négation

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin negare, « nier ». En allemand : Verneinung, de verneinen, « nier », composé de nein, « non », et de ver-, qui indique que l'action est menée jusqu'à son terme. Verneinung désigne à la fois la négation logique ou grammaticale, « nier », et la dénégation, au sens psychologique, « désavouer », « dé-mentir ».


La négation insiste sur l'idée de séparation entre deux choses, et se pense dans son opposition à l'affirmation. Dans les propositions, les deux sont en rapport étroit selon Aristote, car « à toute affirmation répond une négation opposée, et à toute négation une affirmation »(1). Parce que Dieu ne peut être atteint par notre raison, rien ne peut être signifié sur lui ; aussi la théologie a tenté de le cerner, non par ce qu'il est, mais par ce qu'il n'est pas, comme « théologie négative ».

Philosophie Générale

S'oppose à l'affirmation, moment intermédiaire du processus dialectique.

La négation n'est pas pensable en soi, se constituant vis-à-vis d'autre chose ; elle est une opposition réelle à la position de quelque chose, c'est pourquoi Kant la distingue, en tant qu'elle est « privation », du simple « manque »(2). La négation est quelque chose de constitutif, ainsi que l'affirme Hegel en identifiant déjà le travail du négatif dans la pensée de Spinoza : omnis determinatio est negatio (« toute détermination est négation ») signifie que la position de la détermination, par laquelle l'essence exprime son en-soi dans le pour-soi, est une négation(3). La négation étant de ce fait position, elle est donc constitutive d'un mouvement qui la conduit, une fois déterminée en position, à se nier elle-même, ouvrant sur la négation de la négation en tant que processus de positivation.

Didier Ottaviani

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Aristote, De l'interprétation, 6, 17a25-36, trad. Tricot, J., Vrin, Paris, 1994, pp. 86-87.
  • 2 ↑ Kant, E., Essai pour introduire en philosophie le concept de grandeur négative, I, trad. Kempf, R., Vrin, Paris, 1980, p. 28.
  • 3 ↑ Hegel, G. W. F., Science de la logique, I, 2, « La doctrine de l'essence », trad. Labarrière, P.-J. et Jarczyk, G., Aubier, Paris, 1976, t. 2, pp. 1-6. Cf. Macherey, P., Hegel ou Spinoza, IV, La Découverte, Paris, 1990.

→ affirmation, Aufhebung, dialectique, logique, tiers-exclu

Logique

Opérateur qui, appliqué à un énoncé donné, permet de former un nouvel énoncé dont la valeur de vérité est inverse de celle de l'énoncé d'origine. Asserter la négation d'un énoncé revient donc à le nier. En français, la négation est généralement rendue par la locution « ne ... pas » ; le symbole logique pour la négation est ¬, préfixé à l'énoncé nié.

La logique traditionnelle distingue les jugements affirmatifs, qui disent que quelque chose est le cas, et les jugements négatifs, qui disent que quelque chose n'est pas le cas. On admet aujourd'hui, à la suite de Frege(1), qu'une telle distinction ne peut être rigoureusement tracée, sauf à mettre dans deux classes différentes des énoncés qui ne sont visiblement que des variantes l'un de l'autre, comme Le Christ n'est pas mortel et Le Christ vit éternellement. Cependant, certaines distinctions traditionnelles restent intactes, comme celle qui sépare les paires d'énoncés contraires (dont les deux éléments ne peuvent être simultanément vrais, comme α est rouge et α est bleu) et les paires d'énoncés contradictoires (dont les éléments ne peuvent, en outre, être simultanément faux, comme α est rouge et α n'est pas rouge) : un énoncé forme, avec sa négation, une paire contradictoire.

Jacques Dubucs

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Frege, G., « La négation » (1919), trad. française Imbert, dans Écrits logiques et philosophiques, Seuil, Paris, 1971, p. 204.

→ contradiction

Psychanalyse

Capacité du psychisme à contourner le refoulement grâce au mécanisme logique de la négation, la dénégation permet de prendre connaissance, tout en s'en défendant, de contenus de pensée ou de représentation inconscients, sans que les affects correspondants soient pour autant accessibles.

Dans La Négation(1), Freud fait dériver les fonctions intellectuelles – jugement d'existence et de condamnation, négation – de motions pulsionnelles orales : avaler et cracher. Soumis au principe de plaisir, le moi-plaisir du début veut « s'introjecter tout le bon et jeter hors de lui tout le mauvais »(2) – le refoulement est, dans cette optique, un « cracher » interne. Les mécanismes logiques de l'affirmation et de la négation sont les héritiers, par affranchissement progressif du principe de plaisir, de ces motions pulsionnelles.

Restaurant une filiation entre la pensée rationnelle la plus évoluée et les processus psychiques les plus élémentaires, la dénégation éclaire la puissance et la fragilité de la première, et permet de comprendre le rôle essentiel que la négation y joue.

Christian Michel

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Freud, S., Die Verneinung (1925), G.W. XIV, la Négation, in Résultats, idées, problèmes II, PUF, Paris, 2002, pp. 135-139.
  • 2 ↑ Ibid., p. 137.

→ affirmation, esprit, pulsion, refoulement