projet

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin pro-jectus : « ce qui est jeté en avant ».

Philosophie Contemporaine

Représentation qu'un sujet se fait d'un but à atteindre. Dans la philosophie existentialiste, elle désigne l'être même de l'homme, qui se jette toujours nécessairement vers une fin.

Le projet est une notion finaliste : il se saisit en effet par rapport à une fin, qui donne sens aux moyens mis en œuvre pour y parvenir. C'est donc dans les philosophies téléologiques que la notion de projet apparaît tout d'abord : par exemple, dans la représentation providentialiste de l'histoire, qui définit le processus historique comme réalisation d'un projet divin(1) ou comme réalisation d'une finalité conforme à la nature(2). Dans cette dernière acception, la notion de projet perd sa dimension subjective pour acquérir une valeur objective : le projet désigne un plan qui ne présuppose aucune représentation distincte, mais qui doit être nécessairement postulé pour donner sens au processus historique. La notion de projet est également utilisée dans les philosophies de l'action, afin de rendre compte de la spécificité de l'action humaine : là où les phénomènes naturels sont le produit mécanique de causes efficientes, l'action humaine est un projet, c'est-à-dire qu'elle résulte d'une intention consciente(3).

Cependant, la notion de projet a surtout été développée par les philosophies de l'existence, en particulier celle de Sartre : pour Sartre, l'homme n'est pas seulement un être qui a des projets, au sens de représentations conscientes de buts à atteindre, mais il est lui-même un projet. Cela signifie qu'il n'est pas ce qu'il est (comme la chose) mais qu'il a à être son être : par exemple, le garçon de café n'est pas garçon de café comme cette chaise est cette chaise, mais il doit se faire garçon de café dans chacun de ses actes. C'est donc à partir de cet être qu'il doit réaliser (son projet) qu'il faut saisir l'homme. Tout projet particulier doit ainsi se comprendre à partir d'un projet plus fondamental qui est le projet d'être : tout individu doit en effet se choisir, c'est-à-dire à choisir la manière dont il se rapporte au monde et dont il se rapporte à sa propre facticité. Ainsi, tel individu choisira d'assumer sa laideur et tel autre la fuira dans l'activité intellectuelle. Ce projet est totalement libre : cela ne veut pas dire qu'il est délibéré, au sens où je me représenterais mon projet avant de l'effectuer, ce qui amène Sartre à distinguer le projet d'une action volontaire faite d'après certains motifs ou mobiles ; mais il est libre au sens où il n'est conditionné par aucune cause déterminante : l'homme n'est pas « quelque chose qui serait d'abord pour se mettre ensuite en relation avec telle ou telle fin, mais au contraire un être qui est originellement projet, c'est-à-dire qui se définit par sa fin »(4). En ce sens, le projet est à la fois originel et ultime : ultime, parce qu'il est le choix par l'homme de son être, c'est-à-dire de son ultime possibilité ; et originel parce qu'il n'est dérivé d'aucune raison ou cause efficiente.

Arnaud Tomès

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Bossuet, J.B., Discours sur l'histoire universelle, Flammarion, coll. « GF », Paris, 1966.
  • 2 ↑ Kant, E., Idée d'une histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique, in La Philosophie de l'histoire, Denoël, coll. « Médiations », Paris, 1987.
  • 3 ↑ Hegel, G.W.F., Principes de la philosophie du droit, § 119, Gallimard, coll. « Tel », Paris, 1989.
  • 4 ↑ Sartre, J.-P., L'Être et le néant, Gallimard, coll. « Tel », Paris, 1987, p. 508.

→ Dasein, existence