génétique

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


W. Bateson propose ce terme, en 1905, pour désigner la science de la transmission héréditaire.

Biologie

1. Branche de la biologie qui étudie la transmission des caractère héréditaires. – 2. Branche de la biologie qui caractérise les gènes, les protéines qu'ils codent et les fonctions de ces protéines.

L'histoire de la génétique peut être divisée en trois périodes, qui correspondent aussi à trois champs différents de cette discipline.

La première, issue de la découverte (1865), puis de la redécouverte (1900) des lois de Mendel (1822-1884), consiste à calculer l'occurrence de produits de croisements en supposant des entités physiques inconnues, les gènes (1900-1915). Loin de la notion de descendance, comprise de manière floue comme somme des influences ancestrales, et mathématisée plus tard par les biométriciens (Galton, Weldon, Pearson) à l'aide de coefficients de corrélation parents-enfants, Mendel établit trois lois – dominance, disjonction (ou ségrégation) et indépendance – qui permettent de prédire, à partir des génotypes des organismes croisés, l'arbre de probabilité des génotypes ultérieurs. Il devient alors possible de prédire au-delà de la génération présente. La médecine prédictive actuelle s'appuie sur ces règles de probabilité, mais confond parfois les règles de transmission d'un caractère (qui peut dépendre de plusieurs gènes) avec les règles de transmission d'un seul gène. La génétique des populations s'inscrit, elle aussi, dans la voie ouverte par Mendel, en étudiant la dynamique des fréquences et des mutations géniques à l'intérieur de populations données.

La deuxième période de la génétique, ouverte par Morgan (1866-1945) en 1915, s'efforce de localiser les gènes en dressant les premières cartes génétiques. La nature du gène reste encore inconnue. Les cartes génétiques actuelles, établies après recoupement de toutes les unités de séquence d'ADN analysées (« gels de séquences »), utilisent encore comme points de repère les données topologiques issues des méthodes de Morgan.

La troisième période est celle de la génétique dite « moléculaire », commencée dans la seconde moitié du xxe s. avec l'identification de la nature chimique de l'ADN, et la meilleure compréhension du rôle des gènes par rapport aux protéines qu'ils codent (régulation de l'expression génétique, régulation de la réplication et de la différenciation cellulaire). Pourtant, le séquençage de l'intégralité de l'ADN de plusieurs organismes a fait apparaître l'existence de nombreuses séquences codantes dont la fonction reste inconnue. Les relations entre structures génétiques et fonctions protéiques requièrent encore le croisement de nombreuses connaissances pour être décryptées.

Qu'il s'agisse de probabilités d'occurrences, de données topologiques ou d'études de fonctions et de régulations, il convient de nuancer souvent la présentation assurée de bien des résultats, en rappelant que la génétique, comme science de l'étude des gènes, œuvre dans le domaine de la pluralité des causes, dans lequel ce que nous décrivons souvent de manière immobile, et dans un milieu de culture donné (celui du laboratoire), possède sa dynamique propre. Les nombreuses expériences qui corroborent la notion de déterminisme génétique et donc de science génétique ne doivent pas faire oublier que les voies déterminantes que nous connaissons ne sont peut-être pas les seules, et qu'elles peuvent changer.

Nicolas Aumonier

Notes bibliographiques

  • Correns, C. G., « Mendel's Regel über das Verhalten der Nachkommenschaft der Rassen Bastarde », Berichte der Deutschen Botanischen Gesellschaft, 18, 1900, pp. 158-168.
  • Danchin, A., la Barque de Delphes. Ce que révèle le texte des génomes, Odile Jacob, Paris, 1998.
  • De Vries, H., « Sur la loi de disjonction des Hybrides », C. R. Acad. Sc. Paris, 130, 1900, pp. 845-847 ; Des Spaltungsgesetz der Bastarde (Vorläufige Mitteilung), Berichte der Deutschen Botanischen Gesellschaft, 18, pp. 83-90.
  • Gayon, J., article « Génétique », in Lecourt, D. (dir.), Dictionnaire d'histoire et philosophie des sciences, PUF, Paris, 1999.
  • Gros, F., les Secrets du gène, Seuil, Paris, 1986.
  • Jacob, Fr., la Logique du vivant, Gallimard, Paris, 1970.
  • Kourilsky, F., les Artisans de l'hérédité, Odile Jacob, Paris, 1987.
  • Mendel, G., « Versuche über Pflanzen-Hybriden », Verhandlungen des naturforschenden Vereines in Brünn, 1865, 4, pp. 3-47.
  • Morange, M., Histoire de la biologie moléculaire, La Découverte, Paris, 1994 ; la Part des gènes, Odile Jacob, Paris, 1998.
  • Morgan, T., Sturtevant, A., Müller, H., & Bridges, C., The Mechanism of Mendelian Heredity, Henry Holt, New York, 1915.
  • Tschermak, E. (von), Über künstliche Kreuzung bei Pisum sativum, Berichte der Deutschen Botanischen Gesellschaft, 18, pp. 232-239.

→ déterminisme, gène




épistémologie génétique

Biologie

→ épistémologie




programme génétique

Biologie

Partie des informations contenues dans le génome, qui assurerait non la synthèse des composants de base, mais la régulation, dans le temps et l'espace de l'organisme, de cette synthèse : les biologistes s'intéressent particulièrement au programme génétique du développement.

Cette notion trouve son origine dans les travaux de l'École française de biologie moléculaire menés par Fr. Jacob et J. Monod. Elle est en résonance avec la vision informationnelle des êtres vivants et de leur fonctionnement, qui a accompagné le développement de la biologie moléculaire dans la seconde moitié du xxe s.

Cette comparaison entre le génome et un ordinateur fut très vite critiquée. Les travaux réalisés dans les décennies qui suivirent l'invention de ce concept ne révélèrent pas l'existence, chez les êtres vivants, d'un tel programme. Cette expression reste néanmoins utilisée comme une métaphore utile pour décrire le rôle des gènes dans le fonctionnement et le développement des organismes.

Michel Morange

Notes bibliographiques

  • Atlan, H., La Fin du « tout génétique » ?, INRA, Paris, 1999.
  • Kay, L. E., Who Wrote the Book of Life : a History of the Genetic Code, Stanford University Press, Stanford CA, 2000.
  • Keller, E. F., Le Rôle des métaphores dans les progrès de la biologie, Les Empêcheurs de penser en rond, Paris, 1995.
  • Maurel, M. C., et Miquel, P. A., Programme génétique : concept biologique ou métaphore ?, Kimé, Paris, 2001.
  • Morange, M., « Le complexe T de la souris : un mirage riche d'enseignements » in Revue d'histoire des sciences, no 53, 2000, pp. 521-554.