enthymème

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec enthumêma, « réflexion, raisonnement, stratagème ».

Logique

Raisonnement dont une partie est sous-entendue.

Pour Aristote, le terme s'appliquait à tout syllogisme dont les prémisses sont seulement vraisemblables(1) et non pas vraies comme dans le cas des syllogismes démonstratifs. Les scolastiques en ont restreint la portée en l'appliquant exclusivement aux syllogismes dont une prémisse (et / ou sa conclusion) est implicite. Dans les deux cas, l'enthymème importe essentiellement par son usage « rhétorique » s'inscrivant dans une stratégie de persuasion. Il respecte la forme syllogistique mais s'appuie sur des propositions sous-entendues censées exprimer des « opinions courantes », des « fait[s] connus de tout le monde »(2) qui s'imposent d'autant plus qu'ils sont soustraits à toute discussion.

L'analyse de l'enthymème relève alors de la pragmatique. De nombreuses implicitations conventionnelles constituent des enthymèmes. L'exemple de Grice(3) « Il est Anglais, donc courageux » requiert comme prémisse majeure la généralisation [hâtive] selon laquelle tous les Anglais sont courageux, vérité présupposée par les interlocuteurs. De même, certains slogans publicitaires (pour ne pas parler d'arguments électoraux) se réduisent souvent à la prémisse explicite d'un enthymème dont la majeure et la conclusion sont omises : « OMO lave plus blanc » suppose qu'acheter une lessive qui donne un linge blanc est judicieux et suggère qu'acheter OMO est d'autant plus judicieux.

Toute communication s'appuie sur un minimum de présupposés, de croyances supposées partagées ; l'enthymème se sert de ce savoir admis pour emporter la conviction. Sous l'apparence d'une preuve logique, il peut devenir une procédure de manipulation idéologique.

Denis Vernant

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Aristote, Seconds Analytiques, II, 1.
  • 2 ↑ Aristote, Rhétorique, 1, 2, 1357 a, 10, 21.
  • 3 ↑ Grice, H. P., « Logique et conversation », Communications, no spécial 30, Seuil, Paris, juin 1979, p. 57-72.
  • Voir aussi : Boyer, A., « Cela va sans le dire, éloge de l'enthymème », in Argumentation et rhétorique, Boyer, A., et Vignaux, G. éd., Hermès, no 15, ps CNRS, Paris, 1995, pp. 73-90.

→ implicite, présupposition, syllogisme