avère non pas invalidé (on n'invalide pas un principe heuristique), mais simplement infécond dans certaines circonstances. Cela peut être le cas dans des situations de sensibilité aux conditions initiales, où un état de départ quasi symétrique conduit à des états ultérieurs massivement asymétriques. Cela est encore plus le cas dans les théories quantiques, où d'authentiques processus de brisure spontanée de symétrie, n'admettant aucune explication antécédente, se trouvent mis en œuvre.

L'usage actif des symétries consiste à postuler des groupes de symétrie puis à en inférer des quantités conservées et des lois physiques. Ou bien, inversement, à remonter de quantités conservées vers des groupes de symétrie susceptibles de les sous-tendre. Cette relation mutuelle est permise par le théorème de Noether, selon lequel à chaque symétrie s'appliquant à la fonction lagrangienne d'un système (d'où dérivent les lois par application d'un principe de moindre action) correspond une quantité conservée.

Pour cet usage actif, on distingue plusieurs classes de symétries : externes et internes, globales et locales. Les symétries externes s'appliquent directement aux événements et processus situés dans l'espace-temps, tandis que les symétries internes concernent des entités géométriques dans un espace abstrait. Les symétries globales, quant à elles, s'appliquent également à tous les points de l'espace considéré, tandis que les symétries locales mettent en œuvre des groupes variant d'un point à l'autre de cet espace.

Un cas important de symétrie externe et globale est la transformation de Lorentz de la théorie de la relativité restreinte, dont l'imposition à toutes sortes de théories constitue une contrainte féconde en conséquences prédictives. L'emploi coordonné de symétries internes a par ailleurs permis d'établir des liens a priori inattendus entre diverses quantités conservées, comme par exemple la charge électrique, l'isospin, l'« étrangeté » et le nombre baryonique (unis par la formule de Gell-Mann – Nishijima). Enfin, la mise en œuvre de symétries locales est à la base des théories de jauge, qui permettent de dériver les caractéristiques de chaque type d'interaction. Un objectif mobilisateur de la physique contemporaine consiste à identifier un système de symétries (locales et globales) suffisamment vaste pour parvenir par ce biais à une théorie quantique des champs complètement unifiée. Plusieurs étapes de ce programme ont déjà été franchies, et seule la « grande unification », incluant non seulement les interactions électro-magnétique, faible, et forte, mais aussi l'interaction gravitationnelle, reste à l'horizon de la recherche. L'étape suivante d'unification semble requérir une nouvelle symétrie, intervenant naturellement dans les théories de supercordes : la supersymétrie, qui transforme chaque espèce de particules de la famille des bosons en une espèce de particules de la famille des fermions.

La signification accordée à l'emploi des symétries en physique dépend du genre de philosophie des sciences à laquelle on adhère. Dans le cadre d'un réalisme scientifique standard, cet emploi est dicté par la découverte de symétries pré-existantes dans la nature. Selon une perspective empiriste, les symétries sont une caractéristique utile mais, au fond, contingente des modèles que nous utilisons pour « sauver » économiquement les phénomènes. Il existe également une troisième conception, qui s'écarte du contingentisme faible de l'empirisme, sans pour autant accepter l'idée que la nécessité des symétries est imposée de l'extérieur. C'est l'approche néotranscendantale, selon laquelle la recherche des symétries ne fait qu'expliciter la procédure générale de constitution d'objectivité par définition d'invariants phénoménaux à travers des collections de plus en plus larges de transformations. En ce sens, l'approche néotranscendantale attribue, comme l'approche réaliste, une forme de nécessité à l'usage de symétries en physique. Il ne s'agit cependant plus là de nécessité ontologique : seulement de nécessité constitutive pour la connaissance.

Michel Bitbol

Notes bibliographiques

  • Rosen, J., Symmetry in Science : an Introduction to the General Theory, Springer-Verlag, 1998.
  • Van Fraassen, B., Lois et symétries, Vrin, Paris, 1995.
  • Weyl, H., Symétrie et mathématiques modernes, Champs-Flammarion, Paris, 1996.

→ invariance, particule, relativité