punition

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin punitio, « châtiment ».

Morale, Philosophie du Droit, Politique

Action de punir et, par métonymie, châtiment infligé par jugement pour une faute.

M. Foucault a montré dans Surveiller et punir que la fin du xviiie s. voyait la concurrence de trois modèles de penser et d'organiser la punition. La première met en scène de façon spectaculaire la vengeance du souverain et sa force : elle se manifeste dans les supplices dont l'Ancien Régime est coutumier. La deuxième, représentée de façon exemplaire dans les textes de Beccaria, la comprend comme un art des effets : le corps social exerçant son pouvoir sur des sujets de droit, organise la peine comme exemplaire et préventive ; elle doit associer l'idée du châtiment à celle du crime et, par la qualification des infractions, créer le respect de la loi en chacun. Il s'agit de produire le maximum d'utilité sociale avec le minimum de cruauté : « Parmi les peines et dans la manière de les appliquer en proportion des délits, il faut choisir les moyens qui feront sur l'esprit du peuple l'impression la plus efficace et la plus durable, et en même temps la moins cruelle sur le corps du coupable. »(1). La troisième, qui fait plus particulièrement l'objet des analyses de Foucault parce que c'est celle qui s'est imposée dans nos sociétés contemporaines, trouve son expression privilégiée dans la prison. L'institution carcérale organise le dressage des corps, l'appareil administratif procède au classement normatif des individus, reflet d'une société qui se fait toute entière, dans ses institutions (école, armée...) comme dans son savoir (sciences humaines), société disciplinaire.

Ce faisant, Foucault laisse de côté, parce qu'elles ne sont pas son objet, l'analyse des philosophies du droit qui, dans le sillage de Beccaria, mais contre lui (entre autre sur la question de la peine de mort(2)), tâchent de comprendre de façon purement rationnelle ce qu'est la punition, ce qu'elle signifie et en quoi elle doit consister. Kant, en particulier, s'élève contre l'idée d'une peine exemplaire. Ce qui justifie la punition ne saurait être son utilité, ni pour le condamné qu'elle amenderait, ni pour la société qu'elle éduquerait : l'homme, même criminel, n'est pas un simple moyen mais toujours en même temps une fin. Elle n'est pas un outil de gestion sociale, car sinon, on serait aussi bien fondé à punir pour l'exemple un innocent qui aurait toute les apparences de la culpabilité. La peine n'est juste que si elle est administrée en raison du crime. L'individu puni « devrait avouer lui-même qu'on lui a fait droit et que son sort correspond parfaitement à sa conduite »(3). On voit par là que la punition s'adresse à des sujets de droit, et doit être prononcée comme application du droit et non comme vengeance. Elle suppose pour être légitime le système complet du droit : un pouvoir législatif qui décide de la loi, un pouvoir judiciaire qui prononce la peine en raison de l'infraction à la loi, et un pouvoir exécutif qui l'applique. Elle doit aussi pour être juste être en rapport avec la gravité de l'infraction. Parce que la peine est en raison du crime, il faut qu'il y ait une équivalence entre le crime et le châtiment (pour que l'assassin ne soit pas puni comme le voleur de pain). Le législateur doit donc établir un système pénal qui proportionne la gravité de la peine à la gravité de la faute(4).

Colas Duflo

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Beccaria, Des Délits et des peines, cité in M. Foucault, Surveiller et punir, Gallimard, Paris, 1993, p. 113.
  • 2 ↑ Contre Beccaria et en faveur de la peine de mort, voir par exemple J.-J. Rousseau, Contrat social, livre II, chap. V, ou G. W. Hegel, Principes de la philosophie du droit, § 90-103.
  • 3 ↑ Kant, E., Critique de la raison pratique, Gallimard, La Pléiade, Paris, 1985, t. II, 653.
  • 4 ↑ Kant, E., Métaphysique des mœurs, Doctrine du droit, § 49, E, Gallimard, La Pléiade, Paris, 1986, t. III, pp. 600-608.

→ châtiment, droit, faute