immatérialisme

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».

Philosophie Générale, Philosophie Cognitive

Doctrine qui consiste à refuser l'existence d'une réalité matérielle extérieure à l'esprit qui la perçoit (chez Berkeley).

Exposé pour la première fois de façon complète dans le Traité des principes de la connaissance humaine(1), l'immatérialisme est une doctrine philosophique opposée au dualisme cartésien, dont Berkeley considère qu'il est à l'origine du scepticisme et de l'athéisme. Contre la distinction de deux classes de substances hétérogènes, l'immatérialisme considère que ne peuvent véritablement prétendre à l'existence que les esprits en tant que foyer d'action et de perception. Les choses non pensantes, en revanche, n'existent qu'en tant qu'elles sont perçues. Ce principe est résumé dans l'expression « esse is percipi or percipere (être c'est être perçu ou percevoir) »(2).

Cette formulation est devenue l'inévitable résumé de l'immatérialisme. Elle laisse pourtant dans l'ombre une articulation fondamentale de la pensée de Berkeley : s'il affirme que « ces corps qui constituent l'imposant cadre du monde n'ont aucune subsistance en dehors d'un esprit »(3), Berkeley n'entend pas pour autant renoncer à la réalité de ces choses non-pensantes que sont les idées. Berkeley, au contraire, affirme : « Je ne vise pas à changer les choses en idées, mais plutôt à changer les idées en choses, puisque je tiens les objets immédiats de la perception [...] pour les choses elles-mêmes dans la réalité de leur être. »(4). Cette affirmation repose sur la thèse selon laquelle, puisque les idées que nous percevons ou connaissons ne dépendent pas de notre caprice, il y a nécessairement un autre esprit à leur principe. L'ensemble de la réalité des idées tient donc à leur consistance propre, c'est-à-dire à leur caractère ordonné et indépendant, lequel dépend à son tour de l'esprit infini qui les produit. La réalité n'est ainsi plus référée à une substantialité matérielle indépendante de l'esprit : prise comme ordre des idées, elle est pensable comme un langage de Dieu(5).

Laurent Gerbier

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Berkeley, G., Traité des principes de la connaissance humaine (1710), Œuvres, vol. I, Paris, PUF, 1985.
  • 2 ↑ Berkeley, G., Commonplace Book (1706-1709), « Notes philosophiques », Œuvres, vol. I, p. 78.
  • 3 ↑ Traité des principes, § 6, p. 322.
  • 4 ↑ Berkeley, G., Trois dialogues entre Hylas et Philonous (1713) ; Œuvres, vol. II, 1987, p. 125.
  • 5 ↑ L'expression est introduite en 1732 dans l'Alciphron (Œuvres, vol. III, 1992).

→ corps, étendue, idée, idéalisme, matérialisme, matière, Molyneux (problème de), qualité, substance