attention

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


En allemand : Aufmerksamkeit, de merken, « marquer, remarquer », Achtung, de achten, « prendre garde à » ; Zuwendung, de sich wenden, « se tourner vers ».


Thème de choix, quasiment vecteur de la psychologie (Wundt, Stumpf(1), Külpe, Gestaltpsychologie, de Buser(2)) ; présence thématique latérale en phénoménologie, chez Husserl(3), Schütz(4) et Merleau-Ponty(5), quoique le phénomène y soit déterminant dans la méthode comme dans la thématique.

Phénoménologie, Psychologie

Processus mental par lequel un objet ou une part de ma vie psychique sont mis en relief pour moi.

L'opération attentionnelle procède d'un double mouvement conjoint, par lequel le sujet porte son intérêt sur un objet au moment même où celui-ci se manifeste à lui en l'affectant. Il y a dans le phénomène de l'attention un mixte d'activité et de passivité, ce qui pose la question de la pertinence de ce couple pour l'aborder en sa vérité.

Comme l'indiquent les différents termes allemands mentionnés pour traduire « attention », on peut se demander si ce phénomène correspond à une réalité unifiable, ou s'il ne participe pas de gestes mentaux hétérogènes relevant de domaines distincts. Si l'on fait droit à la structure spatiale figure / fond, et que l'on désigne l'objet sur lequel porte l'attention comme un objet remarqué, qui, ce faisant, se détache, on insiste sur le pôle objectif dans la constitution de l'activité attentionnelle. Cet accent est partagé par les psychologues de l'École de Würzburg, par les phénoménologues (le dernier Husserl, Merleau-Ponty ou Schütz), mais aussi par la psychologie de la forme, qui l'érigera en méthode d'analyse des phénomènes. Si l'on souligne la disposition proto-éthique du sujet qui prend garde à tel aspect du réel, ou bien le mouvement pré-réflexif de se tourner vers la chose perçue, on privilégie le geste subjectif inhérent à l'activité attentionnelle. Telle est bien plutôt l'inflexion à l'œuvre dans la phénoménologie statique initiale de Husserl.

Natalie Depraz

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Stumpf, C., Tonpsychologie, Hirzel, Leipzig, 1883.
  • 2 ↑ De Buser, Cerveau de soi, cerveau de l'autre, Odile Jacob, Paris, 1998, chapitre VIII, « Attention et pré-attention ».
  • 3 ↑ Husserl, E., Idées directrices...I, Gallimard, Paris, 1950.
  • 4 ↑ Schütz, A., Der sinnhafte Aufbau der sozialen Welt, Springer, Vienne, 1932.
  • 5 ↑ Merleau-Ponty, M., Phénoménologie de la perception, Gallimard, Paris, 1945.

→ affection, conversion, perception

Psychologie

Orientation de l'activité mentale par des buts, qui maximise l'efficacité du traitement des informations reçues et de leur réutilisation dans l'action.

Depuis l'origine de la psychologie scientifique, naturaliser l'attitude subjective dans la perception et l'action en tant qu'attitude subjective a été un enjeu central(1). Considérée par Husserl(2) comme un « tendre-vers » intentionnel originaire du Je, l'attention est encadrée, en psychologie cognitive, par une théorie fonctionnelle et évolutionniste qui, pour surmonter les limites des comptes rendus introspectifs, met l'accent sur les étapes hiérarchisées du traitement de l'information, et cherche à se vérifier en pathologie mentale.

L'attention est soumise ainsi à deux contraintes : le filtrage des informations utiles, et la capacité des appareils qu'elle mobilise (canaux sensoriels, mémoire de travail, etc.), selon que l'attention est « focale » ou « partagée ». On sait que la maximisation des informations reçues a des bases neurobiologiques distinctes de sa réutilisation dans l'action (puisque dans l'action on ne prête plus attention aux informations non-pertinentes) ; l'attention dépend d'élévations de seuil précises dans la formation réticulée. Enfin, plusieurs théories expliquent comment s'automatisent certaines tâches attentionnelles pour diminuer la « charge mentale », et comment l'attention se réveille (théorie du « priming »).

L'analyse cognitive de l'autisme offre une contre-épreuve empirique de ces théories(3). Elle met l'accent sur la notion d'« attention conjointe » : (chacun regarde ce que regarde l'autre) et l'intègre dans une conception modulaire complexe qui explique pourquoi les sentiments subjectifs et les conduites psychomotrices particulières de l'autisme plongeraient leurs racines dans ce trouble spécifique de l'attention.

Pierre-Henri Castel

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Ribot, T., Psychologie de l'attention, Paris, 1889.
  • 2 ↑ Husserl, E., Expérience et jugement, chap. 1 et 2, Paris, 1970.
  • 3 ↑ Baron-Cohen, S., Mindblindness, Cambridge (MA), 1995.

→ perception