résistance

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin resistere, de sistere, « (se) placer, poser ; tenir ferme », et re-, à valeur intensive et contraire. En allemand : Widerstand, de stehen, « être debout », et wider-, « contre, à l'encontre de ».

Politique

C'est d'abord l'acte par lequel on s'oppose pour conserver. Comme droit, la notion ne dérogera pas à sa signification étymologique.

Justifié à dire « non » par son daímon, Socrate persévère dans ses occupations sans obtempérer aux ordres du gouvernement des Trente. De même Pierre : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes » (Actes des Apôtres, V, 29) ; le droit naturel de résister enveloppe l'obligation d'un devoir. La question renvoie alors aux limites d'un champ d'exercice légitime.

Dès le xiie s., J. de Salisbury pose cette légitimité lorsque le prince, rompant le pacte sur lequel est fondée son autorité, devient un ennemi public. Saint Thomas d'Aquin cite Pierre afin de légitimer la désobéissance à des lois contraires au droit naturel et au bien commun (Summa, Ia-IIae, q. 96, a.4 ; q 92, art. 1, 3-4). B. da Sassoferrato précise les conditions de la résistance légitime : l'impossibilité d'en appeler à un supérieur, l'utilité publique de l'insurrection (1355)(1). Des Vindiciæ contra Tyrannos (1579)(2) au Traité du gouvernement civil (1690)(3), via la théorie des contre-pouvoirs chez Althusius (1614)(4), c'est sur la base du contrat et du droit naturel qu'est traitée la question. Une exception : Spinoza, qui, dans son Traité politique (1677), déplace le problème sur le plan d'une ontologie de la durée instruite par Machiavel. La résistance n'est plus alors conservatrice, elle est inventive et politiquement constitutive. Comme droit de nature de la multitude (identique à sa puissance), c'est dans et par la résistance dans le jeu immanent des affects que s'auto-organise le corps de l'État. La théorie de la souveraineté tendait à exclure la résistance populaire du champ de la philosophie politique (Hobbes) ; Spinoza fait du droit de guerre inaliénable de la multitude la base ontologique et dynamique de sa théorie de la souveraineté.

Dans Dits et Écrits IV, Foucault déclare que la résistance vient en premier, qu'elle oblige les rapports de pouvoir à se modifier et qu'on ne saurait ainsi penser son processus vital de création éthique et politique sous la figure de la négation. Le concept de résistance, étant celui de la limite interne de tout pouvoir qui à chaque instant le constitue mais peut aussi le défaire, devient alors le concept clé d'une ontologie politique antimoderne (ou, dit autrement, d'un temps de la présence singulière et puissante comme événement contre le temps finalisé de l'accomplissement dialectique)(5).

Laurent Bove

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Zancarini, J.-C. (textes réunis par), le Droit de résistance xiie-xxe siècles, ENS Éditions, Paris, 1999.
  • 2 ↑ Du Plessis Mornay, Ph., Vindiciæ contra Tyrannos, trad. de 1581, rep. fac-similé, Droz, Genève, 1979.
  • 3 ↑ Locke, J., Traité du gouvernement civil, ch. III, 20 ; IV, 23 ; XIV, 168 ; XVIII, 202, trad. D. Mazel, Garnier-Flammarion, Paris, 1984.
  • 4 ↑ Althusius, Politica methodice digesta, 1603-1610, trad. du ch. 38 « De la tyrannie et ses remèdes » (de l'éd. de 1618) par M. H. Belin, dans Philosophie, Paris, nov. 1984.
  • 5 ↑ Deleuze, G., Foucault, Minuit, Paris, 1986 ; Pourparlers, ch. V, Minuit, Paris, 1990.

Psychanalyse

Ce qui s'oppose à l'accès de certains contenus inconscients. La résistance n'a de sens qu'à l'intérieur du dispositif de la cure. Ce dernier comporte un analysant ayant intégré la règle fondamentale et pratiquant l'association libre – ce qui nécessite un temps d'apprentissage –, et un analyste sensible aux formes très diverses de la résistance.

Il faut, d'abord, écarter l'idée naïve selon laquelle c'est l'analysant qui résiste. Le processus analytique porte sur des contenus et des processus inconscients. Même un mauvais vouloir consciemment manifesté renvoie à une défense ignorée par l'analysant.

Bien que la résistance ne se réduise pas aux mécanismes de défense du moi, ils y interviennent : par le refoulement, par le bénéfice secondaire de la maladie, etc. De plus, l'attraction du refoulé primaire nécessite un travail particulier de perlaboration, et le sentiment inconscient de culpabilité, une mise au jour des particularités du surmoi.

Les résistances balisent le parcours de la cure, et leur analyse est tissée avec celle du transfert. Ainsi, les espoirs de diminution de sa durée sont limités.

André Bompard

→ association, défense, perlaboration, transfert