culpabilité

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin, culpabilis, « coupable », de culpa, « faute ». En allemand, Schuld, du verbe sollen, « devoir » : « dette, faute, culpabilité ».

Morale, Philosophie de la Religion

Sentiment par lequel la conscience morale s'accuse d'elle-même pour des fautes qui, normalement, peuvent faire l'objet d'une imputation rationnelle.

La culpabilité est en quelque sorte la dimension subjective de la responsabilité, sa reprise subjective. Être coupable, en effet, ce n'est pas seulement être reconnu objectivement responsable par une instance sociale supérieure et extérieure à l'individu, qu'elle soit institution familiale, religieuse ou judiciaire. C'est bien plutôt se reconnaître subjectivement responsable devant ce juge purement intérieur qu'est la conscience morale(1). En somme, avec la culpabilité, « la conscience de la faute devient la mesure de la faute »(2). C'est précisément le sens du moment chrétien, selon Nietzsche, de changer la direction du ressentiment. Désormais, l'homme cherche en lui-même la cause de sa souffrance. La faute, comprise comme péché, renvoie à ma propre faute et devient ainsi culpabilité : « Le péché est resté jusqu'à présent l'événement capital dans l'histoire de l'âme malade ; il représente pour nous le tour d'adresse le plus néfaste de l'interprétation religieuse. »(3). Il ne s'agit plus seulement d'accuser, mais bien de se sentir coupable.

La conscience coupable s'exprime dans le remords, dans l'impossibilité d'oublier, qui fait que la faute passée continue de vivre au présent. L'homme de la faute vit le temps selon une dimension tragique, où seul compte l'idée que ce qui a été fait ne pourra jamais être défait : la culpabilité ultime réside alors dans le péché originel. Comme l'indique Kierkegaard, avec la conscience du péché, la temporalité devient culpabilité(4).

La culpabilité ne doit pas être saisie seulement sous l'angle du pathos et des passions tristes (honte, dépréciation de soi, etc.), bien qu'elles en constituent inévitablement le cortège. Dans son essence, elle constitue bien une activité par laquelle un sujet moral est reconnu comme l'auteur libre de la faute. À ce titre, en tant que produit d'une imputation rationnelle, la catégorie de culpabilité est l'essence même de la responsabilité pénale. En effet, si la responsabilité, en droit pénal, ne repose pas sur l'aveu de la faute et des intentions qui l'ont rendue possible, alors cette discipline se réduit à n'être qu'un pur système de contraintes qui s'applique non à des personnes, mais bien à de simples forces psycho-physiologiques que l'on pourra, le cas échéant, objectiver. Comme l'établit Hegel, considérer certaines circonstances (telles que les passions, l'ivresse, la colère, la vengeance, etc.) comme si elles pouvaient supprimer la culpabilité du criminel conduit aussi bien à cesser de le traiter « selon son droit et son honneur d'homme » – si l'on tient qu'être un homme implique de situer sa pensée et son action sur le plan de déterminations universelles(5).

André Charrak

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Rousseau, J.-J., Émile, livre IV, « Profession de foi du vicaire savoyard », Gallimard, Paris, 1995.
  • 2 ↑ Ricœur, P., Finitude et culpabilité, t. II, Aubier, Paris, 2002.
  • 3 ↑ Nietzsche, F., Généalogie de la morale, 3e dissertation, § 20, Flammarion, Paris, 1996.
  • 4 ↑ Kierkegaard, S., le Concept d'angoisse, Gallimard, Paris, 1977.
  • 5 ↑ Hegel, F., Principes de la philosophie du droit, § 132, PUF, Paris, 2003.

→ conscience, ressentiment

Psychanalyse

La « conscience de culpabilité » (Schuldebewusstsein) provient de l'angoisse infantile (perte d'amour) devant l'autorité externe. Le « sentiment de culpabilité » (Schuldgefühl), conscient ou non, résulte de la tension entre les tendances du moi et les exigences du surmoi.

Le désir de tuer le père, lors du complexe d'Œdipe, se heurte à la crainte de castration qui impose le refoulement de cette motion agressive et qui donne forme à la conscience de culpabilité dont la partie consciente est la « conscience morale » (Gewissen). Par la suite, le surmoi intériorise l'interdit et exerce la pulsion sadique sur le moi, qui en tire une jouissance masochiste.

Sur le plan collectif, la « faute originaire » (Urschuld) est le meurtre du père par les fils, qui s'élabore en conscience de culpabilité et qui impose des interdits (Totem et Tabou, 1912). Cultures et religions se développent ainsi par la répression des pulsions sexuelles et agressives, s'appuyant sur le sentiment de culpabilité des individus, qui, une fois amorcé, s'amplifie de lui-même (Malaise dans la civilisation, 1930).

Benoît Auclerc

→ ambivalence, contrainte, culture, masse, surmoi