inné

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin innatus « né dans ».

Philosophie Générale, Philosophie Cognitive

Ce qui, étant de naissance, est attribut naturel d'un être.

Dans son sens le plus général, inné s'oppose à acquis, de sorte que le couple forme le cadre conceptuel à l'intérieur duquel il est possible de se demander s'il existe une nature humaine, ou si tout en l'homme est culturel. En ce sens, l'innéisme s'oppose au réductionnisme biologique, en postulant que l'on peut trouver des caractères qui ne peuvent être expliqués par le jeu mécanique des organes : le langage, la pensée, seraient la marque de l'exception humaine dans le règne naturel.

Spécialement, inné qualifie en philosophie une classe d'idées, dont on pose qu'elles existent dans notre esprit sans avoir été dérivées d'aucune expérience préalable. Bien que le mot ne se trouve pas chez Platon, c'est lui qui élabore la première doctrine des idées innées : avant son incarnation dans un corps, l'âme a déjà une connaissance complète des idées. L'incorporation masque une grande partie de ce savoir, mais un travail d'anamnèse suffit à le dévoiler, et du même coup démontre l'existence d'un savoir antérieur à notre naissance. La question est alors de savoir en quoi consiste ce savoir virtuel : le Ménon présente un cas de réminiscence de principes mathématiques et de règles de déduction(1). Les idées innées sont des principes : elles ne forment pas en elles-mêmes une connaissance actuelle et particulière, mais elles fondent la possibilité d'un savoir véritable. L'expérience ne nous présente que des exemples, et ne suffit pas à la connaissance, dit Leibniz : on ne peut parler de connaissance qu'en vertu de principes dont la preuve ne dépend pas du témoignage des sens(2).

Quelle est l'ampleur de ce qui en nous est inné ? Descartes les réduit à quelques-unes, mon existence personnelle, celle de Dieu, et quelques propositions logiques : il y aurait ainsi un socle d'idées spontanées et vraies, qui rend possible la découverte de vérités ultérieures par déduction(3). Pour Leibniz au contraire, c'est l'ensemble des affections de l'âme qui sont spontanées : rien n'entre dans la monade, tout y est donné d'emblée par la toute-puissance divine(4). Cela signifie, aux yeux de Kant, que c'est dans l'entendement lui-même qu'il convient de chercher l'origine des lois de la pensée(5). Toutefois, il ne faut pas confondre inné et a priori : que les concepts par lesquels nous pensons l'expérience ne proviennent pas d'elle ne signifient pas qu'ils sont innés au sens où nous les posséderions d'emblée avec toutes leurs déterminations. En réalité ils sont acquis, mais selon une « acquisition originaire »(6).

Sébastien Bauer

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Platon, Ménon, 82 a et suiv., trad. L. Robin 1950, in Œuvres Complètes I, NRF-Gallimard, Paris.
  • 2 ↑ Leibniz, G., Nouveaux essais sur l'entendement humain, Avant-Propos, édition 1990, GF-Flammarion, Paris.
  • 3 ↑ Descartes, R., Méditations métaphysiques, méditation 3ème, éd. 1992, GF-Flammarion, Paris.
  • 4 ↑ Leibniz, G., Système nouveau de la nature et de la communication des substances, § 14, éd. 1994, GF-Flammarion, Paris.
  • 5 ↑ Kant, E., Essai pour introduire en philosophie le concept de grandeurs négatives, 3ème section, trad. J. Ferrari 1980, in Œuvres philosophiques I, NRF-Gallimard, Paris.
  • 6 ↑ Kant, E., Sur une découverte selon laquelle toute nouvelle critique de la raison pure serait rendue inutile..., trad. A. Delamarre 1985, in Œuvres philosophiques I, NRF-Gallimard, Paris.

→ acquis, idée, ingenium, instinct, nature