publicité

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Nom dérivé (au xviie s.) de public (du latin publicus, « qui concerne le peuple ») ; abrégé familièrement en pub.

Esthétique

Ensemble des techniques médiatiques destinées à promouvoir un produit, un service, voire une cause de portée générale. De simple relais commercial, elle est devenue une des structures caractéristiques des sociétés développées.

Les manifestations visuelles et / ou sonores de la publicité sont des « formes brèves » mais insistantes qui opèrent sur le mode d'une mythologie généralisée : affiches, slogans ou spots ré-informent le monde de manière telle qu'ils semblent, de nouveau, lui donner un sens. À cet égard, la publicité serait, pour notre société, un réservoir d'imaginaire comparable à celui qui, des siècles durant, fut irrigué par la fable, voire un substitut des anciens discours de légitimation.

Sa force réside en effet dans le jeu qu'elle pratique avec le désir, soit qu'elle se serve de tendances spontanées pour les mettre au service d'objectifs nouveaux, soit qu'elle vise à fabriquer de toutes pièces un désir qui se reconnaîtra dans le produit proposé. Elle représente donc un champ d'investissement et d'investigation considérable, tant du point de vue psychosociologique que sémiotique. Ce n'est sans doute pas un hasard si les premiers travaux sémiologiques de Barthes ont porté sur les images publicitaires. À propos d'une publicité Panzani(1), celui-ci discernait trois composantes distinctes : un message linguistique (identification de la marque, accroche et parfois argumentaire), un message iconique codé (ici une série de signes discontinus renvoyant à l'italianité : pâtes, poivrons, sauce, parmesan, filet à provisions, etc.) et un message iconique non codé, à savoir le support analogique de la photographie. L'écart entre les deux messages visuels, le perceptif et le culturel, est homologue de ce qu'il appellera la « connotation de mode », c'est-à-dire l'ajout d'un signifié supplémentaire ayant valeur de marque (à la mode / démodé). La publicité et ses systèmes de communication fonctionnent donc comme un véritable langage social dont l'étude relève des instruments des sciences humaines.

Par son inventivité formelle, la publicité ne cesse aussi de côtoyer le monde de l'art. Si les premières affiches ont été réalisées par des peintres (Lautrec, Mucha), l'échange s'est inversé au cours du siècle, certains peintres d'envergure (Warhol, Rosenquist) étant même issus de milieux publicitaires. En raison de la banalité affichée de ses thèmes et de l'impersonnalité voulue de son style, le pop art représente un cas exemplaire : « est-il la forme d'art contemporain de cette logique des signes et de la consommation (...) ou bien lui-même un pur objet de consommation ? »(2) se demandait en conséquence Baudrillard. Ce qu'il diagnostiquait est une ambiguïté savamment entretenue, « le sourire de la collusion », sorte de complicité ludique sans adhésion.

En dépit du talent réel des publicitaires et de leur capacité à inventer une forme de communication beaucoup plus subtile qu'on ne l'attendrait (redécouverte de l'idéographie ?), il est peu probable qu'il faille identifier créatifs et créateurs. C'est que à l'inverse de l'art qui aide à vivre, la publicité ne nous parle du monde (la santé, la beauté, la sécurité, etc.) que pour nous proposer des conduites biaises et intéressées (par le truchement de l'achat) qui ne nous en disent rien.

Pierre Fresnault-Deruelle

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Barthes, R., « Rhétorique de l'image » (1964), Communications, in l'Obvie et l'obtus, Seuil, Paris, 1982.
  • 2 ↑ Baudrillard, J., La société de consommation (1970), rééd. Gallimard, Paris, 1996.
  • Voir aussi : Christin, A.-M., L'image écrite, Flammarion, Paris, 1995.
  • Floch, J.-M., Identités visuelles, PUF, Paris, 1995.
  • Roy, J.-Y., et Haineault, D.-L., L'inconscient qu'on affiche, Aubier, Paris, 1984.

→ espace public, propagande, signe