positivisme

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du bas latin positivus, pour « conventionnel, accidentel », d'où le terme positif (vers 1278) pour qualifier ce qui a un caractère d'évidence, puis positivisme.


À l'origine le positivisme est la philosophie d'Auguste Comte (1798-1857), qui a créé le néologisme. Son sens au xxe s. a une pluralité d'acceptions qui doivent peu à leur origine française. Le positivisme logique, ou néopositivisme, est un courant majeur de la philosophie du xxe s.

Philosophie des Sciences, Politique

Pensée d'Auguste Comte et modalités diverses de son influence.

Les termes « positiviste » et « positivisme » trouvent leur premier sens philosophique dans les années 1820, sous la plume de Comte, dont la doctrine est la philosophie positive. Le positivisme sera ensuite le courant de pensée qui se réclame de cette origine philosophique, et il apparaît comme tel dans les dictionnaires généraux de la seconde partie du xixe s.

Le positivisme revendique d'être la cristallisation philosophique d'un large mouvement d'idées qui, depuis Bacon et l'avènement de la science moderne, privilégie la forme de connaissance que procurent les sciences d'observation : le terme « positif », dans l'Encyclopédie de d'Alembert et de Diderot (t. XIII, 1765), s'emploie pour caractériser un fait ; Saint-Simon (1760-1825) désigne par le terme de « science positive » la science moderne fondée sur des faits ainsi que l'esprit scientifique, qui, d'après lui, est au cœur de la civilisation industrielle naissante.

Claude Bernard, Stuart Mill, Berthollet, Berthelot, Spencer, Renan, Taine se réclament à des degrés divers de la philosophie de Comte et du courant de pensée général que l'on vient d'évoquer. Littré, infidèle à la philosophie dont il se réclame, vulgarisera une conception idéologique du positivisme (réduit à l'éloge des sciences). Le terme sera utilisé de manière de plus en plus vague, et désignera toute doctrine qui réfute l'existence philosophique de tout ce qui n'émanerait pas des sciences.

Le positivisme d'Auguste Comte

« Considéré d'abord dans son acception la plus ancienne et la plus commune, le mot positif désigne le réel par opposition au chimérique : sous ce rapport, il convient pleinement au nouvel esprit philosophique, ainsi caractérisé d'après sa constante consécration aux recherches vraiment accessibles à l'intelligence, à l'exception des impénétrables mystères dont on s'occupe surtout dans l'enfance. En un second sens très voisin du précédent, mais pourtant distinct, ce terme fondamental indique le contraste de l'utile à l'oiseux : alors il rappelle en philosophie la destination de toutes les spéculations pour l'amélioration de la condition individuelle ou collective. Suivant une troisième signification usuelle, cette heureuse expression est fréquemment employée à qualifier l'opposition entre la certitude et l'indécision : elle indique ainsi l'aptitude caractéristique d'une telle philosophie à constituer spontanément l'harmonie logique dans l'individu et la communion spirituelle dans l'espèce entière, au lieu de ces doutes indéfinis et de ces débats interminables que devait susciter l'antique régime mental. Une quatrième acception ordinaire, trop souvent confondue avec la précédente, consiste à opposer le précis au vague : ce sens rappelle la tendance constante du véritable esprit philosophique à obtenir partout le degré de précision compatible avec la nature des phénomènes. Il faut enfin remarquer spécialement une cinquième application, moins usitée que les autres, quoique pareillement universelle, quand on emploie le mot positif comme le contraire de négatif. Sous cet aspect, il indique l'une des plus éminentes propriétés de la vraie philosophie moderne, en la montrant destinée, par sa nature, non à détruire, mais à organiser. »(1)

Réalité, utilité, certitude, précision, organisation : telles sont les valeurs positives. Le positivisme est la doctrine philosophique qui récuse l'histoire passée de la philosophie (par exemple, la métaphysique) en l'intégrant à une philosophie de l'histoire. La loi comtienne des « trois états » indique en effet que les sociétés humaines sont passées de l'âge religieux (absolu, « théologique ») à l'état métaphysique (la modernité critique) pour aboutir à l'âge « positif ».

Le positivisme abandonne non seulement l'interprétation religieuse du monde, mais les catégories de la philosophie classique (substance, cause, etc.) en même temps que toute conception transcendantale de la vérité. Il prétend dépasser la différence entre essence et phénomène ; « L'étude des êtres doit être remplacée par celle des événements. »(2). La théorie positiviste de la connaissance sera donc avant tout une théorie des sciences.

L'épistémologie : d'un positivisme à l'autre

Le néopositivisme, ou positivisme logique, désigne les travaux du Cercle de Vienne (Schlick, Carnap, Neurath). Il n'entretient aucun lien direct avec le positivisme de Comte. Quelques indéniables traits de parenté ne doivent pas masquer les complètes différences entre le positivisme du xixe s. et le néopositivisme, du point de vue épistémologique en particulier.

Le positivisme comtien récuse l'empirisme : rien n'est observable d'emblée, et, si les faits sont bien essentiels à la connaissance, celle-ci ne doit rien à l'induction. La science n'est pas de plain-pied avec le sensible et rompt, de ce fait, avec l'expérience ordinaire ou le sens commun. Des faits nouveaux émergent d'une théorie nouvelle. Le positivisme comtien récuse par ailleurs l'existence possible d'une logique ou d'une unité de la science.

Le néopositivisme, tout au contraire, affirme hautement l'existence d'une science unitaire et professe conjointement l'empirisme et le logicisme auxquels Comte refuse précisément toute validité épistémologique.

Le sens contemporain

La transformation d'un courant général de la pensée moderne en système philosophique (le positivisme d'Auguste Comte) ; la dégradation de cette philosophie en idéologie (le scientisme) ; l'oubli de la philosophie de Comte et l'extraordinaire succès, au xxe s., du néopositivisme, dont le lien est faible avec le premier positivisme ; enfin, la polémique autour de ce succès, mêlée à la reprise de stéréotypes simplificateurs souvent étrangers à la philosophie, tout cela fait de la notion de positivisme une notion complexe.

Juliette Grange, Véronique Le Ru

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Comte, A., « Discours sur l'esprit positif » (1844), in Philosophie des sciences, p. 164, Gallimard, « Tel », Paris, 1996.
  • 2 ↑ Comte, A., Catéchisme positiviste, p. 91, Flammarion, Paris, 1965.
  • Voir aussi : Canguilhem, G., Études d'histoire et de philosophie des sciences, Vrin, Paris, 1983.
  • Comte, A., Cours de philosophie positive, 2 volumes, Hermann, Paris, 1975, rééd. 1990.
  • Kolakowski, L., la Philosophie positiviste, Denoël-Gonthier, Paris, 1976.
  • Mill, J. S., Auguste Comte et le positivisme, (1868), Harmattan, Paris, 1999.
  • Scharff, R., Comte After Positivism, Cambridge University Press, New York, 1995.

→ empirisme, encyclopédie, logicisme, scientisme