communautarisme

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Concept essentiel à l'aune du débat qui oppose aujourd'hui, aux États-Unis et en Europe, les philosophes libéraux aux « communautariens ».

Morale, Politique

Courant de pensée contemporain, qui érige la valeur de la communauté (religieuse, sociale, ethnique, culturelle ou politique) au même rang que celles de liberté et / ou d'égalité, voire lui accorde la priorité. En ce sens, les communautariens reprochent principalement au libéralisme ses fondements individualistes.

Le « front » communautarien, qui rassemble principalement des Anglo-Saxons comme A. MacIntyre, M. Sandel, Ch. Taylor et M. Walzer, semble plus difficile à cerner que celui des libéraux. Ne serait-ce que parce que certains des philosophes désignés par cette appellation la récusent. On peut cependant constater que ces auteurs, qui se réfèrent dans l'ensemble à Aristote (à son éthique des vertus et du souverain Bien) et à Hegel (tout jugement pratique s'inscrit dans une vie éthique partagée), s'accordent sur l'importance de l'espace intersubjectif et social dans l'élaboration d'une pensée morale et politique.

De l'anthropologie à la morale

Selon les communautariens, une perspective extérieure à la communauté n'existe pas, car il est impossible de s'arracher à son histoire et à sa culture. Au contraire, notre existence puise son sens dans des contenus moraux substantiels, qui ordonnent l'histoire de chacun. Or, parce que ces valeurs et ces fins sont déjà inscrites dans le tissu social, elles précèdent l'individu et déterminent non seulement la manière dont il définit son identité, mais aussi celle dont il exerce sa liberté. Cette dernière est alors conçue comme l'autoréalisation de l'homme au sein d'une communauté politique ou culturelle particulière(1).

De cette anthropologie, qu'on peut qualifier de « holiste », découle une définition substantielle et téléologique de la morale. Substantielle, car celle-ci est conçue comme le fruit d'un consensus autour de valeurs traditionnelles (historiquement situées). Téléologique, car, à la morale d'inspiration kantienne des règles formelles de justice défendue par les philosophes libéraux, les communautariens préfèrent une éthique aristotélicienne des vertus et des fins de la vie humaine.

Les conséquences politiques

Pour la plupart des communautariens, la communauté précède l'individu non seulement en fait, mais aussi en droit. Dès lors, ils voient dans la recherche du bien commun – dans la quête d'un idéal partagé – une exigence politique tout aussi impérieuse que la défense du droit à la liberté individuelle(2). En outre, parce que ce bien se définit à l'aune du mode de vie de la communauté, l'État ne peut ni ne doit, dans une logique communautarienne, garder une quelconque neutralité vis-à-vis des choix de vie culturels de ses citoyens. Ce qu'il est politiquement juste de faire est déterminé en référence à un ensemble de valeurs sociales(3), de sorte que la légitimité des institutions est avant tout traditionnelle. C'est sur ce point que les communautariens s'opposent le plus radicalement aux philosophes libéraux, selon lesquels l'État ne doit en aucun cas promouvoir une conception morale ou religieuse particulière, et tire sa légitimité d'un contrat.

Charlotte de Parseval

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Sandel, M., le Libéralisme et les limites de la justice (1982), trad. J.-F. Spitz, Seuil, Paris, 1999. MacIntyre, A., Après la vertu (1981), trad. L. Bury, PUF, Paris, 1997, p. 210.
  • 2 ↑ Taylor, Ch., la Liberté des modernes, trad. P. de Lara, PUF, Paris, 1997, pp. 223-283.
  • 3 ↑ Walzer, M., Sphères de justice (1983), trad. P. Engel, Seuil, Paris, 1997, pp. 23-32.
  • Voir aussi : Berten, A., Da Silveira, P., Pourtois, H. (dir.), Libéraux et Communautariens, PUF, Paris, 1997.

→ libéralisme, reconnaissance